Chapitre 62
PDV Yuki
J'ai une conscience aiguë de sa peau sur la mienne. De son corps contre le mien. Au milieu de ses lumières changeantes, le vert de ses yeux ne perd pas son intensité. La musique bien trop forte ne camoufle pas les battements de son cœur. C'est presque si je n'entends pas chaque goutte de son sang couler dans ses veines. Chacun de ses poils se dresser sur sa peau. Je suis affreusement consciente de tout ce qui le concerne.
Comme si il n'y avait plus que lui. Je m'oublie moi-même.
Cela me dérange, d'être autant obnubilée. Je ne peux que me rendre donc du danger que cela suscite. Si là maintenant, cette discothèque explosait, m'en rendrais-je compte ? Je n'en suis pas certaine. Je pense que la mort pourrait me cueillir sans même que je ne la sente venir.
Et puis en même temps, je n'ai pas envie de cesser de me concentrer sur lui. Mon esprit aussi est touché. Toute ma raison s'envole, pour laisser place à ce désir qui naît en moi chaque fois qu'il s'agit de lui. Je ne suis plus maître de rien, et je ne sais pas ce que je serais capable de faire, pour assouvir toutes les pulsions que je sens monter au creux de mon ventre.
Mes sens sont plus en alerte en sentant ses doigts dans mon dos, que lorsque la lame froide d'un poignard se glisse sous mon cou. Mon cœur bat plus fort alors que nos bassins se frôlent, que lorsque qu'on me déchiquette la peau.
Mes priorités sont à revoir, mais je suis incapable d'aligner des pensées cohérentes maintenant.
Je laisse seulement son corps guider le mien. Je fais ce qu'il m'a dit, j'oublie. Et j'oublie presque qui je suis. Qui il est. Tout n'est plus que sensations. Il n'y a pas de Shadow, pas d'Alpha, ni de Cyrus ou de Yuki. Il n'est pas question de Destin, ou bien de mort. C'est juste deux corps qui s'accordent, qui dansent d'un même rythme et d'un même mouvement.
Et alors que j'oublie qui je suis, je trouve presque cela agréable. J'entrevois la vie que mène d'autres personnes, une vie loin de la mienne. Et si je n'ai pas envie d'en changer, je suis forcée d'admettre que le temps d'un instant, je suis contente de m'y essayer. Je ne l'avouerais jamais à d'autre, mais c'est déjà un grand pas que de me l'accorder à moi-même.
Son souffle vient se déposer dans mon cou. Chaud, bien trop chaud. Je pourrais presque réclamer sa bouche, et tout le reste de son corps, là maintenant. Mais je suis bien trop fière pour le faire. Et quand bien même le monde semble s'être évaporé autour de moi, il est encore là. Je le sais, et il y a des choses que je n'ai pas envie qu'on voit.
Des choses comme l'homme en face de moi. Parce que je refuse qu'il se dévoile à d'autres. A une autre.
C'est égoïste. C'est tout ce que je déteste.
Personne n'est à personne. Et pourtant, quand je pense à lui, je ne pense pas à un loup. Je pense à mon loup.
Je sens sa bouche se rapprocher de mon cou, jusqu'au moment où son souffle sur ma peau est remplacée par ses lèvres. Je ne retiens pas un frisson. Je n'en suis pas capable. Mon corps réagit, mon esprit s'éteint, mon cœur s'affole. Autant de réactions que je ne m'étonne plus d'avoir. Autant de réactions que lui seul est capable de déclencher chez moi.
Et je commence à comprendre que notre lien n'est pas leurs seule origine. Parce que je suis persuadée que si j'avais été liée à un autre, je n'aurai pas ressenti tant de choses. Alors le Destin et son ennemi l'Amour ne sont pas ceux qui me font ressentir quoi que ce soit. C'est lui. Juste lui.
- Tu t'amuses ?
Ma tête se secoue, avant que ma voix ne s'élève au milieu du bruit.
- Non.
Ce moment n'est pas amusant. Il est galvanisant, excitant. Agréable oui, mais d'une manière toute particulière. Alors non je ne m'amuse pas. Mais ça n'en reste pas moins plaisant, et il semble le saisir, car ses lèvres s'étirent sur ma peau dans un sourire.
- Zut, je n'ai pas réussi mon pari.
Mes lèvres se retroussent. Je m'appuie un peu plus contre son corps, et hisse ma bouche près de son oreille. Et autant que lui quand cela m'arrive, je savoure la réaction de son corps quand ma voix vient lui chatouiller les tympans.
- Qu'est-ce que je gagne dans ce cas loup ?
- Le droit d'en profiter encore.
Je ne réponds rien devant sa prétention. Il faut dire que c'est un prix que j'accepte volontiers. Alors pendant encore une minute, une heure ou quelques années, je le laisse me faire danser.
Je ne sais pas vraiment combien de temps passe. Peut-être trop ou pas assez, je ne parviens pas à en juger. Mais arrive le moment où il est temps de s'arrêter. Et presque malgré moi, je le regrette, j'ai envie de continuer. Je ne me reconnais pas forcément. Mais je n'en ai pas grand-chose à faire.
Et si je n'étais pas celle ayant imposée la condition de rentrer, j'aurai probablement accepté de faire durer cette soirée.
Simplement pour rester dans cette bulle, où plus rien d'autre que lui ne comptait.
- Cache ta déception vampire, où les enfants vont te charrier.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Mais bien sûr.
Je ne dis rien du sourire joueur de Cyrus et m'avance vers l'extérieur, rapidement suivie de Nader. Le reste des troupes mettent quelques temps supplémentaires à arriver, avant qu'un bras vienne entourer mon cou.
- Laisse nous rester encore un peu Sha' !
Puis il se penche vers moi, ajoutant une phrase que moi seule peut entendre.
- Elle avait enfin acceptée de danser avec moi !
Je ne retiens pas un rire et il se met à bouder, et à me supplier, ce que je fais mine de ne pas entendre. Si j'écoutais ses désirs et les miens, nous entrerions à nouveau dans cette boîte. Mais ma raison a reprit le dessus, et elle me rappelle ce qui nous attend dans quelques jours.
- Il fallait être plus rapide pour la convaincre Min'.
- Plus facile à dire qu'à faire.
- Tu aurais gagné du temps si tu n'avais pas été idiot avant de partir.
Il râle et je reporte mon attention sur la jeune femme qui emplit ses pensées. Je laisse monter un sourire sur mes lèvres quand je remarque la veste du loup sur ses épaules, qu'elle respire discrètement. Il semble que l'idiot en question gagne du terrain dans son cœur de jour en jour, et je me demande si l'un comme l'autre s'en rende vraiment compte.
Mes yeux passent ensuite sur ma sœur, et je ne mets pas longtemps à remarquer ses joues rougissantes. Je cherche la raison de cette couleur avant de tomber sur sa main, derrière son dos, entrelacée à celle d'un certain second. Quand elle croise mon regard, elle tente de se dégager, mais le loup ne la laisse pas s'échapper, ce qui ne fait qu'agrandir mon sourire.
Qui aurait pu dire que nous finirions chacune avec un loup ? Enfin, si l'on peut dire que je suis avec Cyrus. Je n'en suis pas sûre. Est-ce que j'en ai envie ? Je ne sais pas. C'est une notion abstraite, pour moi. Il faut dire que le seul exemple de couple que j'ai eu dans ma vie est constitué de mon père et de la jumelle légèrement diabolique de ma mère, où l'amour n'a jamais été le lien entre eux.
Je n'ai pas envie d'y penser plus que cela, et je me retrouve sortie de mes pensées par un cri à peine perceptible. Mes sourcils se froncent, et mes yeux cherchent la source, sur laquelle je finis par tomber, à quelques mètres de là.
Je distingue grâce aux quelques lampadaires la silhouette d'une jeune femme, entourée de deux hommes qui semblent peu accueillants.
- Non !
Elle tente de se défaire de la prise de l'un d'eux, et il n'en faut pas plus pour que je parcours la distance qui nous sépare, et attrape le bras de ce type. Je le fais reculer de quelques pas, et me place devant elle.
- Elle a dit non.
- Et en quoi ça te regarde ?
Je sens les autres arriver dans mon dos, tandis que l'autre homme cherche à me dégager sur le côté. Il n'a pas le temps de poser la main sur moi que Ramin se place entre nous, grognant, tandis que son jumeau passe derrière le trouble-fête pour l'immobiliser. Toujours aussi réactifs quand il s'agit de moi, ces deux-là.
Je ne vois pas la jeune femme derrière moi mais je la sens trembler comme une feuille. C'est une louve, qui a une certaine puissance en elle, mais cela n'empêche pas d'avoir peur. Surtout si elle n'a pas reçu un éducation combative.
- De quoi vous vous mêlez !
L'homme encore libre de ses mouvements serre les poings et le visage. Il semble n'avoir pas grand-chose à faire de son compagnon tenu par deux loups, mais plutôt être en colère d'avoir été interrompu.
- Saletés de monstres, vous n'auriez jamais dû sortir de l'ombre !
L'insulte me passe au-dessus, comme tout ce qui sort de la bouche de déchet tel que lui. Mais une autre décide de réagir à ma place et une tignasse blonde débarque à toute vitesse devant moi.
Emna envoie une première baffe à l'homme.
- Ça, c'est pour les « monstres ».
Une deuxième.
- Ça, c'est pour la grossièreté envers ces dames.
Pour finir par un coup de pied bien placé, pour rester polie.
- Et ça, c'est pour être un putain de violeur en puissance, et fier en plus de ça. Tu risques de ne plus pouvoir toucher grand monde pendant un moment.
Et vu la force du coup, je n'en serais pas étonnée. Son visage trahit une expression de douleur intense, et de peur, tandis que la jeune femme s'écarte avec un grand sourire. Je la regarde sans rien dire, et elle prend une expression innocente.
- J'ai peut-être tapé un peu fort.
J'affiche un sourire, amusée. Je ne comptais pas la gronder, et j'avoue que j'aurai peut-être été un peu plus violente moi-même. Alors on va dire qu'il s'en sort bien.
Nader lâche son compatriote et les enjoint à prendre le large, ce qu'ils ne tardent pas à faire, l'un d'eux en boitant sévèrement. J'espère que cela leur passera l'envie de recommencer.
Je me suis à peine retournée vers la jeune femme, qu'elle perd l'équilibre et part en arrière. Cyrus la rattrape avant qu'elle ne s'étale au sol, et l'assoie en la soutenant.
Tala se baisse à sa hauteur pour s'assurer qu'elle va bien, et nous restons silencieux quelques instants avant qu'elle ne reprenne suffisamment ses esprits.
Elle semble encore complètement chamboulée, et on ne peut pas le lui reprocher.
Avec une voix douce, Tala réussit à lui faire dire son prénom, « Negin ». Mais quand vient la question de savoir d'où elle vient, la réponse semble plus difficile à donner.
Nous patientons quelques minutes, laissant Tala, sûrement la plus à mène à cette mission, mettre en confiance la jeune femme.
- Je n'ai pas de maison...
Elle ne dit pas grand-chose de plus, ne nous laissant pas le loisir de comprendre pourquoi elle se retrouve dans une telle situation. Mais après tout, elle ne nous connaît pas, et elle est encore toute retournée de ce qu'elle vient de vivre. Lui en demander trop maintenant n'est pas une solution.
Mon regard croise celui ce Cyrus, et nous pensons visiblement à la même chose.
C'est lui qui finit par prendre la parole, et lui proposer de venir avec nous pour le moment.
Le visage de la jeune femme s'illumine un peu, et elle accepte d'un sourire un peu bancal. Mon loup la relève, et j'essaye de ne rien ressentir tandis qu'elle continue de s'accrocher à lui, jusqu'à la voiture, et même à l'intérieur de celle-ci.
Il n'a pas l'air de savoir comment réagir, partagé entre le fait qu'il est gêné et qu'elle a sûrement besoin de se raccrocher à quelque chose.
Je n'aime pas voir cela. C'est mon côté égoïste qui se manifeste une nouvelle fois. Mais je le fais taire. C'est une jeune fille perdue qui a besoin d'aide.
C'est seulement cela. N'est-ce pas ?
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