Chapitre 39
PDV Yuki
Je ne comprends pas bien ce qui vient de se produire. Ou peut-être qu'au final, je le saisis parfaitement, mais que je suis encore incapable de l'admettre. Ses lèvres ont encore finies sur les miennes, et pour la seconde fois, je n'ai pas détesté cet échange. Au contraire. C'était... puissant. Indescriptible, presque. Je ne saurais dire tout ce que j'ai ressenti, mais je peux affirmer que j'ai aimé chaque sentiment qui m'a assaillie. La douceur, la brutalité, la passion, tout s'est mélangé dans un cocktail explosif et délicieux. Qui m'a fait perdre la tête au point d'en vouloir encore. Au point que même maintenant, dans ma chambre, alors que des mètres nous séparent et de longues minutes ont passé, je sens encore le goût de ses lèvres sur les miennes.
Ce n'est pas mon imagination, qui recréé les sensations. Elles ne m'ont seulement pas quittées. Je n'ai pas envie qu'elles disparaissent. Pourtant c'est un loup. C'est un homme. Je n'ai jamais eu d'intérêt pour le contact avec une personne du sexe opposé. Ça ne veut pas dire que je ne l'ai pas expérimenté. Mais je n'ai jamais apprécié cela outre mesure. Alors pourquoi quand il s'agit de lui, cette affirmation se retrouve faussée ? Pourquoi j'ai cette envie incompréhensible qu'il recommence ?
J'ai l'impression que tout ça est plus fort que moi. Comme si mon corps agissait sans avoir demandé son avis à mon esprit. Ma raison passe au second plan, et ça devrait m'inquiéter. Mais même ça, je n'en suis pas capable. Je parviens tout de même à me retenir de débouler dans sa chambre pour l'embrasser encore. Ce n'est pas moi, ça. Alors hors de question que cette fois-ci, ma raison ne l'emporte pas.
Et je m'estime presque heureuse quand ma sœur déboule dans ma chambre, car sa présence m'empêche au moins de faire cette connerie. Quoi que ce mot ne me semble pas approprié à la situation, car aucun regret ne perce mon cœur. Sa petite moue m'informe qu'elle a encore les mots de ma mère en tête. Qu'ils la touchent bien plus qu'ils ne le devraient, quand on sait qui les a prononcé. Je lui fais signe de venir s'asseoir près de moi, et elle ne perd pas de temps pour se blottir contre mon corps. Il n'y a toujours eu qu'elle, pour pouvoir me toucher de cette façon. C'était vrai jusqu'à il y a peu. Car les loups se sont donnés ce droit d'eux-même, et que je n'ai pas cherché à les en empêcher. Et encore maintenant, je n'ai pas envie de les retenir. Surtout un.
- Tu sais que ses paroles ne comptent pas.
Je la sens hocher la tête contre mon épaule.
- Je sais. Mais je n'arrive pas à m'en empêcher.
Parce que Maï est très émotive. Trop, parfois. Tout mon contraire, et c'est presque à se demander comment nous pouvons nous entendre si bien. Ou bien en est-ce la raison même.
- Que s'est-il passé, ensuite ?
Son souffle me laisse penser que ma mère ne s'est pas arrêtée là. Qu'elle a dû dire bien plus, et que c'est ce qui la touche. Mais en même temps, je sens qu'elle n'est pas aussi touchée qu'elle aurait dû l'être, quand on la connaît. Et avant même qu'elle ne me le dise, je comprends qui en est la raison.
- Elle a refusé de sortir. Elle a hurlé que les loups n'avaient rien à faire chez elle, que tu n'étais qu'une ingrate, et que de toute façon, elle ne te laisserait pas d'autres choix que de te marier avec l'homme de son choix. Puis elle m'a regardé, et elle a vu qu'Arman était toujours derrière moi. Alors elle m'a fustigé, arguant que je n'étais qu'une traînée, que je ne méritais pas leur hospitalité, et que vous auriez dû me laisser mourir dans les ruines du tremblement de terre.
Je voudrais dire que je suis en colère. Je le suis. Mais je suis tout simplement incapable de réagir. Mon esprit me souffle que cette femme ne mérite pas la vie, mais une partie de lui me répète qu'elle me l'a donné. Je voudrais lui enfoncer mon poing dans la figure, et au fond de moi, je sais qu'un jour ça arrivera. Mais pas aujourd'hui. Mayu ne mérite pas que l'on fasse une telle scène le jour où l'on honore sa mémoire. Ma génitrice en a déjà fait assez.
- Arman a voulu attaquer, mais Fubuki l'a arrêté. Il a... il a mis une baffe à ta mère, et la honte l'a faite partir. Et puis...
Je vois ses joues rougir, et je ne peux m'empêcher de sourire, comprenant de quoi, ou plutôt de qui, elle va me parler.
- Arman m'a emmené plus loin. Il a été... adorable. Il m'a réconforté. Et il m'a serré dans ses bras.
Je lâche un rire en voyant son visage, alors qu'elle me met un coup dans l'épaule en me criant d'arrêter de me moquer d'elle. Je lui fais un petit sourire, quand je comprends le regard qu'elle pose sur moi. Elle a peur que je la gronde. Pourtant, ma réaction devrait lui faire comprendre ce que j'en pense.
- Ce n'est pas une mauvaise personne.
- Mais c'est un loup.
Si elle savait ce que je viens de faire avec un loup, elle ne s'inquiéterait pas autant pour un câlin. Je ne veux pas lui dire maintenant. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai envie de garder cet échange entre lui et moi.
- Il n'y a aucune loi interdisant les relations entre loups et vampires.
Elle se met à rougir encore un peu plus, comprenant ce que je sous-entends. Moi, je ne peux m'empêcher de me demander si je le dis pour elle, ou pour moi-même. Un façon détournée de me rassurer par rapport à ce qui vient d'arriver ?
- On n'a pas de relation.
- Pour l'instant.
- Yu' !
Je laisse échapper un rire, mais je sens qu'il faut que je sorte de la pièce. Parce que mon esprit se met à rejouer le -les- baisers dans ma tête, et que je ne veux pas qu'elle perçoive mon trouble. Je lui indique que je dois aller voir mon père. Ce qui n'est pas faux, à proprement parlé. J'ai besoin de comprendre, ce que je n'ai jamais osé demander. Je crois qu'il est temps de poser la question. Et y penser me permet de mettre un peu Cyrus de côté, ce qui n'est pas plus mal.
Elle hoche la tête et me laisse partir, et je me retrouve bien vite devant le bureau de mon géniteur. Il ouvre la porte avant même que je n'ai frappé, et me fait un sourire.
- Je pense savoir pourquoi tu es là.
Je m'avance et m'assois dans un des canapés. Il se place en face de moi, et si il a comprit pourquoi je viens le voir, il me laisse tout de même le temps de lui demander moi-même.
- Pourquoi as-tu épousé mère ? Ce n'est pas... je n'ai pas l'impression qu'elle soit une femme pour toi. Ou que tu l'aimes.
Il ferma les yeux un instant, comme si il réfléchissait. Je n'ai jamais compris. Pourquoi mon père, un homme avec tant de valeurs, avait fini avec une femme comme elle, qui n'a que les apparences et son honneur a l'esprit. Elle n'est pas comme lui. Elle n'est pas comme nous.
- Tu as raison. Je ne l'aime pas. Je ne l'ai jamais aimé.
C'est comme un coup de massue, alors que pourtant, j'ai toujours voulue l'entendre. Mes sourcils se froncent. Oui, c'est ce que je voulais entendre. Mais cela ne me permet pas de comprendre. Il ne me laisse pas le questionner, qu'il se met déjà à tout m'expliquer.
- Elles étaient deux. Des jumelles. Arisa. Et Aiko. Sans comprendre pourquoi, je n'ai jamais apprécié Arisa. Malgré son âme de soumise, elle paraissait perfide. Avare de luxe et de tout ce qui allait avec. Elle ne se préoccupait que de son apparence. Tout le contraire de sa sœur. Douce, gentille, intelligente. Et malgré tout, incroyablement forte. J'ai fondu pour elle le jour où j'ai croisé son regard.
Il me fait un sourire, fier de son jeu de mot. Fondue, pour un homme qui maîtrise la neige et la glace. Malgré tout, quelque chose m'interpelle. Si il aimait Aiko... comment a-t-il fini avec Arisa ?
- Je savais qu'Arisa cherchait mon attention et mon amour, mais seulement pour mon rang. Alors je ne l'ai jamais regardé. De toute façon, aucune femme n'arrivait à la cheville de sa sœur pour moi. Je l'aimais tant. On s'aimait. Après plusieurs mois, j'ai fini par demander à Aiko de m'épouser. Et elle a dit oui.
Son sourire se transforme en un espèce de rictus plein de douleur. Et je commence à tout saisir. Cela me fait presque peur de l'entendre.
- La tradition veut que le jour du mariage, la mariée en habit traditionnel ait le visage masqué jusqu'à la fin de la cérémonie. Nous avons tout fait. Et une fois qu'elle a retiré son masque, j'ai compris. J'ai cru que la terre s'abattait sur mes épaules. Arisa avait enfermé sa sœur dans un placard et pris sa place. Et le mariage ne pouvait être annulé. L'échange de sang est définitif.
Mes yeux s'écarquillent. Et j'ai honte. J'ai honte d'avoir été mise au monde par une femme comme elle.
- Comment as-tu pu le supporter ?
- Tu demandes pourquoi je ne l'ai pas tuée ? Je l'ai voulu. Ma raison m'en a empêché. J'étais le seul héritier. Mon père était vieux, il fallait quelqu'un de confiance pour notre peuple. Alors j'ai sacrifié ma vie d'homme pour celle de roi.
Mes poings se serrent, alors que j'imagine comme ce choix doit être difficile. Lui... Bahram, deux rois, deux chefs de clans, qui ont passé leurs vies auprès d'une femme qu'ils n'aimaient pas. Qu'ils haïssaient. Impossible de ne pas faire le parallèle entre ces deux hommes.
- Qu'est-elle devenue ? Aiko.
Il soupire, et je comprends qu'il ne m'a pas encore tout dit. Qu'il y a un secret encore plus énorme.
- Elle était défaite, tout comme moi. Mais surtout... elle était enceinte.
La nouvelle me fait l'effet d'une bombe. Je me laisse tomber dans le canapé, et son regard s'accroche au mien. Je ne formule pas ma question. Il n'en a pas besoin pour me répondre.
- Oui. Aiko est ta véritable mère.
Je crois que jamais je n'ai été dans cet état. Complètement abasourdie. Je peine à faire une phrase correctement formulée.
- Mais comment ?
- J'étais héritier. Mais j'avais des principes. Hors de question pour moi de ne pas reconnaître cet enfant. Toi. Encore plus quand il s'agissait de l'enfant de la femme que j'aimais. Mais... Aiko ne supportait pas d'être la « maîtresse ». C'est pour cela qu'elle passait aux yeux de tous, alors même qu'elle était la vraie épouse. Alors elle t'a mise au monde... et elle a mis fin à sa vie.
J'ai du mal à encaisser tout ça. Alors ma mère n'est pas ma mère. Ce n'est qu'une usurpatrice, qui a volé l'homme et l'enfant de sa propre sœur par intérêt personnel. Je commence à comprendre pourquoi elle n'a jamais été attachée à moi. Et pourquoi j'ai eu tant de mal à m'attacher à elle. Au fond, j'ai toujours dû le savoir.
- C'est pour cela, que je n'ai jamais pu l'aimer. Son visage me rappelle sans cesse la femme que j'ai perdu. Et son comportement, pourquoi je l'ai perdue. Heureusement... tu es là. Tu as son caractère. Sa force, son intelligence. Je suppose que c'est aussi pour cela qu'Arisa n'a jamais pu t'aimer. Tu lui rappelais sa sœur, et qu'elle n'était pas à sa place.
Tout... tout est plus clair. Mais c'est douloureux, aussi. J'ai l'impression de ressentir le manque de cette mère que je n'ai jamais connu.
Et en même temps, j'ai envie de rire. De nerf.
- J'ai trouvé presque la même histoire chez les loups. Je ne sais pas si c'est risible. Ou simplement aberrant de voir que l'homme n'est pas libre d'aimer qui il veut.
Mon père plonge alors ses yeux dans les miens, et alors qu'il me répond, je frissonne sans savoir pourquoi.
- Le destin nous joue parfois des tours. Comme pour Roméo et Juliette.
Mais qu'est-ce qu'ils ont tous, avec cette histoire ?
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Vous comprenez mieux le comportement aberrant de la "mère" de Yuki ?
Dis donc, en plus d'avoir une histoire similaire, les deux chefs de famille ont un amour pour Roméo et Juliette. Reste à savoir si, et quand, nos héros comprendront le pourquoi du comment.
A mercredi pour le prochain chapitre,
Kiss :*
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