Chapitre 40
PDV Cyrus
Alors que je passe dans le couloir, pour retourner vers la chambre, la porte du bureau principal s'ouvre pour la laisser apparaître. Mes yeux s'accrochent aux siens, et pendant ce qu'il semble être des heures, j'analyse tout ce que je peux y trouver. Je ne sais pas ce qu'il s'est dit, dans ce bureau, mais je sais que cela l'a suffisamment ébranlée pour qu'elle tente de le dissimuler. Certaines vérités sont plus dures à avaler que d'autres. Même lorsque l'on les attendait avec impatience.
Elle finit par s'avancer vers moi, et je me fais violence pour ne pas concentrer mon regard sur ses lèvres. Des lèvres que j'ai envie de poser une nouvelle fois sur les miennes, à cause d'une attirance dont je ne comprends pas l'origine. Comme si le destin me jouait des tours.
- Tout va bien ?
Je pose la question en connaissant la réponse, et en sachant pertinemment qu'elle ne me la donnera pas. Se confier. Elle l'a déjà fait plus que de raison, avec moi. En demander plus est fou, et pourtant, je voudrais qu'elle soit folle et me raconte tout.
- Du mieux qu'il est possible.
Qu'a-t-elle appris, qu'est-ce que son père lui a dit ? Je voudrais qu'elle m'en fasse part, mais il serait égoïste de ma part de poser la question. C'est pourtant dur de me retenir, quand au milieu de ses yeux, je perçois une certaine forme de douleur. Qu'elle ne semble pas forcément comprendre, elle non plus. Comme si elle regrettait quelque chose qu'elle n'avait pas connu. Et je me demande comment je peux en arriver à cette conclusion seulement en la regardant, pourtant, au fond de moi, je suis persuadé de ne pas me tromper. J'ai l'impression de ressentir ce qu'elle ressent, dans une moindre mesure, mais c'est tout de même là. Et ça me déstabilise, sans pour autant que je ne lui montre.
- Nous devrions rentrer.
Je ne réponds rien, pendant un moment. Rentrer. N'est-ce pas un verbe qu'elle devrait utiliser pour désigner sa maison ? C'est pourtant là où nous sommes. Et ce verbe, elle utilise pour chez moi. Chez les loups. J'ai cet espoir incompréhensible et fou qu'elle imagine notre chez nous comme un chez elle. C'est stupide. Et c'est sûrement faux.
- Oui.
Elle m'offre un sourire. Le genre de sourire que j'ai rarement vu sur son visage. Jamais, même. Il n'est pas moqueur, joueur, ou heureux. Il est doux. Affligé, presque. Je n'aime pas ce sourire. Parce qu'il n'en est pas vraiment un, et que j'ai en horreur tout ce qui peut la blesser, physiquement ou mentalement. Et là, j'ai l'impression qu'elle est touchée en plein cœur, pour une raison que j'ignore. Ça m'énerve. Ça ne me plaît pas.
- Encore avec ce loup !
Je soupire presque en levant les yeux, tombant nez à nez avec sa mère, qui nous regarde les joues rouges et les yeux fous. Cette femme est pire que ma propre génitrice. Parce qu'au moins, je peux affirmer que ma mère m'aime. Elle en revanche... je n'en suis pas sûr. Shadow se tourne doucement vers elle, et si je ne vois pas son visage je sens sa froideur.
- En quoi cela te regarde t-il ?
- Forniquer avec des loups, cela impacte ton image, et donc la mienne, alors oui ça me regarde !
Je retiens un rire. Forniquer. Un terme bien désuet, et à la limite du ridicule dans sa bouche. Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de jouer. Envie de lui faire croire qu'elle a raison, alors même qu'elle a tort. Quoi que...
J'avance d'un pas, me retrouvant dans le dos de la jeune vampire, et j'enroule mon bras autour de son ventre, la ramenant contre moi. Elle se laisse faire, et je ne sens aucune surprise de sa part.
- Je trouve que l'image n'est plutôt pas mal, pourtant.
Je penche la tête de façon à coller mon nez contre son cou, sans pour autant quitter des yeux sa mère. Sa rage augmente, de même que sa gêne. C'est amusant, et au fond, je trouve qu'elle le mérite bien. Elle mérite même bien plus, mais ce n'est pas à moi de m'en occuper. Alors je me contente de ce que je peux.
- Écarte toi d'elle, sale loup !
- Je prends des douches, je vous rassure. Je ne fais pas que me lécher.
Je sens la femme entre mes bras rire, et j'aime autant l'entendre que de le sentir. Elle me laisse la serrer un peu plus, alors que mon autre bras vient se serrer autour de sa poitrine.
- Et j'aime beaucoup partager ma douche.
Le sous-entendu est clair, et finit de faire enrager la chef de clan, si on peut l'appeler ainsi. Elle semble n'en avoir que le titre.
Je suis content de moi. Et en même temps, mon esprit me cri que j'aime l'avoir entre mes bras, de cette façon. Peu importe la froideur de sa peau, elle semble réchauffer la mienne. C'est comme si sa place était là.
- Qu'ai-je fait au bon Dieu pour avoir une dépravée pareil comme fille ?
- Oh je t'en prie, ce n'est pas comme si j'étais vraiment ta fille, Arisa.
Le ton est amer, en particulier lorsqu'elle prononce son prénom. Et l'évidence me saute aux yeux, quand le visage de la femme en face de moi se défait. C'est donc ce qu'elle vient d'apprendre. Sa mère n'est pas... sa mère. Je suppose que cela explique pas mal de chose, pas mal de comportement. Mais la tristesse de Yuki... elle n'était pas pour elle, j'en suis certain. Alors pour qui ? Sa véritable mère ?
- Tu peux arrêter de jouer, maintenant. L'imposture n'est plus nécessaire.
Je n'ai pas l'impression que sa mère, enfin pas vraiment du coup, soit plus touchée que cela que Yuki sache. Mais plutôt que son mensonge soit exposé. A quel point est-il étendu ? S'agit-il seulement de se faire passer pour sa mère ? Non. Son visage me dit qu'il y a plus que cela. Et la honte est telle qu'elle tourne les talons et disparaît rapidement, sans dire un mot de plus.
Je la garde dans mes bras encore un moment. Je devrais la lâcher, mais c'est encore une fois plus fort que moi. Je veux autant la garder là parce que je ne sais pas comment la libérer que parce que je n'en ai pas envie. Mais je ne peux pas la garder prisonnière contre moi pour toujours, alors je finis par desserrer mon emprise et reculer d'un pas. Elle se retourne, et ses yeux trouvent encore une fois les miens. Je ne sais pas quoi dire. Sur mon comportement, sur la révélation... et elle non plus. Nous nous fixons juste pendant un moment, en silence, avant de nous laisser aller à rire. Et je sais qu'il est vrai, son rire, alors cela me fait du bien. Et je me dis que j'ai bien fait.
- Alors elle n'est qu'une imposture ?
Elle souffle et croise les bras. Je ne voulais pas poser la question, et me voilà à le faire. Et la voix au fond de moi me dit qu'elle va répondre. Qu'elle n'attendait que de me le dire.
- A tous les niveaux. Ma mère est sa sœur jumelle. Pour faire court, elle a pris sa place au mariage, puis m'a prise moi quand le véritable amour de mon père s'est donné la mort.
Je ne sais pas si elle s'en rend compte, mais son histoire me fait irrémédiablement penser à la mienne, ou plutôt à celle de mon père. Sauf qu'ici, sa mère a trahit sa propre sœur pour le pouvoir. La mienne n'a fait que ce qu'on lui a demandé, pour respecter les traditions. L'une me paraît bien plus horrible que l'autre.
- Je crois pouvoir dire que je comprends.
Elle affiche un petit sourire.
- J'ai toujours trouvé nos pères similaires, si on exclut leurs natures. Je ne me trompais pas. Et puis ils ont tous les deux une passion pour Roméo et Juliette.
Similaires, oui. Je l'ai pensé, aussi. Mais c'est la dernière partie de sa phrase qui retient mon intention. J'ai l'impression que cette partie est plus importante que le reste, sans que je ne saisisse pourquoi. Et je n'ai pas besoin de lui dire le fond de ma pensée.
- Je sais. Moi aussi, je trouve étrange cet amour pour une vieille histoire. Je n'y aurai pas fait attention en temps normal, mais quelque chose au fond de moi me dit que cela a son importance.
Je hoche la tête, ne sachant quoi dire. Et puisque nous n'avons rien à ajouter, nous décidons de prévenir tout le monde, et de nous mettre en route. Les voitures repartent bien vite, sous le regard de Fubuki, qui pose longtemps ses yeux sur moi. J'essaye de ne pas y chercher de signification, et profite du voyage pour observer les loups qui sont avec moi dans le van.
Je tombe bien vite sur Arman, qui couve du regard la même vampire, encore et toujours. Sauf que cette fois-ci, cette dernière rougit chaque fois qu'elle croise ses yeux, c'est-à-dire toutes les 10 secondes, puisqu'elle ne semble pas réussir à s'empêcher de le regarder. J'ai presque envie de rire de leur comportement, mais à la place, je me tourne vers Shadow, qui les regarde en souriant. Elle tourne la tête vers moi, et je l'interroge du regard. Son sourire et le sous-entendu dans ses yeux me laisse comprendre que j'ai loupé un épisode. Que je compte bien rattraper au plus vite.
Nous faisons le reste du trajet en silence, mais alors que nous ne sommes pas loin d'arriver dans notre territoire, la voix de la vampire résonne.
- Stop !
Le van freine brusquement, et elle sort tout aussi vite, avant que je ne la suive. L'autre van s'arrête aussi, et tout le monde descend, pour l'interroger. Mais elle ne répond pas, et s'avance à travers les arbres de la forêt. Je voudrais l'arrêter pour comprendre, seulement je comprends qu'il vaut mieux la suivre pour l'instant. Et je saisis quand nous arrivons devant un arbre, sur lequel un symbole a été dessiné. Une main ensanglanté. Les Sancoeurs.
Leur symbole traîne fièrement ici, et nul doute qu'il est volontairement arrivé là.
- Ils ne doivent pas être loin.
Je fronce les sourcils en regardant la guerrière, me demandant comment elle ne peut pas saisir l'évidence.
- C'est un piège.
- Évidemment que c'est un piège, je ne suis pas stupide.
- Dans ce cas, pourquoi j'ai la nette impression que tu comptes y aller quand même ?
- Parce que je compte y aller quand même.
Je vois sa colère, et je comprends qu'elle n'est pas suffisamment calme pour appréhender les choses. Elle pense seulement à Mayu et la vengeance. Seulement, ce n'est pas comme ça qu'il faut procéder pour y parvenir.
- C'est tout à fait idiot.
Elle plante son regard dans le mien, et je sais à cet instant là que quoi que je dirais, elle n'écoutera pas. Elle est déterminée.
- Je ne te demande pas de me suivre, Alpha.
- Parce que tu crois qu'on va te laisser y aller seule, Sha' ?
Elle regarde Ramin, mais j'ai l'impression qu'elle ne le voit pas vraiment. Si ses yeux n'étaient pas rouges au naturel, je crois qu'ils le serraient devenu. L'appel de la vengeance est trop fort, et sa raison ne parvient pas à reprendre le dessus. Elle n'est pourtant pas n'importe qui. Elle sait sûrement mieux que quiconque l'importance de garder son calme, lors d'une mission.
- Yuki.
Je ramène son attention vers moi, me disant qu'en m'entendant l'appeler ainsi, cela la fera peut-être revenir à elle. Mais non. Elle quitte mon regard et commence à s'enfoncer dans la forêt, suivi de mes loups. J'échange un regard avec Arman, qui s'arrête un instant à ma hauteur avant de la suivre.
J'ai la sensation que tout ça va mal tourner. Très mal tourner.
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Le petit jeu de Cyrus, amusant ? Ce n'était peut-être pas juste un jeu après tout...
La sensation que ça va mal tourner ? Evidemment que ça va mal tourner, vous me connaissez x)
La suite samedi,
Kiss :*
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