Chapitre 3

PDV Cyrus

Sous mes pattes, l'herbe perlée de la rosée matinale me chatouille à travers ma fourrure épaisse. Je plante mes griffes dans la terre et savoure la sensation de la sentir mouillée et fraîche sous mes coussinets. Le soleil se lève à peine, et la forêt se réveille. On entend les premiers chants d'oiseaux, l'éveil de l'écureuil et le lièvre qui sort de sa tanière. Le vent se prend dans mes poils, léchant par la suite ma peau, réveillant un peu plus mes sens.

La nature m'entoure, la nature m'habite. Je suis un enfant de la terre. Un loup qui n'a pour seul plaisir que d'être entouré d'arbres et de verdure. Mes narines reniflent fort, laissant entrer l'odeur si particulière de la mousse. Le ruissellement d'une rivière à l'Ouest m'arrive et m'apaise plus que je ne le suis déjà.

Un craquement me parvient à ma droite et j'observe mon meilleur ami, dans sa forme de loup lui aussi, qui s'approche de moi. Il me salue, avant de s'élancer dans les bois. Je gratte une dernière fois la terre avant de prendre également de l'élan. Je démarre vite, et le rattrape sans mal. J'ai toujours été rapide, puissant. Alors que je cours, le paysage enchanteur des lieux défile sous mes yeux persans. Je ne fixe pas ma vision, pour ne voir volontairement que des tâches de milliers de couleurs passer devant mes pupilles. Les rayons du soleil percent à travers le feuillage des arbres pour venir me réchauffer. J'aime cet astre. En même temps, mon prénom m'y destinait. Cyrus. Peu commun par ici, mais de là où je viens, ce que l'on appelait Perse, c'est plutôt répandu. Au moment où je suis né tout du moins. Il y a 420 ans. Bien avant que l'on renomme ce pays Iran, bien avant que la Révélation n'ai lieu et que tout le monde n'en soit chamboulé.

Je me demande parfois à quoi ressemble cette terre où je suis née maintenant. Depuis plusieurs siècles, nous nous sommes installés ici. Cet endroit que l'on appelle maintenant Union. Comme si nous étions réellement unis.

La guerre n'a jamais cessée. Elle s'est juste transformée. Peu importe ce que font les dirigeants, dont mon père, ils ne parviendront jamais à l'enrayer. Mais si nous ne pouvons pas la stopper, nous pouvons au moins la réduire.

Je mets de côté toutes mes pensées négatives et me concentre sur ce qui m'entoure. La biche qui fuit en entendant nos crocs se rapprocher d'elle, les branches qui craquent sous nos pattes puissantes. Plusieurs de nos amis se joignent à nous, et joyeusement, nous foulons toute la terre que nous pouvons, gorgeons nos poumons d'un maximum de ces senteurs si particulières. Je grave dans mon esprit le paysage pour m'en servir, jusqu'à la prochaine fois où je pourrais y avoir un accès aussi libre et décontracté.

Le monde semble nous appartenir, ou peut-être est-ce nous qui lui appartenons. Ma patte s'enfonce dans une flaque d'eau. Le liquide sur mes poils me rafraîchit, et dans mon esprit, je souris. Comme je donnerais tout pour plus de moments comme celui-ci. La liberté totale.

Je n'aime pas plus ma forme de loup que ma forme d'homme, mais je dois bien dire que les sensations que m'offre la première sont absolument incroyables. Cet instinct sauvage que les hommes utilisent pour la guerre, moi c'est ici que je le laisse s'exprimer. Dans sa forme la plus pure. Alors parfois, je me demande qui d'eux ou de nous sont les véritables animaux.

Arrivés près du ruisseau, nous n'hésitons pas un instant à nous jeter à l'intérieur. Sous l'eau, j'en profite pour reprendre ma forme humaine, comme mes amis, et nous passons un bon moment à patauger, nous arroser et rire. Si chaque journée débutait comme celle-ci, le monde n'en serait que plus heureux.

Nous finissons par retrouver nos poils pour rentrer à la maison. Comme le veut les règles des meutes, nous habitons tous ensemble. Si nous avons chacun notre propre résidence, elles ne sont qu'à quelques mètres les unes des autres. Un grand avantage quand on veut retrouver rapidement ses amis.

L'organisation de notre peuple est simple. Des centaines de meutes régies par chacune un alpha. Et puis la meute royale. Celle de l'alpha suprême. Mon père. Je vous laisse imaginer qui je suis amené à devenir. Des responsabilités énormes, mais que je serais fier de porter un jour. Pour devenir une personne aussi inspirante que mon géniteur.

Quand nous arrivons sur notre lieu de résidence, au milieu des arbres et de la végétation, nous reprenons forme humaine. Nous sommes trempés suite à notre petite escapade, et nos vêtements auraient besoin d'être essoré. Car oui, comme par magie, les vêtements que nous portons avant transformation réapparaissent que nous nous changeons. Ce qui est beaucoup plus pratique que toutes ces histoires humaines dans lesquelles nous finissons nus.

Alors que nous avançons en riant et nous chamaillant, nous arrivons devant chez moi. Et je souffle en voyant ce qui m'attend, ou plutôt qui m'attend devant l'entrée. Ma mère se tient là, le visage colérique, les bras croisés. Je savais très bien que je la trouverais là en rentrant, mais j'espérais me tromper. Il faut toujours qu'elle gâche les moments appréciables comme celui que je viens de passer. Mes amis la salut et me laisse avec elle, me lançant des regards de soutient.

Je n'ai pas envie d'avoir la conversation qui va suivre, alors j'essaie de l'éviter et rentre à l'intérieur en la contournant. Évidemment, elle me suit. Une fois la porte fermée, elle commence son monologue.

- Comment as-tu osé ! Tu m'as fais tellement honte !

- Qu'ai-je donc bien fait qui t'a fait honte à ce point chère mère ?

Oh, je le sais très bien. Mais je trouve la raison absurde, et je sais que lui faire dire la mettra encore plus en colère. Ce qui m'amuse énormément.

- Nous avions programmé un rendez-vous arrangé ce matin !

- Faux, tu as programmé. Je n'ai jamais donné mon accord.

- Ton accord n'a pas d'importance. Tu dois te marier ! Et Sheila est la louve qui s'y prête le mieux. Elle est jolie comme un cœur et intelligente.

- Et soumise. Je n'ai aucun intérêt pour elle.

- Tu ne l'a jamais rencontré !

- Je n'en ai aucune envie.

Je me dirige vers la cuisine et attrape une pomme pendant qu'elle continue son délire.

- Je vais programmer un nouveau rendez-vous.

- Je n'irai pas.

- Je ne t'ai pas demandé ton avis !

- Et je ne suis pas ton sujet. En réalité, je suis au dessus de toi hiérarchiquement parlant.

Et oui. Ma mère est peut-être la femelle dominante, mais mon père n'a jamais fait le rituel lui accordant le titre de Luna. En temps que loup alpha et héritier, j'ai donc un rang supérieur au sien. Et elle a du mal à le supporter.

- Je suis ta mère !

- Tout à fait. Pas ma conseillère matrimoniale.

- Cyrus !

Elle s'apprête à enchaîner, mais elle se tait, puisque c'est l'instant que mon père choisit pour entrer dans la pièce. Il m'octroie une accolade virile sans jeter un coup d'œil à ma mère.

- Fils. Ta dernière mission a été un succès. Je suis fier de toi.

Je le remercie, heureux que mon père reconnaisse mon potentiel. Sur sa demande, je lui explique un peu plus en détail le déroulé des choses.

Mon père, ayant confiance en moi, me confie des opérations régulièrement. J'ai accédé au rang de chef guerrier il y a quelques poignées d'années. Avec mes amis comme coéquipiers, nous intervenons sur tout le territoire. Notre dernière mission en date constituait à stopper un groupe humain de rebelle, pas trop virulent mais tout de même dangereux. Nous n'avons pas mis longtemps et tout c'est déroulé sans encombres.

Alors que je lui parle de ce corps à corps avec un ancien militaire, ma mère nous interrompt.

- Il a mieux à faire que d'aller jouer au chasseur ! Nous avons assez d'hommes compétents pour cela.

Pour le première fois depuis qu'il est entré dans la pièce, l'alpha se tourne vers son épouse.

- Et comme quoi ?

- Se trouver une épouse ! Il a osé poser un lapin à Sheila ce matin pour aller jouer les loups de gouttières avec ses amis. C'est inadmissible.

Les loups de gouttières. Se rend t-elle compte des âneries qu'elle débite ? 

- Tais-toi donc. Les loups de notre carrure n'ont pas besoin d'une femme.

Cela a l'effet de lui faire fermer sa bouche. Furieuse, elle quitte la pièce, bien que je me doute qu'elle n'en a pas fini avec cette louve qu'elle veut me faire épouser.

Ne pensez pas que mon père dénigre les femmes. Ce n'est pas le cas. Il sous-entend simplement que nous sommes aptes à faire ce qui nous incombe sans partenaire, que ce soit une femme ou un homme d'ailleurs.

Quand elle est partie, il plante son regard dans le mien.

- Tu seras toujours libre de tes choix fils. Régner seul ou à deux, c'est à toi de le décider.

Je le remercie avant que son visage ne devienne grave. Sur sa demande, je le suis dans son bureau.

- J'ai une nouvelle mission pour vous.

Je l'écoute attentivement.

- Je ne pensais pas vous la confier, mais vous m'avez largement prouvé ce que vous valiez. Ce n'est pas une mission simple, je te préviens.

Je hoche la tête, ravi qu'il me fasse -nous fasse- assez confiance pour nous donner une mission qui semble de grande ampleur.

- Depuis quelques temps, un groupe humain se distingue des autres. Nous les avons nommé les Sancoeurs. Ils ont plusieurs unités partout sur le territoire, alors nous nous sommes répartis les sous-groupes a gérer entre humains, vampires et nous. Dans notre zone, nous avons pu en éliminer une bonne partie, mais un groupe subsiste et nous échappe.

Pour qu'un groupe échappe à plusieurs reprises à des loups aguerris, ils doivent en effet être un sacré problème.

- Ils sont particulièrement violents. Ils capturent tous ceux qui ne sont pas de leurs espères, mais aussi les humains qui ne suivent pas leurs idéologies. Ils torturent, ils tuent, ils massacrent. Ce ne sont pas des enfants de cœurs. On déplore énormément de victimes sur tout Union.

En effet, les mecs ont l'air de vrais connards. Pas de quoi me rebuter, bien au contraire, je n'en ai que plus envie de mettre la main sur eux.

- Les populations commencent à les connaître, la peur s'installe doucement. Ce sont des terroristes. Nous devons les éliminer.

Je lui fais signe de continuer, tandis que j'enregistre toutes les infos qu'il me donne.

- Il faut que vous vous renseignez sur eux. Que vous les débusquiez, et vous en débarrassiez. Pas de pitié. Je ne veux que celui qui dirige, pour interrogatoire. Les sous-fifres peuvent être éliminés.

- Bien.

- Leur zone d'action se situe près de la côte Est, à une cinquantaine de kilomètres.

Je me sens froncer les sourcils.

- N'est-ce pas près de la demeure de la famille royale vampire ? Pourquoi ne s'en chargent-ils pas ?

- Si. Comme je te disais, nous nous sommes répartis les soucis. Nous sommes ceux qui nous occupons du plus de Sancoeurs, tandis que les vampires en gèrent quelques uns et d'autres groupes de rebelles. Le groupe dont je te parle se déplace. Ils agissaient au départ vers le Sud, mais ils s'approchent maintenant de la côte.

- Je vois.

- Évite de déranger les vampires. Même si vous avez le droit d'être dans cette zone, ils sont comme nous, ils n'aiment pas avoir des ennemis dans leurs demeures.

Il est sûr que même si la paix est prononcée, les rancœurs sont tenaces. Nos peuples sont tenus de ne pas s'exécuter (même si il y a quelques manquements aux règles), mais il est vrai qu'il ne viendrait pas franchement à l'idée d'un loup de sauver un vampire de la noyade par exemple. Et c'est réciproque. Ils ne seraient pas bien accueillis si ils débarquaient ici, alors forcément, ils ne seraient pas accueillants si nous débarquions devant chez eux. Nous devons donc intervenir sans nous faire remarquer, ou du moins sans être gênant.

Une paix sur un lit de guerre.

- Des questions ?

Je secoue la tête et il me laisse partir. Bon, et bien, allons-y, il est temps de caser de l'humain.  

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La première rencontre avec le principal personnage masculin ! Qui lui aussi a une mère particulièrement chiante... 

A mercredi !

Kiss :*

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