Chapitre 50
PDV Cyrus
Je la comprends. Je la comprends tellement parce que j'ai les mêmes doutes qu'elle. Comment savoir si l'attraction que je ressens pour elle vient de moi, ou bien que cette entité magique ? Il n'y a pas de façon miracle. J'ai peur que les moments passés avec elle ne soit pas vraiment de notre fait. J'ai du mal à accepter cette possibilité, elle m'effraie, et je n'aime pas cette sensation.
Mais d'un autre côté, la voir s'éloigner de moi de cette façon est presque insupportable. Je préfère penser que je suis contrôlé et rester près d'elle que l'inverse, mais elle ne semble pas de cet avis.
Son corps s'éloigne du mien, alors qu'elle me repousse encore. Putain, je déteste voir ça. Qu'elle évite mon touché, qu'elle s'éloigne de moi, tout ça me fait du mal. Cela me sert le cœur, et si je pouvais la retenir, je le ferai. Mais elle me fuit, et elle en a le droit.
Ma voix tonne une dernière fois, essayant en vain de la garder près de moi, de la rassurer comme je le peux. C'est sûrement peine perdu puisque moi même, je suis complètement paumé.
- Pour moi, tout ça c'est réel !
Elle s'arrête net, et tourne seulement son visage vers moi. Je vois son désarroi, et il me fait tellement mal au cœur que je me retiens de m'effondrer.
- Si je ne suis pas maître de ce que je ressens, comment savoir si c'est réel ?
Elle reprend sa route et me laisse désarçonné, seul, à regarder son dos s'éloigner.
Alors même qu'elle disparaît je ne bouge pas, je reste figé à remuer mes pensées. Irréel. Et si elle avait raison ? Si nos doutes s'avéraient véritables ? Je ne sais pas comment je réagirais. Est-ce que je serais capable de m'éloigner d'elle pour autant ? Là maintenant, je dirais que non. Que j'accepterais d'être un pantin destiné à la casse.
Mais je ne compte pas mourir. Et je ne compte pas la laisser mourir. Alors si il faut affronter le Destin, je le ferais.
Une main se pose sur mon épaule et me fait sursauter. J'étais tellement ailleurs que je ne l'ai pas entendu arrivé, et c'est loin d'être dans mes habitudes. Arman s'étonne autant que moi de ma réaction.
- Tu ne sursautes jamais. On peut savoir ce qui te met dans cet état pour que ce soit le cas ?
Je souffle un bon coup mais avant que je ne puisse lui réponde, il trouve la réponse lui-même.
- Non en fait pas besoin de le dire, il n'y a que Shadow pour ça.
Je lève les yeux au ciel, mais ne le contredit pas. Il me connaît sur le bout des doigts, comme chacun de mes loups. Ils sentent bien que je n'ai jamais été comme cela avec personne. Il me fait signe de tête pour que nous nous installions sur un banc un plus loin.
Devrais-je lui parler de tout ce que je viens d'apprendre ? Sûrement. A lui, et à tous mes loups. Ils méritent de savoir ce qui m'attend. De savoir qu'ils sont liés à un Alpha qui peut potentiellement rendre l'âme à tout moment à cause d'une guerre qui nous dépasse.
J'ai beau avoir dit à Yuki que cela valait le coup d'essayer de se battre, je dois bien admettre une chose, je n'ai aucune idée de comment lutter contre le Destin. C'est bien trop abstrait, comme idée. Si c'est lui qui choisit à notre place, comment pourrions-nous le contrer, après tout ? Les doutes de la jeune femme renforcent les miens, au fil des minutes qui passent. Et chaque scénario que j'imagine dans ma tête est plus déplaisant que le précédent. Et la fin n'est jamais en ma faveur.
- J'ai l'impression que ce qui te passe par la tête est bien plus gros que ce que je n'imagine.
Son ton sérieux me ramène à la raison, et me prouve que mon expression est suffisamment grave pour qu'il saisisse l'ampleur de la situation. Et encore, le peut-il vraiment ? Moi même j'ai dû mal à l'appréhender.
- Je crois que personne ne peut imaginer ce que je viens d'apprendre.
Il fronce les sourcils et attend patiemment que je me décide à lui expliquer. Mais je vois toute l'inquiétude qui perce en lui, plus, je la ressens. Et je sais qu'il ressent la mienne, parce qu'à ce moment là, je suis incapable de l'empêcher de percer sur la toile. J'imagine Nader relever le nez au loin, intrigué, Tala chercher comment me réconforter, et s'angoisser autant que moi. Emna et Jeiran s'échangeant un regard inquiet et interrogateur.
Tous se demandent ce qu'il m'arrive. Ce qui arrive à Shadow, aussi, parce que malgré sa faible implication sur la toile, sa nervosité se ressent. Rien de bon pour l'ensemble qui se trouve relié. Nous sommes entrain de nous pourrir les uns les autres, car si l'un s'inquiète, l'autre le suit, et ainsi de suite. Une putain de boucle qui nous entraîne dans un enchaînement de mauvais sentiments.
Il va falloir casser tout ça. Le soucis, c'est que je ne suis pas sûr que les mettre au courant règle le problème, au contraire. Comment vont-ils réagir en apprenant cette folle histoire ? Je n'arrive déjà pas à réagir de façon claire moi-même. D'un côté, il y a du soulagement. Celui de comprendre enfin pourquoi je me sens si lié à elle, pourquoi je ne parviens pas refouler cette attirance. D'un autre, le sentiment dévastateur de n'être rien d'autre qu'un pion vite remplacé, déjà remplaçant d'un autre. Puis, il y a l'anxiété, de ne pas savoir comment tout ça va se terminer, ni même comment tenter de gagner. Et tant d'autres choses...
Un énorme bordel, qui je dois le dire, me fait peur. Et je crois que jamais de ma vie je n'ai eu peur.
- Si je te dis que toute ma vie est définie depuis des millénaires, tout ça parce que deux puissances magiques se font la guerre ?
Ses pupilles se mettent à papillonner, et je sens l'incompréhension l'envahir. Un instant, il semble penser que je me fous de lui, et puis le suivant, en voyant mon air sérieux, il se ravise.
- Quoi ?
Je souffle un bon coup. Comment expliquer de manière concise et rapide une situation qui dure depuis aussi longtemps que l'existence de nos espèces ? Ça me paraît une tâche bien compliquée, en particulier quand je vois à quel point mes pensées sont embrouillées.
- Tu vois Roméo et Juliette ? Et bien ils étaient comme nous. Un loup, une vampire. Et des Roméo, des Juliette, il y en a eu des milliers. Tout ça parce que d'un côté, l' Amour veut les réunir, et le Destin les séparer. En gros, depuis des siècles, ils se réincarnent, et crèvent, encore et encore, parce que pour l'instant, le Destin n'a jamais perdu.
La bouche ouverte aussi grand que les yeux, il me dévisage, sans rien dire. C'est à peu près la tête que j'imaginais qu'il ferait. Que ferait n'importe qui, je suppose. Il déglutis, et moi, je souffle un bon coup. Cela paraît encore plus incroyable quand je le dis à voix haute.
- C'est le scénario d'un film ?
Je sais qu'il ne pose pas la question sérieusement, car il y a très bien saisi la gravité dans ma voix. Mais il est autant dépassé que moi, et d'un côté, ça me rassure, car je me sens moins seul face à tout ça. Il faut dire que la principale concernée vient de me laisser en plan, même si je ne peux pas vraiment le lui reprocher.
- J'aimerais bien.
- Bon Dieu.
- Bon Destin, plutôt.
Je lui tire le même rictus que le mien : pas vraiment amusé, mais plutôt agacé.
- C'est complètement fou. Et puis en même temps, ça paraît si logique. Enfin la partie sur les amants de Shakespeare, ça reste fou quoi qu'il arrive. Mais toi et elle...
- Ouai, je sais. Je me dis la même chose.
- Comment avez-vous su que c'étaient vous, les réincarnations ?
Je me contente de hausser les épaules, et de lui répéter les mots de mon père. « Il fallait bien deux caractères comme les vôtres. ». Il n'a pas tort. Nous sommes des guerriers, tous les deux. Nous ne lâchons jamais rien, et je crois même pouvoir dire que cette femme est encore plus têtue que moi. Allez au bout de cette quête, de cette bataille qu'on nous impose, nous ferons tout pour y arriver, même si pour l'instant, elle ne sait pas comment le gérer.
Je ne sais pas plus qu'elle. Je sais juste que je ne compte pas renoncer. L'abandon ne fait pas parti de mon vocabulaire. Je ne compte pas l'y inscrire. Si je dois mourir, si je dois perdre, cela n'arrivera pas avant que j'ai donné tout ce que j'ai, et plus encore. Et je suis persuadé que c'est la même chose pour elle.
- Donc maintenant, on doit gérer les Sancoeurs, et le Destin ? Bah putain.
- Non. C'est notre problème, pas le votre.
Il lève les yeux au ciel, avant de me répondre, comme si j'étais le dernier des idiots. Je n'aime pas ce ton, mais je le laisse faire, parce qu'il s'agit de lui.
- Notre Alpha, et notre dominante, vont risquer leur vie. Ne crois pas que cela ne nous regarde pas, Cyrus. Nous sommes autant concernés que vous, car si vous perdez, nous perdons une partie de nous. Littéralement.
Je ne lui donne pas tort.
Dominante. J'ai encore du mal à me rentrer cette information dans la tête. C'est presque aussi difficile de s'y faire que de penser au reste. Et puis en même temps, c'est aussi naturel. Ça explique tellement de chose. Autant dans mon comportement, que dans celui de mes loups. Je me remets en mémoire toutes les fois où ils l'ont protégée, écoutée, suivie. Ce n'était pas juste parce qu'ils l'appréciaient, je m'en doutais. Mais tout est remis en perspective. Yuki est ma dominante. Et par extension... ma compagne ? Bordel, je n'avais pas pensé à ça. Pourtant, c'est bien le cas. Mais je ne suis pas sûr que nous soyons prêts l'un comme l'autre à utiliser ce terme. C'est bien trop inclusif, bien trop officiel.
- En tout cas, tu as plutôt intérêt à être vainqueur, parce que c'est hors de question que tu crèves.
Je ne lui réponds rien, et reste plongé dans le silence. J'aimerais lui dire que je ne vais pas perdre. Que je ne mourrais pas. Mais je suis bien incapable de faire une telle promesse. Parce que pour la première fois de ma vie, je doute de réussir. En quoi elle et moi serions-nous différents de tous ceux qui ont essayé avant ? Il y a sûrement eu des guerriers aussi redoutables, des stratèges, bien des personnes capables de réussir, et qui pourtant ont échoué.
Alors je me le demande : qu'est-ce qui ferait le différence cette fois ?
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Alors, vont-ils faire la différence ? Et pourquoi ?
La suite samedi,
Kiss :*
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