Chapitre 28

PDV Yuki

Je ne sais pas comment réagir. Je ne suis même pas sûre de comprendre réellement ce qui est entrain de se produire. Ses lèvres. Sur les miennes. Tout paraît surréaliste, pourtant, son visage si près du mien ne laisse aucun doute sur ce qui est entrain de se passer. La colère, si vivace et puissante en moi s'apaise, alors que tout mon esprit se tourne vers cet échange inopiné. Il m'embrasse.

Je devrais le repousser et lui en foutre une bonne. Mais je n'y parviens pas. Je me laisse faire, alors que ses lèvres se mouvent avec une certaine brutalité sur les miennes. Je le laisse faire, oui, mais je réponds, aussi. J'ai l'impression que mon esprit est déconnecté de mon corps. Celui-ci agit, alors que ma tête tente encore de comprendre ce qui est en train de se produire. Que dire, que faire ? Rien. Laisser le courant me porter, laisser la colère s'estomper au profit d'une certaine... plénitude ? Je ne sais pas comment appeler ça. Je ne comprends pas ce que je ressens face à ce contact entre nos bouches, mais une voix au fond de moi me souffle que je ne déteste pas. Que j'apprécie, même.

C'est nouveau. Je n'ai jamais embrassé, ou plutôt, je n'ai jamais été embrassé de cette manière. Il y a quelque chose de différent, mais je ne saurais pas dire quoi. Mais sans nulle doute, c'est cette petite chose que je ne comprends pas qui rend ce baiser si particulier. Si appréciable ? Il faut dire que tout ce qui se rapproche de l'intime ne m'a jamais intéressé. Peut-être parce que mes rapports avec les hommes se sont limités à des combats, ou bien les vaines tentatives de ma mère de me marier.

Son regard se plonge dans le mien alors que nous nous séparons tous les deux, respirant à grandes bouffées. Il m'analyse, vérifie que ma colère s'est suffisamment calmé pour que je ne tente pas à nouveau de tuer l'enflure congelé non loin. Il le mériterait, pourtant, et quand j'imagine encore ma sœur coincée entre ses bras, j'ai envie de faire deux pas en avant et de finir le travail. Heureusement, ma raison m'arrête, cette fois-ci. Nous avons besoin de lui. Même si il ne parle pas. Rien ne dit qu'un jour, nous ne parviendrons pas à soutirer une petite information de lui. Alors je me contente de serrer les poings pour me retenir.

Je regarde le loup en face de moi, sans savoir quoi dire. Devons parler de ce qui vient de se produire ? Je ne suis pas sûre d'en avoir envie, et je crois que lui aussi. Il fait un pas en arrière et me prévient qu'il va faire revenir les soldats, pour qu'ils l'emmènent. En espérant qu'ils ne le lâchent pas, cette fois. Il va falloir qu'on parle sérieusement de ce défaut de sécurité, mais pour l'instant, j'ai la tête ailleurs. J'ai la tête qui ressasse ce moment que nous venons de partager.

Nous sortons d'un commun mouvement de la pièce alors que je veille tout de même à ce que les loups ne fassent pas d'erreur. Ils doivent sentir mon regard sur eux, car ils sont concentrés pour ne pas commettre le moindre impers. Il vaut mieux pour eux, car cette fois, je ne sais pas qui de l'humain ou des loups finiraient en glaçon.

- Nous devrions nous réunir pour... échanger.

Je me contente de hocher la tête et il part en direction de la salle de réunion que nous utilisons en général. Je reste quelques instants en arrière, gênée. Lui aussi, il l'est, alors je crois que l'un comme l'autre nous avons besoin d'une certaine distance entre nous.

- Shadow.

La voix, je la reconnais sans voir à qui elle appartient. Ramin s'approche de moi, l'air fermé, mais aussi concentré. Je le regarde s'avancer sans rien dire, attendant qu'il parle. Au fond, je sais pourquoi il est là. Et il ne tarde pas à me le confirmer.

- Merci.

Il n'en dit pas plus. Il n'en a pas besoin. J'ai vu l'importance qu'a Tala à ses yeux. Je me doutais qu'il serait le premier à réagir face à mon geste de tout à l'heure. Avant même la concernée. Je n'ai pas fait ça pour des remerciements, mais voir qu'il parvient à me le dire sans s'écorcher la gorge au passage me fait plaisir en quelques sortes. Il y a quelque chose qui change, chez ce loup, dans la relation que nous entretenons. Je ne sais pas dire quoi, pour l'instant, mais je ne m'en plains pas vraiment. C'est toujours plus agréable que de devoir le balancer contre une table.

- Mieux vaut un bras qu'une tête.

Il arrive à afficher un petit sourire en coin, mais tourne la tête pour ne pas me le montrer. Je le capte tout de même et ne dis rien, avançant vers la maison principale, suivie du loup. Quand j'y arrive, j'ai presque envie de faire demi-tour, car la première chose que je capte, ce sont ses iris verdoyants. Ceux qui attirent si souvent les miens, et qui me rappellent sans mal ce qui vient juste de se produire. Il a fait ça pour me calmer. Rien d'autre ne doit me traverser l'esprit. J'essaye de ne rien laisser paraître, autant pour les autres que pour lui, et je dois dire que c'est difficile.

Un petit corps frêle vient se placer entre nous et me coupe la vue, pour le mieux sûrement.

Tala n'a pas besoin de parler, alors je lève la main pour l'arrêter.

- Je sais, ce n'est rien.

Je n'ai pas envie de l'entendre se confondre en remerciement. Encore une fois, je n'ai pas agis pour ça. Je ne sais même pas pourquoi je l'ai fait, à vrai dire. Elle se met à rougir ce qui fait monter mon sourire. Cette petite louve m'amuse, et je trouve que je commence à trouver bien trop de choses en chacun qui ne me rebutent pas.

Je passe mon regard sur chaque personne attablée. Ils ont changé la table, vraisemblablement. Je pose mes yeux sur ma sœur. Elle me rend ce regard, et je lis dans ses yeux rouges de la peur. Elle a encore peur de ce qui vient de se produire, malgré la présence à sa droite d'Arman. Il la couve des yeux, et je préfère ne rien dire sur l'inquiétude, et autres sentiments, que j'y lis. Je ne sais pas quoi penser sur ce loup. Ni sur sa façon d'agir avec Maï. Mais bizarrement son comportement ne m'alarme pas.

Ils attendent en silence, se doutant que c'est moi qui vais le briser. Je ne m'attendais pas à dire de telles choses à ces loups, en venant ici. Je suis un peu désappointée de me retrouver dans cette situation, mais je parviens à ne rien laisser passer.

- Après ce qu'il vient de se produire...

Je marque un temps d'arrêt, comme si j'avais du mal à sortir la suite. Pourtant, elle me paraît toute naturelle.

- Je suppose qu'il serait utile que l'on apprenne à se connaître un minimum. Je peux commencer : j'ai un don, vous l'aurez compris. Je contrôle la neige, et ce qui s'y rapporte.

Ils me regardent sans rien dire, et je me demande qui va être le premier à me répondre. Sont-ils en train de se parler en silence ?

- Je supporte très mal l'argent. Plus que les autres loups.

Je tourne la tête vers Tala et la remercie d'un sourire d'avoir osé se lancer. Emna la suite, vite suivie de son compagnon.

- J'ai des difficultés pour les arts martiaux. Mais je suis très agile.

- Et moi, c'est l'inverse.

Je vois Arman lâcher un petit sourire, comme si tout ça lui plaisait. Et il ne se prive pas d'en rajouter. Peut-être un peu trop.

- Je suis rapide. Je mords bien, mais je n'aime pas le fromage. Je suis assez bon en combat, mais je dois dire que je n'aime pas les maths.

Je secoue la tête en levant les yeux au ciel, plus amusée que blasée. Ramin finit par murmurer dans sa barbe qu'il est parfois trop impulsif, ce qui n'est pas en soi une surprise. Je ne manque pas de le charrier là-dessus.

- Étonnant dis donc.

- La ferme, vampire.

Je laisse un sourire couler sur mes lèvres et le silence revient. Qui sera le prochain à se lancer ? Nader n'a pas l'air décidé à parler. De ce que j'ai vu de lui, il n'est pas un grand bavard, ni un type hyper social. Mais ce loup me fait tout de même une bonne impression, sans que je ne sache pourquoi. Puisqu'il ne veut rien dire, et que Cyrus ne fait pas mine de vouloir rajouter quelque chose -j'évite de le regarder, pour ne pas repenser au baiser- je décide d'enchaîner.

- Nous avons bien travaillé les entraînements. Il serait intéressant de passer au combat en équipe. Pour apprendre à se synchroniser.

Des têtes se hochent, et je perçois la plus jeune des louves s'approcher du loup antipathique. J'observe en silence, sentant que les choses ne vont pas forcément bien tourner.

- On pourrait faire équipe ensemble ?

Il ne la regarde même pas, mais sa voix tonne, faisant taire les petits commérages ayant repris.

- Ton niveau n'est pas suffisant.

Ce n'est pas vraiment une reproche, mais je me doute que la remarque doit blesser la jeune femme, qui insiste pourtant.

- Tu pourrais m'apprendre.

Sa voix douce laisse comprendre qu'elle a peur de sa réaction, et son dos se courbe quand le loup lui répond qu'il n'en a ni le temps ni l'envie avant de partir de la salle.

Elle relève la tête, et je croise son regard. Elle a eut mal. Elle l'aime tellement pourtant, elle devrait savoir comment il est. En tout cas, j'ai bien décelé que ce loup ne prend pas de pincettes avec les gens. Voulant visiblement fuir nos regards sur elle, elle part à son tour, rapidement suivi du jumeau qui peste contre son frère. Pourquoi fallait-il qu'elle choisisse Nader et non Ramin ?

- Je suppose qu'on peut s'arrêter là-dessus. L'entraînement reprend bientôt.

L'Alpha parle et je l'écoute sans chercher à le regarder. Une petite voix me souffle que je dois aller retrouver Nader, pour lui parler. Est-ce à cause de la douleur que j'ai lu chez la louve ? Je ne saurais le dire.

Je ne mets pas longtemps à le retrouver. Il s'entraîne un peu plus loin, contre un tronc artificiel. Il doit m'entendre arriver, pourtant, il ne fait pas signe de sentir ma présence. Je doute même pendant quelques instants qu'il ne réponde à ce que je lui dis, tant il garde le silence pendant un long moment.

- Tu es rude avec elle.

- Pas plus qu'avec les autres.

Il est vrai qu'il est difficile de voir une différence. Ce n'est pas une personne chaleureuse en soi. Mais j'ai l'impression qu'il s'échine à la repousser, et rarement avec douceur.

- Tu sais ce qu'elle ressent.

Une nouvelle fois, je doute qu'il me réponde. Au fond, je n'ai pas besoin qu'il confirme, et je n'ai pas besoin qu'il m'explique son comportement. Je le comprends.

- Raison de plus pour qu'elle n'espère rien.

Je voudrais lui demander pourquoi il ne la regarde pas de la même façon que son frère. Mais la réponse ne s'explique pas. Je ne crois pas que l'attirance, les sentiments ou l'amour puissent être dictés et définis. On aime certaines personnes, d'autres non. Il l'aime. Mais pas de sa façon à elle. Il n'a pas à s'excuser que ce soit le cas.

Et en quelque sorte, il prend la bonne décision, en étant rude avec elle. Je suppose que c'est pour ça qu'il agit ainsi. Tala... est naïve, de ce que j'ai vu. Et elle est jeune. Je ne pense pas qu'elle soit capable de passer à autre chose si Nader la laissait croire, ou la rembarrait gentiment. C'est peut-être méchant, mais la blesser sur l'instant est sûrement mieux que de la faire souffrir quand elle aura passé des mois ou plus à espérer.

Je regarde ce loup qui s'entraîne sans vraiment m'accorder un regard. Et je me dis qu'à lui, comme à chacun des loups de cette meute, je commence à leur trouver des qualités. Je commence à les apprécier. Et ça, je ne le comprends pas.

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Un baiser que Yuki ne regrette pas mais qui la perturbe...

Le prochain chapitre sort demain. Je comptais le mettre aujourd'hui mais je suis trop fatiguée pour continuer à écrire. Donc à demain !

Kiss :*

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