Chapitre 60
PDV Yuki
La voiture fait un premier arrêt pour déposer nos loups dans un hôtel. Après avoir monté leur plan de soirée de A à Z, ceux-ci ont trouvé essentiel d'avoir deux chambres pour se préparer. J'ai voulu leurs rétorquer qu'ils souhaitaient aller en discothèque et non pas rendre visite à la Reine Elizabeth, mais leur enthousiasme était tel que j'ai abandonné. Et ce n'est pas comme si j'avais eu le loisir d'en placer une. Je ne comprends pas bien l'engouement qu'ils peuvent avoir face à une telle sortie. Mais d'un façon étrange, j'aime les voir ainsi.
Quand bien même tout cela me dépasse, et que je ne ressente visiblement pas les choses de la même façon qu'eux, les voir si heureux fait gonfler une boule dans ma poitrine. Une sensation étrange mais pas désagréable.
Ma sœur, mes loups. Je suppose qu'il est normal d'apprécier les voir heureux. Et ce n'est pas comme si je pouvais encore m'étonner dans la vague de sentiment qui m'assaille depuis que je connais ces troublions.
Je ne contrôle plus grand-chose, depuis qu'ils sont tous entrés dans ma vie. Le lien qui grandit entre nous n'arrange rien, d'ailleurs. Je devrais détester ça, tant le contrôle est un point fondamental de ma vie. Je dirais même que c'est lui qui me permet d'être encore vivante aujourd'hui. Et pourtant, c'est si naturel que je ne veux pas aller contre. Même plus, je crois que je me sentirais soudainement vide, si ces sentiments disparaissaient.
Mes pensées cessent de tourner lorsque la voiture s'arrête et que l'immense bâtiment blanc apparaît par les vitres. J'essaye de mettre de côté ce ressentiment négatif qui ne cesse de grimper en moi, et je sais que Cyrus fait de même. D'une main, j'attrape le masque posé sur mes genoux et le place sur mon visage. Bahram, qui nous a rejoint dans cette voiture, ne dit rien en me voyant faire. J'ai peut-être accepté que cette meute voit mon visage. Mais le reste du monde n'aura pas ce privilège. Ma confiance n'est pas chose aisée à gagner. Il y a fort à parier que je n'aurais pas dévoilé mon identité à cette meute sans le lien qui nous unit.
Cyrus tourne son visage vers moi et m'interroge du regard, attendant que je hoche la tête pour ouvrir la portière.
Les longs couloirs me paraissent aussi monotone que la première fois où j'ai mis les pieds dans ce lieu. Dire que ce jour là, on m'annonçait une cohabitation avec des loups. Et que maintenant je me retrouve dominante et... compagne. Ce mot est encore difficile à appréhender, dans mon esprit. J'aimerais avoir le loisir d'y songer, quand bien même ce qui pourrait en ressortir m'effraie un peu, mais je n'ai guère le temps pour l'instant.
L'Alpha ne met pas longtemps à ouvrir les portes menant au Conseil et nous entrons dans la pièce.
Mon regard s'accroche directement à celui de mon géniteur, qui affiche un rictus. Dur de dire ce qui lui passe par la tête, mais il ne m'étonnerait pas qu'il soit simplement amusé face à toutes les révélations que nous avons apprises, et qu'il avait comprises bien avant nous. Je le vois faire un signe de tête à Bahram, avant que je ne détourne le regard vers l'humain.
Je ne saurais dire ce qui habite son regard. Je ne sais pas quoi penser de cet homme en général. Je n'ai pas l'impression qu'il ait grand intérêt au sein de ce Conseil. Il fallait un humain, ils ont pris celui qui était déjà là. Mais sa voix vaut-elle quoi que ce soit ? Elle n'a pas l'air suffisamment affirmée pour avoir quelconque poids.
Et pourtant c'est à lui aujourd'hui que nous allons nous adresser.
Il nous salut poliment, avant que tout le monde ne s'assoit autour de la table. Mon père et celui de Cyrus se font face, tandis que nous nous plaçons tous les deux face à Greyson, l'humain.
J'ai presque l'impression de me retrouver dans un jugement. Et c'est un peu ça. Ils vont juger du plan que nous avons mis en place, pour nous laisser le mettre en œuvre ou non. Je n'ai pas l'habitude de devoir attendre l'aval de qui que ce soit pour agir. C'est légèrement agaçant.
- Je pense que nous connaissons tous les grandes lignes de ce qui nous amène. Passons donc à l'essentiel.
Bahram nous fait signe de commencer à parler, et je le remercie presque d'éviter de faire durer les choses. Le malaise que je ressens est toujours présent, heureusement, je sais le mettre de côté.
- Deux sous-unités. L'une d'elle se trouve sur le Mont Adams. L'attaque est programmée d'ici 10 jours.
- Pourquoi attendre si longtemps ?
C'est Cyrus qui se charge de répondre à ma place à Greyson, pendant que je m'occupe d'afficher une cartographie des lieux.
- De grosses averses sont attendues cette semaine. Dans cette région, un terrain glissant serait clairement une difficulté pour attaquer sereinement. En plaçant l'attaque dans 10 jours, nous passons cette série d'averses et permettons à la terre de redevenir suffisamment sèche pour des conditions optimales.
Je vois mon père acquiescer d'un signe de tête, visiblement ravis que nous ayons penser à cette hypothèse. Je reprends la parole, attirant l'attention de tous, tandis que Cyrus me rejoint.
- L'entrée, la seule, se trouve au niveau de ce point vert. Vu la cartographie des lieux, nous allons devoir arriver par l'Est. La végétation devrait nous couvrir jusqu'au dernier moment. Nos deux stratèges, qui s'occupent de la coordination, se placeront en hauteur, sur ce point rouge.
J'ai à peine fini que Cyrus enchaîne, et je m'étonne presque de l'aisance avec laquelle nous nous complétons. Un point que semble noter également nos pères respectifs, qui s'échange un petit sourire. Décidément, je continue de penser que ces deux-là sont parfaitement accordés.
- Nous avons relevé les tours de gardes. Ce sont les mêmes chaque jour, et le roulement est toujours le même. La brigade commençant à 15h est la moins nombreuse. De plus, leurs échanges de place se font en intérieur. Il faut compter environ 3 minutes 20 pour que la nouvelle équipe sorte.
- C'est peu.
Je me charge de répondre à l'homme, avant que Cyrus ne reprenne tout aussi vite, comme si il n'avait pas été interrompu.
- C'est largement suffisant.
- Les plans lors de l'ouverture la porte nous permettent de savoir qu'elle débouche sur un long couloir. Pour dégager l'espace, nous commencerons par les enfumer avec une solution paralysante. Une fois qu'elle aura fait effet, nous pourrons nous avancer vers l'intérieur.
- Pourquoi ne pas utiliser un explosif ?
Je vois que le loup se retient de lever les yeux au ciel devant cette nouvelle intervention. Il garde tout de même son calme et s'applique à répondre, ce qui devrait pourtant paraître logique à un dirigeant.
- Nous n'avons pas connaissance du terrain. Nous sommes donc incapables de dire si l'explosion ne bloquerait pas tout accès aux lieux, et donc, enfermerait pour de bons les potentiels otages.
Cette fois, et pour le reste de la présentation, l'homme ne trouve rien à redire. Nous finissons sur son aval pour l'attaque, avant qu'il ne quitte les lieux.
Mon père s'avance vers nous et salut Cyrus, puis ce dernier nous laisse tous les deux.
- J'ai l'impression que tu es plus sereine que lors de notre dernière conversation.
Je ne sais pas si c'est le mot. Seulement, je commence à m'habituer à la situation. Il faut dire que je ne peux pas y faire grand-chose. Et j'ai de moins en moins la sensation de ressentir parce qu'on m'y oblige. C'est trop naturel.
- Pourrais-tu avoir l'air un tout petit peu inquiet pour ta fille qui risque de mourir à cause du Destin ?
Il rit et me tire un sourire, avant de me faire un clin d'œil. Je suppose qu'il signifie qu'il a confiance en moi.
- J'ai eu Maï avant la réunion. Alors comme ça ils ont réussi à te faire sortir ?
- Ce n'est pas encore fait.
Au fond, je sais très bien que si. Il suffit qu'ils se mettent tous à me supplier pour que je craque.
- Je ne pensais pas un jour voir Shadow en boite de nuit.
Je hausse les épaules.
- Shadow n'y va pas. Yuki peut-être.
Il me sourit et pose un main sur mon épaule. Je sais que nous n'allons pas pouvoir rester bien longtemps ensemble à discuter. Il a des choses à faire, et moi aussi, même si ce n'est pas vraiment comparable.
- Je crois que tu as trouvé ta voie.
- Une discothèque ?
- Une meute.
Il ne me dit rien de plus et s'éloigne en gardant ses yeux dans les miens un moment. Il a raison. C'est ma place. Ma meute.
Et l'homme que je sens me rejoindre dans mon dos, c'est mon loup.
J'ai à peine passé la porte de la chambre « fille », que c'est presque comme si on me sautait dessus. Les trois jeunes femmes me tirent à l'intérieur en parlant toutes en même temps, m'empêchant de comprendre quoi que ce soit.
Je les laisse divaguer un moment avant de lever les mains et de parler suffisamment fort pour couvrir leurs voix.
- Une à la fois ! C'est incompréhensible là !
Elles rient et c'est Emna qui se décide à faire un résumé des quelques heures qu'elles ont passé pendant que nous étions au Conseil.
- On a fait les boutiques. Et on t'a trouvé une merveilleuse robe !
- Non.
Elle fronce les sourcils, avant de poser ses mains sur ses hanches.
- Comment ça, non ?
- Je peux très bien y aller comme ça.
Je pointe du doigt ma tenue du jour, et ne m'offusque pas de la mine que les trois jeunes femmes affichent en me regardant.
- En mode guerrière ? Tu ne passeras jamais le vigile.
- Quel dommage.
- Cyrus va être fou en te voyant dans ce qu'on t'a trouvé.
Je n'ai pas le temps de répliquer à Tala que je n'ai pas envie de rendre fou le loup -ce qui est faux- que déjà Maï prend la parole.
- Cyrus va surtout vouloir te retirer la robe.
Tala ouvre grand la bouche alors qu'Emna éclate de rire. Je reste interdite quelques instants avant de sourire devant la rougeur des joues de ma sœur. Elle même ne s'attendait pas à dire une telle chose.
- Je connais un autre loup qui retirerait bien la robe d'une certaine vampire.
Maï tape le bras d'Emna en la traitant d'idiote, tandis que cette dernière est toujours hilare.
Je les regarde se diriger vers de grands sacs contenant visiblement bien plus que des robes. Comment ont-elles pu acheter tout cela en si peu de temps ?
De là, s'en suit un joyeux bazar, qui devient de plus en plus fréquent dans ma vie. Les trois essayent moultes tenues différentes, tandis que je reste assise sur le lit à les regarder faire. Des phrases qui me paraissent absurdes me viennent aux oreilles, mais je ne dis rien.
« Ces chaussures ne vont pas à la morphologie de ton pied »
« Oh non, le rose poudré te blanchit le teint »
Ou encore « J'hésite entre rouge écarlate ou rouge sang pour les ongles », comme si ce n'était pas exactement la même couleur.
Mais quand bien même je me sens étrangère à ce monde, je me sens bien. J'aime les voir rire, tandis que Tala rate le trait d'eyeliner d'Emna. J'aime les voir discuter avec tant d'entrain pendant qu'elles essayent toutes les tenues qu'elles ont acheté et qu'elles ne mettront probablement plus jamais. J'aime les entendre se taquiner sur les garçons, voir Tala rougir quand on évoque Ramin, Maï tout autant avec Arman. J'aime même quand elles me sautent presque dessus pour me tartiner le visage de maquillage et s'occuper de ce qu'elles nomment « mon désastre capillaire ».
En fait, je crois que j'aime simplement les voir heureuses. Les savoir bien, loin de tout soucis, où leurs seule préoccupation est de plaire aux garçons qu'elles aiment. Là, elles n'ont plus 340, 360 et 380 ans. Non, elles ont 17, 18 et 19 ans. Elles vivent, comme elles devraient le faire.
Et rien que de voir cela, je me sens heureuse, moi aussi. Et j'espère que je pourrais les voir ainsi, pour encore de nombreuses décennies.
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On reprend le rythme avec un chapitre tous les samedis !
Une sortie qui n'est pas dans la veine de Yuki, mais qui réserve des surprises... au moins une ^^ bonne ou mauvaise ?
A samedi prochain,
Kiss :*
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