Chapitre 33
(Ceci est une republication, pour essayer de régler le bug qui empêchent certains de le lire)
PDV Yuki
Mon père n'a pas besoin de dire son nom. Je comprends rien qu'en voyant son regard, sa peine, autant pour la personne qui y a laissé sa vie que pour moi. Cela ne peut être qu'une seule personne. A part Maï et mon père, il n'y a qu'une habitante de cette maison qui compte suffisamment pour moi pour qu'il soit dans cet état.
A ce moment là, je me fous qu'ils entendent tous mon prénom, je me fous qu'ils comprennent tous qui je suis. Je veux juste avancer vers ce putain de salon et prier pour que cela ne soit pas ce que je pense. Mais au fond, je sais que ce que je vais y trouver va détruire une partie de mon cœur. Comme un automate, mon corps se dirige vers l'intérieur, et je sens les autres qui me suivent.
Mon cœur bat à toute allure, sentant qu'il va être difficile de supporter la suite.
Et il ne se trompe pas. Quand j'entre dans la maison, l'odeur de sang me monte au nez. Mais pas seulement. Celle de peur et de douleur aussi. J'avance encore de quelques pas. La grande arche laisse apparaître le salon à mes yeux. Et la terrible scène qui y prend forme. Je retiens un haut le cœur. J'ai déjà vu pire. Mais c'est elle, qui trône au milieu de tout ça.
Les murs, comme le sol, sont tapissés de sang. Du sien. Les armes qui ont servi à lui faire du mal trônent ici et là, fièrement exposés par ces enflures. Je les détaille une par une, pour me souvenir de tout le mal qu'ils lui ont infligé.
Et puis je la regard elle. Cette femme incroyablement douce qui m'a accompagnée toute ma vie. Mayu est allongée là, au milieu de tout son sang, le corps en lambeaux. Je ne serais décrire toute l'horreur de la situation. Mais je ressens la douleur qu'elle a dû endurer jusqu'au plus profond de moi.
Dans mon dos, je sens les autres arriver. Je ne les vois pas, mais je sais exactement ce qui s'y passe. Tala fait deux pas en arrière, pour ne pas en voir plus. Emna se réfugie dans les bras de Jeiran, qui lève les yeux vers le ciel, retenant tout son dégoût et sa colère. Maï, ma petite sœur, qui elle aussi a grandit avec l'amour de cette grand-mère de cœur, laisse un cri de douleur lui échapper. Je voudrais aller la serrer dans mes bras. Mais je suis bien incapable de me détourner du corps de Mayu maintenant. Je l'entends tomber en arrière, rattrapée par Arman, qui la soutient comme il peut. Les larmes coulent sur son doux visage, alors qu'elle parvient à exprimer toute la peine qui l'habite. Moi, je n'y arrive pas.
Je sens le regard de Cyrus dans mon dos. Il me réchauffe un peu, mais ne parvient pas à m'apaiser.
Je m'avance, les pieds dans le sang, et quand j'arrive jusqu'à elle, je me laisse tomber sur les genoux. Je me fous bien d'être recouverte de ce liquide rougeâtre. J'ai juste besoin d'être auprès d'elle. Ma main se lève et vient replacer l'une de ses mèches de cheveux, doucement. Elle était si belle, ma Mayu. Peu importe les rides qui strient son visage, la douceur de ses traits la rendait absolument magnifique. Ma main vient ensuite serrer la sienne, fort entre mes doigts. Comme si elle allait se réveiller. Mais le trou béant dans sa poitrine atteste qu'elle n'ouvrira plus jamais les yeux. Pourtant, je voudrais qu'ils se posent encore sur moi. Avec la même bienveillance qu'autrefois. Je veux qu'elle se relève, qu'elle dépose ses lèvres sur ma joue, comme avant. Qu'elle me prenne dans ses bras et m'entraîne jusque dans la cuisine, où elle me poserait sur le plan de travail. Je la regarderais encore mélanger tous les ingrédients, avant qu'elle ne me fourre le bol entre les mains, pour que je mélange. Je finirais irrémédiablement par en mettre partout, mais elle ne me disputerait pas. Parce que Mayu n'était jamais sévère.
- Mademoiselle Yuki, qu'avez-vous encore fait ?
- Je n'ai pas fait exprès.
- J'espère bien.
Son sourire me rassure tout de suite. Heureusement, elle n'est jamais en colère contre moi. Mayu me regarde, tandis que je baisse les yeux vers mes vêtements complètement marron de boue. Ce n'est pas de ma faute, l'arbre était trop glissant, et je suis tombée. Pourtant, je jure que j'arriverais à y grimper ! Papa dit que je suis une championne, et que je peux tout faire. Alors ça aussi, je peux y arriver !
- Avez-vous encore tenté d'escalader ce chêne ?
- Je vais y arriver Mama, tu verras.
Elle m'adresse un sourire chaleureux et pose sa main sur mon crâne. J'aime cette femme. C'est comme une mamie, toute gentille. Elle est beaucoup plus gentille que ma mère. Elle, elle ne veut que de moi lorsque j'ai une belle robe, pour me montrer à ses amies. Je n'aime pas maman. Elle est méchante, et elle crie tout le temps. Elle ne veut pas que je cours et que j'apprenne à me battre. Mayu elle, elle me soutient toujours, comme papa.
- Je n'en doute pas, petite guerrière. Mais pour l'instant, vous allez prendre une bonne douche et changer de vêtement.
Je lui fais les yeux doux, ceux avec lesquels j'obtiens toujours tout ce que je veux.
- Je peux prendre un bain plutôt ? Avec de la mousse !
Elle pose ses mains sur ses hanches et fait mine de réfléchir. Au fond, je sais qu'elle va dire oui.
- A une condition.
Il lève un doigt pour montrer sa joue, et se penche vers moi avec un magnifique sourire, comme elle arrive si bien à les faire.
- Je veux un bisou.
Je ris avant d'enrouler mes petits bras autour de son cou et de déposer lourdement mes lèvres sur sa joue. Son rire emplit la pièce. Elle est jolie quand elle rit. Je veux qu'elle rit pour toujours. Je veux qu'elle soit avec moi pour toujours.
Pour toujours. C'est ce que je voulais. Je savais qu'un jour, Mayu partirait rejoindre les anges, mais pas de cette façon. Pas maintenant. Je n'étais pas prête. Et je ne peux pas accepter qu'elle me soit prise de cette façon. Une femme comme elle ne méritait aucune douleur. Elle n'en a jamais faite à personne. Une larme silencieuse roule sur ma joue, tandis que je sens deux personnes s'approcher de moi. Ou plutôt, deux loups. Noirs tous les deux, ne laissant aucun doute sur leurs identités, ils viennent se coller contre moi. Nader dans mon dos, le museau reposant sur mon épaule. Ses poils viennent me chatouiller la joue, mais je ne bronche pas. Ramin lui se couche dans le sang, posant sa tête sur mes cuisses.
Leur présence me fait du bien. Elle m'apaise, même si elle est loin d'être suffisante pour effacer la colère et la peine. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment l'on peut commettre de tels actes, simplement par haine des autres. Mayu n'a jamais été une menace pour aucun homme. Comment ont-ils pu penser le contraire au voyant cette vieille femme en train de lire tranquillement son journal ?
Ils nous traite de monstres. Mais au final, n'est-ce pas eux les monstres ? Vampires et loups réunis, nous avons fait moins de victimes que les hommes n'en ont jamais fait. Les humains ont ravagé la terre et leurs semblables un si grand nombre de fois que les compter devient difficile. Ils ont pris plus de vies que nous n'en prendrons jamais. Alors je ne vois pas comment ils peuvent encore nous dépeindre comme des erreurs de la nature, des bêtes dangereuses et sanguinaires. Il n'existe pas de plus grand danger pour le monde et les espèces qui l'habitent que l'Homme.
Mon cœur continue de battre vite et fort dans ma poitrine. Mais cette fois, ce n'est pas d'appréhension, mais bien de colère, une colère si sourde qu'elle me vrille les tympans. Je veux les retrouver. Je veux les mettre en pièce. Qu'ils me voient comme le monstre qu'ils imaginent que je suis. Pas pour leur donner raison. Simplement pour les faire souffrir. Ils ne méritent rien de plus que la douleur et la mort. Ce genre de personne n'a pas le droit à la rédemption. Pas quand leurs vies se sont résumés à détruire, sous toutes les formes, celles des autres.
Mon corps se penche en avant malgré les loups toujours contre moi. Mon front vient se poser sur celui ensanglanté de cette grande femme, qui nous a quitté aujourd'hui. Je murmure mes mots, pour qu'ils restent entre elle et moi, même si je sais que Ramin et Nader n'en perdent pas une miette.
- Je te vengerais, Mama.
Depuis combien d'années ne l'avais-je plus appelé ainsi ? Je ne saurais le dire. Ce surnom que je lui ai donné alors que je ne parvenais pas à dire son prénom en entier la faisait toujours sourire. J'aurai dû continuer à l'utiliser, pour qu'elle puisse continuer à sourire toujours plus. « Mama ». ce mot si proche de maman, qui montre bien qui d'elle ou de ma génitrice se comportait le plus comme une mère.
Je reste quelques instants comme ça, me fichant bien de m'étaler son sang sur le front. J'en suis déjà recouverte, de toute façon.
Je finis par me relever, et les loups en font de même. Je me retourne et croise le regard de Cyrus. Je n'arrive pas bien à comprendre ce qu'il contient, mais je sais qu'il me fait du bien. Je pose ensuite les yeux sur ma sœur, dont les larmes ont séché. Elle reste tout de même appuyée contre le loup, qui semble être la seule chose qui l'empêche de s'effondrer. Je le remercierai pour ça, plus tard. Pour l'instant, la seule chose que je veux, c'est de voir mon père. Je veux qu'il m'explique tout ce qui a pu se produire ici. Je veux tous les détails, aussi durs soient-ils à encaisser, pour pouvoir retrouver ces salauds. Alors je m'avance vers l'entrée pour le retrouver, mais je suis coupée par une silhouette que je ne connais que trop bien. Et que j'aurais voulu ne pas voir, surtout pas maintenant.
- Oh mon dieu cette odeur immonde !
Je regarde ma mère en serrant les dents. Quelle genre de femme se permettrait ce type de réflexion ? C'est un membre de notre famille, qui repose dans ce salon, et elle, elle se pavane dans son ensemble à des milliers d'euros, sur ses hauts talons, en se plaignant de l'odeur de sang qui envahit l'espace ? Je me retiens de défigurer maintenant cette femme qui ne m'a jamais rien donné d'autre que la vie.
Elle finit par poser ses yeux sur moi et une expression franche de dégoût s'affiche sur son visage. Qui redouble lorsqu'elle aperçoit tous les loups qui se trouvent derrière moi.
- Ne peux-tu pas être présentable, de temps en temps ? Couverte de sang et entourée de loups, qu'ai-je fait pour mériter une fille pareille ?
Je ne réplique pas. Je me contente d'empêcher ma colère de lui arracher la tête du reste du corps. Quoi que cette image dans mon esprit fait gonfler mon cœur de joie. Je devrais peut-être l'envisager. Elle laisse son regard glisser derrière moi, vers le salon.
- Ils n'ont toujours pas nettoyé ? Mais quels bons à rien ! Pensent-ils que je vais vivre dans une maison dans un tel état ?
- Alors pars.
Ma voix tonne, froide, remplies de promesses mauvaises si elle ne finit pas par la fermer. Ma mère fait la fière, mais je sais qu'au fond, elle se replie sur elle-même. Je l'ai déjà dit, ce n'est qu'une soumise.
- Je suis chez moi. Ton père fait vraiment toute une histoire pour une simple bonne facilement remplaçable.
Cette fois, je ne me retiens pas. Ma main part d'elle-même et vient claquer contre la joue de ma génitrice. La baffe résonne dans l'entrée, et personne n'ose rien dire. Jusqu'à ce qu'elle relève la tête, et rouge de honte et de colère, hurle.
- Comment oses-tu, insolente !
- Et toi, comment oses-tu parler d'elle ainsi ! Mayu était bien plus essentielle à cette maison et cette famille que tu ne le seras jamais !
Elle serre les dents et je vois son corps s'avancer vers moi. Elle est peut-être soumise, mais elle est aussi colérique et un brin stupide. M'attaquer ? Je la tuerais d'un claquement de doigt, et elle le sait. Pourtant, elle cherche tout de même à me foncer dessus.
Mais ce n'est pas moi qui l'arrête. Les deux loups noirs sautent devant moi et se mettent à grogner, en position d'attaque. Elle fait deux pas en arrière, en regardant Ramin et Nader devant moi, faisant barrage. Ils me protègent. Encore. Et si je n'étais pas si en colère contre elle et contre les Sancoeurs, j'aurai passé plus de temps à me demander ce que cela signifie.
- Faire amie-ami avec des loups... quelle déception tu es.
Si j'avais accordé le moindre crédit à ma mère dans ma vie, j'aurai sûrement été blessée par ce qu'elle vient de dire. Mais ce n'est pas le cas.
- Tais-toi !
Je tourne la tête vers mon père, qui se tient dans l'embrasure de la porte. La colère suinte par tous les pores de sa peau et elle est dirigée vers sa femme. Cette dernière l'observe, interloquée.
- N'ose plus parler ainsi de ma fille ! Et je t'interdis de dire quoi que ce soit sur Mayu. Hors de ma vue !
Je l'ai rarement vu autant en colère contre ma mère, et pourtant, il n'est pas rare que cela arrive. Je ne comprends toujours pas après toutes ces années ce qu'ils font ensemble. C'est une question que je n'ai jamais posée.
Vexée, et honteuse, elle quitte la maison en tentant de garder son air fier, mais elle ne trompe personne. Si il y a bien une seule chose qui peut blesser ma mère, c'est qu'on touche à son ego et son image. C'est tout ce qui compte dans sa vie, après tout.
Mon père, qui vient allègrement de balancer devant les loups mon identité complète, même si ils devaient avoir fait le lien, nous indique de le suivre.
C'est comme ça que nous nous retrouvons dans son bureau, 3 vampires, et 7 loups, après que les jumeaux aient repris forme humaine. Un drôle de tableau, quand on sait la guerre qui oppose nos peuples depuis tant d'années.
Le chef de mon clan s'appuie contre son bureau et nous regarde à tour de rôle, insistant sur moi et ma sœur.
Bon. Il est temps de passer aux révélations. Et il va sûrement falloir avoir le cœur accroché.
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Le comportement de Nader et Ramin, on aime ? Et celui d'Arman avec Maï ?
On se retrouve pour la suite mercredi prochain,
Kiss :*
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