Chapitre 41

 PDV Yuki

Je le sais. Oh oui, je suis bien consciente que tout ça n'est qu'un piège, et que nous nous dirigeons en plein dans la gueule du loup. Et je sens au fond de moi que tout ça va mal tourner. Comment pourrait-il en être autrement ? Pourtant, je ne parviens pas à arrêter mon corps. Il avance de lui même à travers les arbres, et je sais que je ne suis pas capable de faire demi-tour. Il n'y a plus de raison qui tienne. Parce que l'image de son corps dépecé et sans vie me revient.

C'est cette image qui me pousse à avancer, alors que l'envie de vengeance me consume de l'intérieur. Je ne me reconnais plus. Je ne suis plus Shadow, le soldat infaillible, qui réussit toujours ce qu'elle entreprend. Je suis Yuki, la jeune femme en colère, qui laisse parler ses sentiments avant tout le reste. C'est le contraire de ce que je devrais faire. Je cours vers le danger, et surtout, je les entraîne avec moi. Mais la partie égoïste de ma personnalité qui me fait avancer maintenant s'en fiche.

Nous nous enfonçons, toujours plus profondément. Les arbres sont plus nombreux et notre champs de visibilité baisse. Je sais que nous ne sommes plus loin. C'est exactement l'endroit parfait pour un guet-apens. Ces hommes sont cruels, mais pas stupides. Ils ont dû choisir l'endroit avec soin, et je parierais qu'ils en vont pas tarder à se montrer. D'un côté, je n'attends que ça. D'un autre, j'ai les 8 vies qui me suivent qui pèsent sur ma conscience. Il va se passer quelque chose, quelque chose de mauvais, et je finirais sûrement par le regretter. Pour l'instant, je ne peux pas. Si j'en suis consciente, mon cerveau met tout ça dans un coin de ma tête pour s'assurer que je ne m'arrête pas.

- Yuki !

La voix de ma sœur résonne, et j'entends sa peur. Parce que tout commence. Les corps sortent de l'ombre et nous entourent, alors qu'une flèche vient se planter devant mes pieds. Je sens qu'on me tire en arrière, tandis qu'une nouvelle flèche se plante là où j'étais. Mon regard se pose sur chacun des hommes qui nous entourent. Ils sont mauvais, fiers. Je suis tombée volontairement dans leur piège. Et j'ai entraîné tout le monde avec moi. Quelle réussite pour ces hommes.

Je vois l'un d'eux se jeter sur Nader, qui répond à chacun des coups. Il évite la lame d'argent, tandis qu'Arman se place entre ma sœur et un assaillant. Voilà ce que j'ai fait. Je commence à reprendre conscience alors qu'on me tire encore en arrière, me faisant éviter une lame.

- Réagis putain !

La voix de Cyrus me cri dessus et me réveille. Oui, je dois agir. Je me dégage de sa prise et m'avance vers un homme, en face de moi. Peu importe l'acier qu'il brandit contre moi, j'attaque. Il n'est pas acceptable de perdre maintenant. Je les ai emmené ici, il y a plutôt intérêt qu'on en ressorte tous, et rapidement. J'envoie mon poing dans l'abdomen de l'homme, puis dans son visage. Je suis rapide, trop rapide pour lui, et j'enchaîne les coups avec cette force particulière que m'offre mon espèce. Il n'a pas le temps de répliquer. Il finit au sol, alors que je retourne sa lame contre lui, et l'enfonce profondément dans sa gorge. Pas de pitié pour les assassins.

Pendant que je me débats contre un second, mes yeux tombent sur Tala, un peu plus loin. En reculant face à un adversaire, elle se prend les pieds dans une racine et chute, se retrouvant à sa merci. Mon cœur se met à battre fortement, alors que mon esprit me hurle au danger. Mais avant que je n'ai le temps de faire un pas pour arriver jusqu'à elle, un corps apparaît derrière l'homme et le bras du loup vient enserrer la gorge. Il le fait passer dessus lui, l'humain s'étalant au sol, alors que Ramin lui monte sur le corps et fait tourner sa nuque jusqu'à ce qu'un craquement sinistre résonne. Je vois alors le regard de Tala pour le loup, et je crois que c'est la première fois que je la vois le regarder ainsi. Comme si cette fois, elle le voyait vraiment, pour ce qu'il est. Qu'elle se rendait compte qu'il n'est pas juste le frère de Nader. Elle le considère.

Je pourrais sourire, si nous n'étions pas dans une telle situation. Mon esprit est partout à la fois. Ils sont nombreux, bien plus que nous. Rien que je ne peux pas gérer. Mais tout est remis en perspective, quand je sais que des personnes plus vulnérables que moi se trouvent sur le champ de bataille. Maï est ici. Elle ne devrait pas. Elle est l'ombre de l'ombre. Elle ne se retrouve jamais sur la scène, et pourtant aujourd'hui c'est le cas. Par ma faute.

J'essaye de la trouver des yeux, mais je n'y parviens pas. Je vois Nader qui s'éloigne de nous, se battant avec un homme. Ramin protège du mieux qu'il peut Tala. Jeiran et Emna ont disparu, mais je sais, je sens qu'ils ne sont pas loin. Arman se bat contre un homme, mais ma sœur n'est pas ici. Je me mets à chercher partout, me débarrassant du mieux que je peux de ceux qui en profitent pour m'attaquer.

Mon cœur se met à battre, fort. Il est rare que je craigne quoi que ce soit pendant un combat. Mais là, alors que je ne suis pas capable de dire où elle est et si elle va bien, je suis inquiète. Comme si il le sentait, le Second de Cyrus relève le visage vers moi. Et en croisant mon regard, il comprend. Il envoie son poing détruire la mâchoire du Sancoeur en face de lui, qui tombe raide, la nuque brisée. Et il n'a pas besoin de me dire quoi que ce soit pour que je comprenne. « Je m'en occupe. ». Oui. Je sais qu'il la retrouvera. Qu'il la protégera.

Alors je me reconcentre sur les assaillants, bien déterminée à en finir rapidement, malgré leur nombre. Je capte le corps de Cyrus, qui se bat plus loin. Ils sont une dizaine, autour de lui, et ils semblent armés d'argent. Je ne cherche pas plus loin et je fonce dans sa direction. J'élimine un homme, qui ne me perçoit pas arriver et me place à côté du loup.

- Tu es réveillée, Shadow ?

- Allons-y, Alpha.

Et nous y allons. Comme une danse parfaitement exécutée. Les mouvements s'enchaînent, les siens, les miens, les nôtres. Contrôlés, synchronisés. Il me complète à la perfection. Quand je frappe en haut, il frappe en bas. Si je tourne, il saute, si je me baisse, il frappe. Il comprend ce dont j'ai besoin sans que je n'ai besoin de le dire. Là, son genou se pli pour que je saute dessus, ici, sa main m'aide à me propulser.

Un ennemi tombe, puis deux, trois et ainsi de suite. On se relaie et on s'épaule.

Il attrape mes deux mains et tourne sur lui même, me faisant tourner. Mes pieds viennent frapper les ennemis un à un, les envoyant en arrière. Mais j'ai l'impression que chaque Sancoeur que l'on abat est remplacé par trois autres. C'est interminable. Et pour ce qui est censé être une sous-unité, je me dis que le nombre est tout de même bien impressionnant, et que nous sommes loin de parvenir à éliminer tous les rebelles.

Nous nous retrouvons dos à dos, tournant en nous appuyant l'un sur l'autre.

- Tu gères ?

- Et toi ?

Il ne me répond pas, mais part en avant pour foncer sur deux hommes. Et alors que je m'apprête à en faire de même, une violente douleur me prend quand un coup de feu résonne au loin.

Et puis vient un cri, celui d'Emna.

- Jeiran !

Il est plein de douleur, de peur et de couleur. Il me vrille de l'intérieur, et je me tourne vers sa source sans en avoir conscience. Je me déconcentre. Juste un instant. Un court instant qui suffit pour qu'un homme charge une arme devant moi, et qu'il tire.

J'entends Cyrus m'appeler, mais avant que je ne bouge, son corps passe devant le mien. Et la balle, en argent je le sens, passe à travers son bras, alors qu'il tombe au sol.

Le sang gicle de plaie et je le reçois en plein visage, alors qu'il laisse échapper un râle de douleur.

Et c'est trop. Je me fige. Tout autour de moi devient flou, et je n'entends plus rien, comme si je me trouvait sous l'eau. Le temps s'arrête, pendant quelques secondes, qui me paraissent des heures.

Je ne sais pas où est Maï. Jeiran est sûrement blessé gravement. Et Cyrus vient d'être touché.

Les informations tournent en boucle dans ma tête, alors que je sens le sang pulser jusque dans mes tympans. La colère grimpe, sourde et profonde. Dangereuse. Affreusement dangereuse.

Mon corps se met à bouillir alors que l'air se refroidit. Ma vue revient. Je vois leurs regards qui commencent à s'inquiéter. Les ennemis cessent de bouger, sentant l'atmosphère qui se tend.

La glace part de mon corps et commence doucement à recouvrir la terre. Puis les arbres et les buissons. Ils la regardent arriver vers eux, avec inquiétude. Elle monte le long de leurs jambes alors qu'il tente de leur échapper. Ils n'y parviendront pas. Ils ne m'échapperont pas.

On ne touche pas à ma sœur. On ne touche pas à mes loups. Pas à mon loup. 

Ils tentent de charger leurs armes et de les pointer vers moi. Mais déjà je ne suis plus là où ils visent. Mon corps se déplace trop vite pour qu'ils parviennent à me suivre des yeux. Je passe derrière l'un et lui tranche la gorge, de sa propre lame. Au suivant, j'arrache le cœur, au troisième, je lui brise la nuque.

Un à un, avant qu'il ne puisse réagir, je fais s'éteindre cette lueur de vie qu'ils ont en eux. Qu'ils ne méritent pas d'avoir.

On ne touche pas à ma sœur, on ne touche pas à mes loups.

Pas à mon loup.

J'enchaîne. Je me délecte de leurs cris de peur, de douleur. Je fais en sortes de les voir dans leurs yeux, et j'aime ça. Ils sont malsains et mauvais. Ils ne méritent pas d'être épargnés, ou de passer leur vie derrière les barreaux. Ils méritent de rejoindre les enfers, car c'est de là où ils viennent. Alors que mon corps se déplace devant le dernier d'entre eux, le peu de son corps qui n'est pas gelé tremble.

- Monstre !

Oui. Pour eux, je le deviens. Leur pire cauchemar. Je lui adresse un sourire mauvais avant de lui prendre sa vie. Et je laisse retomber mes bras le long de mon corps.

La magie se replit, libérant l'espace. Je vois les regards sur moi, je ne saisis pas ce qu'ils contiennent. Je les regarde, un à un. Je bloque mes yeux dans ceux de Cyrus, un moment. Malgré sa douleur, il ne cligne pas des yeux. Il se relève et s'avance vers moi. Il s'arrête à un pas seulement. Mais alors qu'il ouvre la bouche pour me parler, un nouveau cri nous parvient.

Emna.

Nous nous tournons, et je ne sais pas lequel de nous arrive le plus vite auprès d'elle. Auprès d'eux.

Tout le monde s'avance et mes yeux se posent sur Jeiran, allongé au sol. J'entends l'exclamation de Tala. Le « Bordel », de Ramin, le souffle de peur de ma sœur. Moi je ne suis pas capable de réagir.

Mais quand je vois son état, et que je prends conscience de tous les dégâts et blessures, je sais une chose.

Il va falloir agir vite, très vite. Et je ne suis pas sûre que cela sera suffisant.  

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Elle est forte. Mais elle n'a pas pu protéger tout le monde. Jeiran va-t-il s'en sortir ? Il va falloir attendre encore un peu pour le savoir.

Prochain chapitre mercredi, 

Kiss :*

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