Chapitre 38
PDV Cyrus
Fou. Je suis fou. J'ai envie de tout détruire, aussi bien sa mère, que ce connard qu'elle a osé ramener. Je ne sais pas lequel des deux j'ai le plus envie d'enfoncer dans un mur. Quelle genre de femme peut faire cela à sa fille ? Je pensais ma mère extrême. Mais la sienne... putain mais elle n'a aucune limite. Je n'ai pas l'impression qu'elle en ait quoi que ce soit à faire de sa fille. Elle la voit seulement comme une façon de bien paraître. Elle doit être la petite fille parfaite, celle qui la rendra fière et participera à lui donner une bonne image. Sa douleur ne rentre pas en compte, son avis non plus.
J'ai dû me retenir si fort de planter mes crocs dans sa gorge, il y a quelques minutes. Mais mes yeux étaient fixés sur sa main. Je déteste cela. Qu'elle soit blessée. Surtout aujourd'hui. Je déteste qu'elle ait mal, pas forcément physiquement, mais au fond d'elle. Alors qu'elle perd une personne qui compte tant dans sa vie, elle doit en plus supporter une femme qui piétine sa douleur pour son propre égo. Si elle n'avait pas été la reine de ce clan je l'aurais ... quoi que non. Peu importe son rang. J'aurai agi si je n'avais pas tant été focalisé sur elle. Comme mes loups, je n'aurai pas hésité un instant.
Mes loups... C'est ce qu'elle a dit. Ce simple pronom qu'elle a utilisé a fait louper un battement à mon cœur. Pourtant, je n'ai pas eu envie de la reprendre. Comme si cette formulation me paraissait tout à fait naturelle et juste. Ce n'est pas le cas. Ça ne devrait pas être le cas.
Je passe la porte de cette foutue salle de bain et lâche pour le première fois son poignet que je tenais fermement entre mes doigts. La soigner. C'est tout ce à quoi je pense, alors que je sais que c'est foutrement inutile. D'ici quelques minutes, toute trace de blessure aura disparue de sa peau. Je le sais et elle aussi, pourtant elle me laisse faire. Elle m'a laissé la traîner ici sans rien dire. Pourquoi ? Est-ce seulement pour échapper à sa mère ? Non. Son père s'est occupé d'elle. Elle aurait pu rester. Utiliser sa force pour me faire la lâcher. Pourtant, ce n'est pas ce qu'elle a fait.
Elle me laisse fouiller dans les tiroirs à la recherche du nécessaire. Je sens son regard sur moi. Elle appuie son dos contre le rebord de l'évier et me regarde faire. Je trouve enfin ce que je cherche et grogne quand l'ouverture de la boîte me résiste. Je suis tellement en colère que mes mains tremblent. Le sang pulse dans mon cerveau. Je me fais violence pour ne pas quitter cette maison et retrouver ces deux enflures. Je leurs ferais comprendre à ma manière ce qui se passe quand on touche à mes vampires.
- Pourquoi es-tu dans cet état, Alpha ?
Sa voix n'est pas accusatrice. Elle n'est pas vraiment interrogatrice non plus. Comme si elle comprenait mes raisons. Alors que moi-même je ne les saisis pas. Je ne devrais pas être dans un tel état pour elle. Elle ne fait pas partie des miens... pourtant si ma tête me le dit, mon cœur et mon âme de loup semblent penser différemment.
- Tu es blessée.
Elle me laisse prendre sa main et appliquer le coton que je viens d'imbiber d'alcool. Elle ne grimace pas une seconde. Je suppose que de toute façon, la blessure ne l'a même pas chatouillée. Je ne parle pas juste de sa paume. Mais de son être en général. Peut-être que les paroles de sa mère ne la blessent pas. Mais ses actions, un jour comme celui-ci... il n'y a pas moyen qu'elles ne l'atteignent pas.
- Ce n'est pas grand-chose.
- C'est déjà trop.
Je sais qu'elle s'interroge. Sur moi, et mes loups, notre comportement vis-à-vis d'elle et de Maï. Mais sa propre façon d'agir la déstabilise aussi. J'ai peur de comprendre mais j'ai peur de le nier aussi. Alors je préfère éviter d'y penser. Le temps n'est pas aux questions. Mais à l'action.
Je finis d'enrouler sa main dans un bandage, et m'appuie aussi contre le meuble, sans cesser de la regarder. Ses yeux sont moins brillants que d'habitude. Fatigués, après tout ce qui vient de se produire. Je n'aime pas ça. Je veux les voir aborder cet éclair joueur qui la caractérise. Je veux sentir son aura dominante emplir la pièce. Je veux qu'elle redevienne elle, ce qu'elle n'est pas totalement pour le moment.
- Tu es un bon infirmier. Mais la blouse manque.
Je lève un sourcil, avisant son sourire moqueur. Alors c'est ce qu'elle veut faire. Elle me cherche. Elle me pique. Et une partie de moi me souffle qu'elle ne veut tout simplement pas me voir en colère.
- Tu veux m'imaginer en docteur ? C'est un fantasme ?
Elle lève les yeux au ciel. Ce geste la rend effroyablement attirante. Et cette pensée me fait incroyablement peur.
- Ne te surestimes pas, loup.
- Suis-je aussi ton loup ?
Elle ne me répond rien et se contente de me regarder. Son silence m'offre la réponse. Oui, elle a dit cette phrase sans y penser, mais au fond, elle n'était pas un mensonge. Et cette constatation ne devrait pas me plaire autant.
Je décide de changer de sujet, pour revenir à ce qui me trotte dans la tête.
- Je ne pensais pas que c'était à ce point là.
- Je suppose que tu parles de ma mère.
Je hoche la tête, attendant qu'elle se décide à m'en dire plus d'elle même. Parce que pour l'instant, je n'arrive pas bien à comprendre comment c'est possible d'avoir un tel comportement avec sa fille. Pourtant, ma propre mère est loin d'être une sainte. Mais je ne peux tout de même pas nier qu'elle m'aime, à sa façon. Celle de Shadow... je n'ai pas le sensation que ce soit le cas. Et ça m'inquiète, autant que ça me dérange.
- Je n'ai jamais eu une bonne relation avec elle. Ni de relation tout court, d'ailleurs. Elle m'a ignoré les 300 premières années de ma vie, ne m'exhibant que lorsque j'étais jeune, pour montrer à ses amies à quel point j'étais jolie. Sans vouloir paraître narcissique.
- A peine.
Je parviens à lui tirer un sourire, malgré qu'au fond de moi, je bouillonne.
- Ensuite, elle a du arrêter. Mon père ne voulait pas qu'on puisse me reconnaître. Seuls les personnes présentes aujourd'hui pouvaient associer mon nom, mon rang et mon visage. Bien qu'elles ne soient pour la plupart pas au courant de mon identité de guerrière. A partir de là, les seuls mots qu'elle m'octroyait étaient des reproches. Je n'étais pas assez féminine. Le combat n'est pas pour les jeunes filles. Je lui faisais honte.
Mes poings se serrent, tout comme ma mâchoire. Quel genre de mère est-ce... Shadow m'accorde un petit sourire.
- Je ne peux pas dire que tout ça m'a blessé. Il faut dire que j'ai arrêté de la considérer comme membre de ma famille très tôt dans ma vie. J'avais mon père, Maï et Mayu. Je n'avais pas besoin d'elle, alors son regard sur moi m'importait peu. Elle était bien plus dure avec ma sœur, en comparaison.
J'imagine comme cela a dû être difficile pour la plus jeune des deux. Maï n'est pas une forte tête. Et j'ai pu voir il y a quelques instants encore l'influence de cette femme sur elle. Ses mots la blessent. Elle l'exclue de la famille, et pour que cela touche encore une femme de 360 ans, j'imagine l'effet que ce genre de paroles avaient sur elle enfant. Cela ne me fait que détester un peu plus cette femme. La seule chose bien qu'elle ait faite dans la vie est de donner naissance à Yuki. Pour le reste, il n'y a rien à retenir qui soit louable.
- Elle a vraiment commencé à devenir un fléau dans ma vie quand j'ai approché de mon troisième centenaire.
Je sais ce qu'elle va dire avant qu'elle ne le prononce. Là-dessus, son histoire est plus que similaire à la mienne. A quoi bon être un soldat, quand on peut se marier ? Un mariage de bonnes conditions, évidemment. Pour la tradition, pour l'honneur. Le genre de pensées que partage ma mère. Le genre de pensées que j'ai en horreur. Je ne comprendrais jamais cet attrait pour les mariages arrangés. Comment en 2025 cette pratique peut-elle encore perdurer ? Pourtant, les dernières décennies ont été marqué par une explosion du nombre de libertés. Hommes, vampires, loups, tous ont cherché à amoindrir les règles. A ne garder que celles nécessaires. Faire passer le bonheur avant les traditions.
Et dire qu'on oblige encore des jeunes à passer une vie avec une personne qu'ils n'ont pas choisi. Ce devrait être interdit. Dicter la vie des autres pour respecter une règle applicable au Moyen-âge, c'est inconcevable, pour moi. Je n'y connais pas grand-chose, à l'amour, au couple et au mariage. Mais je sais au moins une chose. C'est un engagement qui doit être voulu. Désirer profondément par les deux personnes qu'il implique. Les autres ne devraient pas avoir leur mot à dire, là dessus.
- L'a-t-elle souvent fait ? Ramener des prétendants ?
Elle souffle, et croise les bras.
- Jamais. Elle me ressassait simplement qu'elle cherchait de bons partis, que je devais bien me comporter, faire attention à mon poids, mon physique, et tout ce qui va avec. Elle est passée à la vitesse supérieure aujourd'hui. Et je me demande si elle n'a pas choisi ce jour volontairement. Rien que le fait que ce type ose se pointer un jour comme celui-ci me montre qu'il est autant irrespectueux que l'est ma mère. J'ai supporté cette femme toute ma vie, je ne compte pas supporter son alter-ego masculin jusqu'à ma mort.
- N'épouses pas ce type. N'épouse aucun des types qu'elle te présentera.
J'ai presque envie de lui dire de n'épouser personne tout court. Elle affiche un sourire en coin, et l'étincelle dans ses yeux se remets à briller. Enfin.
- Pourquoi Alpha ? Jaloux ?
Je ne dis rien. Je ne sais pas quoi lui répondre. Est-ce que je suis jaloux ? Si avoir envie de tuer n'importe quel homme que j'imagine l'attendre devant l'autel signifie que je ressens de la jalousie, alors la réponse est oui. Je refuse d'imaginer qu'elle puisse finir mariée à qui que ce soit. Parce que je ne trouve personne qui pourrait être à sa hauteur. Personne sauf... Je secoue la tête en me baffant mentalement. A quoi je pense ? N'importe quoi.
Mon regard se raccroche au sien, encore, et nous nous fixons en silence. Je n'entends rien d'autre que son cœur qui bat à quelques centimètres de moi. Je ne vois rien d'autre que ses yeux rouges qui me fixent avec intensité.
Et puis d'un coup, je ne pense plus à rien d'autre que nos lèvres qui fondent les unes sur les autres. Qui a bougé en premier ? Aucune idée. La seule chose que je sais, c'est que c'est foutrement bon. Ses mains viennent entourer ma nuque alors que les miennes dans son dos la maintiennent contre moi. Sa bouche mange la mienne. Ou peut-être est-ce l'inverse. Je ne sais pas. Je profite juste de la caresse brûlante que nous échangeons. C'est bon. C'est chargé en... passion ?
Il n'y a rien de doux. C'est fiévreux, c'est impatient, et c'est pile ce qui rend l'échange électrisant.
Nous nous séparons. Seulement nos bouches. Nos corps restent collés l'un à l'autre, alors que nous nous observons. Ses lèvres restent gonflées. Pulpeuses et attirantes. Son cœur bat vite, au moins autant que le mien. Sa respiration haletante me donne envie de recommencer, encore et encore.
Est-ce que j'ai envie qu'un autre homme la voit, la mette dans cet état ? Certainement pas. Égoïstement, sans que je ne sache pourquoi, je veux que ce plaisir ne soit réservé qu'à moi.
Alors je ne me prive pas. Et je descends une nouvelle fois vers ses lèvres, la revendiquant un peu malgré moi.
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Un lieu qui parait presque irréel, une attirance sans raison particulière... ou peut-être simplement que la raison les dépasse encore.
A samedi pour la suite,
Kiss :*
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