Chapitre 34
PDV Cyrus
Héritière. Ce mot tourne en boucle dans ma tête depuis que nous sommes arrivé ici, bien que la scène du salon me l'ai fait oublier un moment, trop concentré sur elle, et prêt à intervenir au moindre signe de détresse. Mais maintenant que nous sommes là, dans ce bureau, j'ai tout le loisir d'y penser. Elle est la fille du roi des vampires. Elle est mon égale dans ce peuple, et maintenant, tout devient un peu plus censé. Quand on y pense, j'aurai dû m'en douter. Sa prestance, son autorité naturelle, son pouvoir, même son prénom aurait dû me faire penser à celui de son père. Il y avait des signes, je n'ai pas su les déceler, mais pour une raison que j'ignore, ça ne me déplaît pas tant que ça.
Pourtant, je déteste être dans l'ignorance.
Est-ce que j'apprécie cette révélation ? Oui. Oui parce qu'au fond, je me doutais qu'elle n'était pas n'importe qui. Et qu'en même temps, si elle est destinée à prendre la place de son père et moi celle du mien, cela signifie que nous serons amené à travailler ensemble. Encore et encore. Et cette idée, elle me plaît. Je ne me vois pas faire équipe avec une autre vampire. Pas que je déteste l'espèce, contrairement à beaucoup, mais j'ai cette sensation que personne ne serait plus complémentaire que cela avec moi.
Cela devrait me faire peur, que celle qui parvient à me compléter si bien soit une suceuse de sang, comme on dit. C'est tout le contraire. Peut-être parce qu'elle est la première que je rencontre à parvenir à m'égaler. A ne pas écouter tout ce que j'ai à dire sagement et exécuter. Si elle veut me dire merde, me gueuler dessus, ou se foutre de moi, elle le fait. C'est ce putain de caractère, qui me plaît tant.
Celui qui la fait bouillir en ce moment même, alors que son père se charge de raconter en détail ce qui a pu se produire.
- Ils sont arrivés vers 5 ou 6 heures du matin. Partis vers 8. Comme je l'ai déjà nous, nous n'étions pas là. Mais Mayu oui. Comme à son habitude, elle prenait son café en lisant son journal, dans le salon, quand ils sont arrivés.
Comment peut-il avoir autant de détail ? Je fronce les sourcils, ne comprenant pas franchement comment il est capable de dire qu'elle lisait son journal dans le salon. Elle devait y être, certes, mais ce qu'elle y faisait, peu importe ses habitudes, peut avoir changé ce matin-ci. Mon regard croise celui de la vampire qui semble voir mon trouble. Elle souffle et se charge de me répondre.
- Les pièces communes sont filmées.
Fubuki acquiesce avant de nous prévenir que nous pourrons voir les images. Mais que celles-ci sont particulièrement violentes. Je n'ai pas franchement peur de les regarder. En revanche, je me demande si les deux vampires seraient capable de les encaisser. Une scène de torture, oui. Mais qui touche un proche... tout est alors remis en perspective. Pourtant, malgré tout, je sais que Yuki voudra s'imposer ces images. Peut-être pense-t-elle que nous ne serions pas capable d'en voir tous les détails. Ou peut-être simplement a-t-elle besoin de le voir. Je pourrais le comprendre. Sa haine a l'air tellement forte... je crois qu'elle veut tout savoir pour pouvoir leur faire payer de la bonne façon. Une pensée qui ne m'étonnerait pas tellement d'elle, car je pourrais avoir la même.
Son père termine rapidement son explication, puisqu'il n'a pas grand-chose à nous dire que nous ne verrons pas nous-mêmes. Je garde les yeux fixés sur Shadow. Je ne sais pas pourquoi, je ressens le besoin de veiller, qu'elle ne craque pas, ou plutôt qu'elle ne craque pas seule. Mais elle a l'air d'encaisser. Pourtant, je n'y crois pas une seconde. Quelque chose cloche. Elle est forte, oui. A un point inimaginable, d'ailleurs. Mais je doute qu'elle parvienne à surmonter cela sans craquer. Parce qu'elle n'est pas un monstre, et que les personnes normalement constituées ont besoin d'évacuer, parfois. Même moi, même elle.
- Tout est en train d'être nettoyé. Nous organisons la cérémonie pour demain.
Il se tourne vers moi, et continue.
- Je pense que vous devriez tous rester ici. Pour y assister. Nous avons des chambres.
Je ne connaissais pas cette femme, mes loups non plus. Nous n'avons sûrement rien à faire à une cérémonie qui commémora sa mémoire, où les personnes qui l'aimaient lui diront adieu. Pourtant, je sens que nous devons être là, précisément. Pour Yuki, pour Maï. Pour cette femme qui semblait si importante pour elles. Alors je hoche la tête, et je sais que mes loups sont d'accord avec moi. Je suis persuadé qu'aucun d'eux n'imaginaient partir et les laisser seules ici, quand bien même pour certains se trouver dans un territoire vampire est un calvaire. Puisque pour une raison que j'ignore, ces deux vampires ont réussi à trouver grâce à leurs yeux. Et plus que cela, même.
Il nous laisse, sous-entendant que nous avons des choses à nous dire, et nous restons dans le silence pendant un bon moment. Arman reste à côté de la plus jeune vampire, la couvant d'un regard protecteur. Je sais que je devrais y trouver quelque chose à redire, mais je n'y parviens pas. Et puis je serai mal placé pour parler, en sachant que j'ai déjà posé mes lèvres sur celles de sa sœur.
Cette dernière d'ailleurs, s'avance vers le centre de la pièce, à la place même qu'occupait son père avant elle. Et la ressemblance me frappe. Putain, comment ai-je sérieusement fait pour passer à côté ? J'aurai dû comprendre dès qu'elle a retiré son masque.
- Bon, je suppose que vous avez tous compris, plus besoin de garder cela sous silence. Je suis Yuki, fille de Fubuki, et héritière des vampires. En sommes, je suis l'équivalent de Cyrus dans mon peuple.
Elle pose ses yeux sur moi et affiche un petit sourire, sûrement le mieux qu'elle peut. Elle tente de faire comme si de rien n'était, mais elle doit bien être consciente qu'elle ne trompe personne dans cette pièce. J'entends même Tala penser qu'elle veut lui faire un câlin de réconfort, ce que je ne suis pas sûr qu'elle apprécierait, au moins pour l'instant.
- Il faut croire qu'on va devoir se supporter pour toujours, Alpha.
- J'en suis désolé, Shadow.
Son sourire est toujours présent mais il n'efface pas sa tristesse et sa colère. Il va falloir que je m'en contente pour l'instant, alors même que je déteste la voir afficher ce genre d'expression.
- Si vous avez des questions, je crois que c'est le moment.
Pendant quelques instants, personne ne dit rien. Nous n'avons plus grand-chose à savoir, il faut dire, quoi que, Emna finit par se racler la gorge.
- J'espère ne pas dire une bêtise mais...
D'un regard, Shadow l'encourage à parler.
- Vous êtes sœurs. Pourtant, il n'y a pas vraiment de ressemblances. Et pour avoir vu vos parents aujourd'hui...
Je sais ce qu'elle veut dire. Maï ne ressemble ni à son père, ni à sa mère, ni à Yuki. Si ce sont des choses qui peuvent arriver, ne pas réussir à trouver la moindre similitude reste tout de même intriguant. Heureusement, les filles n'ont pas l'air de prendre mal cette question.
- Maï est ma sœur adoptive. Elle a perdu ses parents lors d'un tremblement de terre en 1703, au Japon. A l'époque, je l'ai trouvé, et avec mon père, nous avons décidé de l'emmener avec nous. J'avais senti qu'elle était ma sœur. Pas par un lien de sang.
Un petit sourire monte sur le visage des deux femmes qui se regardent, et je me dis qu'elles sont réellement des sœurs. Parce qu'au fond, ce n'est pas un lien qui peut se définir uniquement à cause d'un ADN. C'est bien plus que cela.
Voyant qu'il n'y a pas d'autres questions, elle voit avec nous pour la répartition des chambres.
- Emna, Jeiran, vous voulez une chambre double ?
Ils se regardent entre eux avant de poser les yeux sur Tala. Dormir ensemble revient à la faire dormir seule. Et connaissant le caractère de la plus jeune, je doute qu'elle soit rassurée, dans ce lieu qu'elle ne connaît pas. Qu'elle accepte les deux vampires est une chose, de se retrouver dans la demeure du roi en est une autre.
- Je vais rester avec Tala.
- Je peux dormir avec...
Nader fout une tape à l'arrière du crâne de son frère, qui râle, tandis que je lève les yeux au ciel. Irrécupérable, celui-ci.
Shadow hoche la tête, et nous fait signe de la suivre à travers les couloirs. Les filles sont les premières à être installées, tandis que Ramin et Jeiran s'installent à côté. Tous les trois, nous restons dans le couloir, devant la dernière porte.
- Il y a trois lits, dans celle-ci.
- On pourrait faire dortoir tous ensemble, sinon.
Arman prononce ses mots en ne quittant pas du regard la jeune vampire. Il ne veut pas la laisser seule, après ce qu'il vient de se passer, et l'air profondément affligé qu'elle aborde ne le rassure pas. Je ne peux rien dire, car je n'ai pas non plus forcément envie de les laisser seules. Comme tout le reste de mes loups. A leurs portes, ils nous regardent, attendant une réponse positive.
- Allez Sha', ça serait pas mal, tu rêves sûrement de m'avoir avec toi toute la nuit.
Je fronce les sourcils devant tant de familiarité de la part de Ramin. Un surnom ? Une blague ? Depuis quand ? Mais la principale concernée ne semble pas étonnée plus que cela, et affiche un petit sourire.
- Je sais que vous voulez veillez sur nous. Mais nous avons besoin de nous retrouver.
Arman souffle, bien conscient qu'il pourra toujours insister, il n'aura pas le dernier mot. Moi aussi, pourtant, j'essaye une dernière fois.
- Tu es sûre ?
- Oui, Alpha. Allez vous reposer.
Elles font demi-tour dans le couloir, mais Yuki s'arrête un instant devant Ramin.
- Désolé de briser ton rêve, Min'. Tu devrais prendre une douche.
- Tu es mal placée pour parler.
Il lui tire la langue et parvient à lui faire aborder un sourire un peu plus grand qu'avant. Est-ce que je suis content de la voir sourire ? Oui. Est-ce que ça me plaît que ce soit du fait de Ramin et non de moi ? Non.
Je râle dans ma tête à cause des pensées qui m'habitent. Je me laisse tomber dans un des lits, pendant que Nader file dans la salle de bain de la chambre. Lui et son frère sont aussi tâché de sang que Yuki, puisqu'ils ont fini collés contre elle sous forme de loup.
Un repas nous est distribué, et nous finissons par éteindre les lumières malgré l'heure peu avancée. Je n'ai pas sommeil. Pas à cause de l'heure qu'il est, mais bien parce que je n'arrive pas à me dire qu'elle va bien. Je suis persuadé, sans la voir, qu'elle ne peut pas dormir, elle aussi. Qu'elle a besoin de quelqu'un, même si elle ne l'avouera sûrement pas.
Arman gesticule dans son lit. Je sais qu'il pense à une autre personne, mais sûrement avec les mêmes intentions. En revanche, lui reste au lit. Moi, c'est plus fort que moi, je me lève. Je sors de la chambre et traverse le couloir. Je ne connais pas la maison. Je ne sais pas où je vais. Pourtant mon corps m'y porte, et je suis presque certain qu'elle sera au bout du chemin.
Et je ne me trompe pas. Je me retrouve à l'extérieur, sur l'un des côtés de la maison, et malgré la pénombre, je la vois. La lune haute dans le ciel me permet de remarquer chacune de ses expressions. Elle a mal. Elle est vulnérable. Si il y a bien une personne que je ne pensais pas un jour voir ainsi, c'est elle.
Je n'aime pas cette vision. Alors j'essaye de la détendre. Et elle semble le comprendre, car un petit rire lui échappe. Un rire plein de tristesse, mais c'est tout de même un pas en avant.
- Je crois que ta mère est pire que la mienne. Pourtant, il y avait du boulot.
Elle lève les yeux vers moi, et au milieu de son affliction et de sa douleur, je vois une chose qui me chamboule le cœur. Un appel à l'aide. Auquel je suis bien décidé à répondre.
-------------------------------------------
Dur moment pour Yuki et Maï... qui ne va pas aller en s'arrangeant. Des idées du pourquoi ?
La suite arrive samedi ! Et oui, on change de rythme, 2 chapitres par semaine ! Un le mercredi, un le samedi ;)
Donc je vous dis à samedi,
Kiss :*
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top