Chapitre 37

PDV Yuki

Ses longs cheveux blancs réunis dans un chignon légèrement négligé, son sourire qui tire sa peau, et ses yeux rouges si brillants de vie et d'amour. Ce sont les premières choses que je remarque, quand je pose mes yeux sur le portrait d'elle, affiché dans le salon. A côté, trône une table, où un livre est ouvert. J'y lis du coin de l'œil les quelques messages écrits par les personnes ici. Des condoléances, des mots remplis de gentillesse. De pitié, aussi.

Aucun de ces mots ne me fait du bien. Je n'ai pas besoin de compassion. J'ai besoin de faire souffrir ceux qui lui ont fait du mal. Mais pour l'instant, je suis incapable d'être en colère. J'ai l'impression de ne rien ressentir. C'est sûrement mieux comme ça. Je ne sais pas ce que cela pourrait donner, si je laissais tout sortir de mon corps maintenant. La pièce finirait sûrement congelée.

Sur cette photo, elle porte un petit collier fin, avec un cœur en diamant. C'est Maï et moi, qui lui avons offert. Elle ne le retirait jamais. Pourtant, il n'était pas sur son corps. Ces salauds ont osé le prendre, en plus de prendre sa vie. Comme si ils n'avaient pas fait assez de mal. J'ai vu ce qu'ils ont fait. J'ai regardé les images sans flancher, ce matin, seule. C'est peut-être pour ça, que je ne parviens pas à exprimer quoi que ce soit, maintenant. Car elles étaient tellement horribles que pour les supporter, il m'a fallu tout bloquer. J'ai dit qu'ils étaient des monstres. Je crois qu'au final, il faudrait un mot bien plus fort pour les décrire. L'horreur, je la connais. La torture, aussi. C'est toujours différent quand il s'agit d'une personne qu'on aime. Mais là... je préfère ne pas décrire tout ce que j'ai vu. Et je suis confortée dans l'idée que ma sœur n'aurait pas pu voir ces vidéos.

Je me rappelle du jour où on a prise cette photo. Nous venions juste de lui offrir le petit bijou. Je crois que je n'avais jamais vu un aussi grand sourire sur son visage. Et pourtant, elle souriait souvent. Tout le temps.


- Mayu, assis-toi allez !

Dix fois que je lui demande, mais elle continue de me regarder sans comprendre et de m'interroger.

- Mais pourquoi dont Mademoiselle Yuki ?

- Arrête de poser des questions et pose moi tes fesses sur ce fauteuil.

Maï ricane en voyant que la femme ne le fait toujours pas. Elle pose ses mains sur les épaules de notre Mayu, malgré qu'elle ne soit pas encore à sa taille, et l'entraîne jusqu'au fauteuil. Quand elle est enfin assisse, j'ai presque envie de souffler de soulagement. Je ne pensais pas que la faire arrêter de travailler cinq minutes serait aussi compliqué !

- Bien, alors que vouliez-vous Mesdemoiselles ? Je dois encore plier votre linge.

Je lève les yeux au ciel. Décidément, même un jour comme celui-ci, c'est encore à nous qu'elle pense en premier. Je la reconnais bien là.

- Mama, j'ai 260 ans, et Yuki 300. Nous pouvons plier notre linge tu sais.

Elle répond à ma sœur par un de ses sourires tendres qui la caractérisent si bien.

- Ce n'est pas à vous de le faire, Mademoiselle Maï.

- Et ce n'est pas à toi non plus, aujourd'hui.

Elle fronce les sourcils en me regardant, sans comprendre, quand les lumières s'éteignent brusquement. Mon père entre alors dans la pièce, un gâteau dans les mains, couvert de bougies. Je vois notre gouvernante poser la main sur sa bouche pour cacher sa stupéfaction. Elle a enfin comprit. Nous entamons un « Joyeux anniversaire », et malgré que je ne sois pas franchement démonstrative, je me laisse aller à chanter moi aussi.

La vieille dame a les larmes aux yeux quand nous posons le gâteau devant elle. Elle lève la tête vers mon père, en lui assurant qu'il ne fallait pas, ce à quoi il se contente de lui répondre un « Soufflez ».

Elle s'exécute en souriant, et la lumière se rallume. Puis elle aperçoit la petite boite posée devant le gâteau.

- Qu'est-ce que...

- Ouvre le. C'est moi et Yuki qui l'avons choisi !

Ses mains tremblent d'émotion alors qu'elle se saisit du paquet et l'ouvre délicatement. Je ne peux retenir un sourire quand ses yeux se mettent à briller d'émotion. Je passe derrière elle, attrapant le collier avant de lui glisser autour du coup. Je laisse mes bras un instant autour d'elle et lui dépose un baiser sur la joue.

- Joyeux anniversaire, Mama.


Après ça, mon père a réussit à nous pendre en photo toutes les trois, et a obtenir ce cliché de Mayu. Je n'aurai pas pensé le retrouver 100 ans plus tard dans ce genre de situation. Pour moi, elle avait encore de belles années devant elle. C'est dur de se dire que tout a pris fin à cause d'une bande de rebelles sociopathes. J'en viens à me dire que nous aurions peut-être dû les contrôler, plutôt que de leur offrir la paix. Mais mon esprit rationnel me rappelle qu'il ne faut pas punir toute l'espèce humaine à cause d'extrémistes. Les Hommes ont bien trop donné en amalgames. Je ne tiens pas à prendre le même chemin qu'eux.

- Yuki.

Je me retourne doucement quand cette voix qui m'horripile tant m'appelle. Je sens que quelque chose ne va pas me plaire, et j'ai le déplaisir de tomber nez à nez avec un homme que je ne connais ni d'Adam ni d'Eve. Elle n'aurait pas osé faire ça, si ?

- Je te présente Tomio. Ce jeune homme incroyable a accepté de te rencontrer. N'est-ce pas formidable ?

Je ne sais même pas quoi répondre. Je ne devrais pas être surprise. Pourtant, je reste totalement scotchée devant son culot. Elle ose ramené un homme pour un mariage arrangé aujourd'hui. Et elle ne semble même pas voir d'où vient le soucis. Lui non plus, d'ailleurs, ce qui est plus qu'aberrant. Je serre tellement fort les poings que mon verre m'explose dans la main, venant couper ma peau. Ce qui ne perturbe pas un instant ma génitrice, qui continue de m'expliquer à quel point ce Tomio est impressionnant, en insistant particulièrement sur le rang noble de sa famille.

Je suis en colère. Mais je n'ai même pas la force de la laisser exploser. Je suis juste totalement défaite qu'elle ose ce genre de chose, et que je m'en étonne encore.

J'entends des pas arriver vers moi, et je vois le corps de Maï se placer à côté de moi. Je sais qu'Arman est dans son dos. Je sens son regard sur nous. Je sens le regard des autres loups. Celui de Cyrus. Je me sens protégée. Veillée. C'est presque étrange, pour moi.

Ma génitrice affiche un regard de dégoût en regardant ma sœur. Elle ne m'a jamais aimé. Comment pourrait-elle ressentir quoi que ce soit pour elle ?

- Laisse-nous, veux-tu. Cette discussion importante et ne concerne que notre famille.

Je sais que la pique la blesse. Pourtant, elle ne devrait pas lui accorder d'importance. Après toutes ces années, Maï sait comment est ma mère. Cela ne change rien au fait qu'elle n'arrive toujours pas à passer outre les millions de conneries qu'elle débite au quotidien. Une des raisons pour lesquelles elle a choisi de faire de longues études au quatre coin du pays. Être le moins possible en sa présence. Malgré tout, elle ne se démonte pas, et s'adresse à ma mère avec un respect que je ne lui accorderais pas, pour ma part.

- Je m'excuse de vous interrompre, mais je crains que Yuki ne soit apte à tenir un entretien de ce type en ce jour.

- Ce que tu penses n'a pas d'importance. Nous n'allons pas cesser de vivre pour une bonne. C'est déjà bien qu'elle soit enterrée dans notre cimetière, pour son rang.

Je voudrais lui répondre, mais je n'en ai pas la force. Elle m'épuise. Et aujourd'hui, je n'en ai pas besoin. C'est Maï, qui élève la voix, chose qu'elle fait pourtant rarement.

- Mayu n'était pas...

- Tais-toi insolente !

La main de ma mère se lève, mais s'abaisse quand l'ombre d'Arman apparaît dans le dos de ma sœur. Je n'ai pas besoin de voir son regard pour comprendre qu'il est suffisamment menaçant pour qu'elle baisse la main.

- Ne la touchez pas.

- Encore ces loups. Ils n'ont rien à faire dans ma maison !

Je sens les jumeaux et Jeiran s'approcher de nous, dans mon dos, tandis que Tala et Emna reste en arrière. Et je sens Cyrus. Ils veillent tous. Le dénommé Tomio les regarde avec un dégoût et une haine non dissimulée, qui finit de me convaincre sur ce type.

- Sha', besoin qu'on fasse sortir certaines personnes ?

Je jette un coup d'œil à Ramin, qui toise le nouvel arrivant avec un regard mauvais, et inquiétant. Un prédateur. C'est exactement ce qu'est Ramin à cet instant là. Et Tomio est sa proie.

- Pour qui vous prenez-vous ?!

Jeiran se tourne vers ma mère et essaye de garder son calme. Mais son regard ne trompe pas. Il est tout autant près que Ramin a les foutre dehors, autant Tomio que ma mère. Peu importe le rang qu'elle occupe dans mon espèce.

- Je vous retourne la question. Quelle genre de mère êtes-vous pour ramener un déchet pareil en ce jour ?

Le déchet dont il parle, un surnom que je trouve fort bien adapté, se met en colère. Il paraît un tout petit peu inquiétant. Pas suffisamment pour faire monter une quelconque peur en Jeiran ou n'importe lequel des loups.

Alors je laisse faire. Il s'avance vers lui et lui demande de répéter, ce que Jeiran fait avec un grand sourire.

- Sale cabot.

- De vous deux, tu ressembles plus à un chien que lui. C'est toi qui agite la queue devant ta maîtresse.

Ramin affiche un grand sourire, fier de sa réplique, qui fait hurler ma mère. Il ne l'écoute même pas, fixant toujours Tomio, qui serre les poings.

Mais quand il élance sa main serrée en direction de Ramin qui le nargue, cette fois-ci, mon corps réagit. Ma main vient lui enserrer le coup avant qu'il n'ait pu atteindre le loup, et je colle mon front au sien. Je sais à quoi ressemble mon regard, à cet instant là. Je sens son corps qui tremble, apeuré, et conscient de ma puissance, qui balaye la pièce. Ma voix tonne, tranchante et acérée.

- Ne touche pas à mes loups.

Je suis à peine consciente de ce que je dis, mais je m'en fous. Qu'il s'en prenne à moi, si ça lui chante. Mais qu'il touche à ma sœur ou aux loups, et je me ferais un plaisir de le dépecer. Je le pousse en arrière et il fait quelques pas, la tête baissée. Puis il tourne la tête vers ma mère, tentant de conserver un minimum de prestance.

- Je ne pensais pas que votre fille avait ce genre de fréquentation.

- Je vais m'occuper de ce soucis.

Ce soucis ? Le seul soucis ici, c'est eux. Et c'est bien ce que mon père, qui s'approche, risque de leur faire comprendre. Je sens d'ici la colère qui émane de lui.

- Qu'est-ce que c'est que ça ! Pour qui te prends-tu Arisa !

Sous la force de son regard et de son aura, ma mère se ratatine. Elle a beau avoir une grande gueule, elle n'est pas capable de dire quoi que ce soit, quand il se met dans cet état. Il vaut mieux pour elle.

Il pose son regard sur les loups derrière moi.

- Foutez-moi ce con dehors.

Ravis, ils s'exécutent et attrapent Tomio, qui ne peut rien faire contre trois loups de leur carrure. Il se tourne ensuite une nouvelle fois vers sa femme, qui se fait toute petite.

- Toi aussi, hors de ma vue ! Et ne reviens pas avant un bon moment, ou je te jure que tu vas y finir, dans le cimetière !

Je n'ai pas le temps de réellement comprendre tout ce qui est en train de se passer, qu'une main s'enroule autour de mon poignet. Je ne vois pas qui s'est, mais je le sais. Ma peau se met à chauffer, mais c'est loin d'être désagréable.

Cyrus me tire à sa suite et nous sortons de la pièce, pour traverser les couloirs de l'espace nuit. Il m'entraîne jusqu'à sa chambre d'une nuit, et plus précisément vers la salle de bain de cette dernière. Je le suis sans rien dire. Je sens sa colère d'ici comme si c'était la mienne et je sais ce qu'il s'apprête à faire. Il veut soigner ma main, et même si l'un comme l'autre nous savons que c'est tout à fait inutile, je le laisse faire.

Je regarde son dos tendu tandis qu'il fouille dans les placards à la recherche d'une trousse de secours. Et pour une raison que j'ignore, j'ai envie de tout faire pour le calmer.  

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Et oui, elle a osé. Mais comment une mère peut être ainsi ? Vous comprendrez bientôt. Et puis, n'oublions pas que les mamans de Roméo et Juliette n'étaient pas top non plus x)

Tiens dîtes-moi, quel est votre personnage préféré ? (Principaux et secondaires confondus). Moi, j'avoue que j'adore Ramin x)

Je vous dis à mercredi pour la suite, 

Kiss :*

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