Chapitre 14

PDV Yuki

Je me retiens tant que je ne me sais pas à l'abri des regards, mais je ne trompe pas Maï, j'en suis sûre. Elle me connaît suffisamment pour savoir que je suis en train de bouillir intérieurement. Il est rare que je m'énerve vraiment, mais là, c'est dur pour moi de ne pas éclater tout ce que je trouve sur mon chemin.

Nous arrivons dans ce qui va être notre logement et je laisse ma sœur fermer la porte. Je risquerais de la briser en la claquant, tant j'ai de colère en moi. J'en tremble presque, et je serre mes poings pour éviter de faire une connerie. Du sang coule le long de mes ongles et vient tâcher le sol.

Une fois la porte fermée et les oreilles indiscrètes trop loin pour nous entendre, je sens le regard rieur de ma seconde dans mon dos. Moi, je n'ai pas envie de rire, bien au contraire.

- Évite de mettre un poing dans un mur, je n'ai pas envie que la maison s'écroule.

Si il ne s'agissait pas d'elle, j'aurais renvoyer bouler la personne et ses phrases à la con, bien qu'elle est raison. Je ne retiens pas seulement ma colère. Je retiens aussi ma force, qui se trouve décuplée avec cette émotion toute particulière. On a de la chance que je sais me contrôler. Parce que je ne suis pas n'importe qui. Si tout sortait de moi, en plus de tout détruire, je gèlerais tout à des kilomètres à la ronde. Un pouvoir, c'est un don, mais ce n'est pas pour autant que cela n'a que des côtés positif. Si on ne se contrôle pas, on peut tout détruire, sans distinction pour le bien ou le mal. Y compris nous-même. J'ai la chance d'avoir cette force d'esprit pour éviter de glacer les alentours, et d'avoir un père qui m'a appris comment maîtriser mon don. Ce n'est pas le cas de tout le monde.

Mais là n'est pas le problème. Le problème, c'est que ce connard n'a pas parlé. Pas lâché un traître mot, au contraire, il s'est permis de jouer au con. Le tout devant Cyrus. Le tout devant le mec qui m'a déjà sorti d'un cachot alors que je m'étais faite prendre comme une faible. J'imagine la faible estime qu'il doit avoir de moi, et ça m'agace d'autant plus. Comment me faire respecter si les seuls moments qu'il voit de moi sont ceux où je suis en mauvaise posture ?

- On peut savoir pourquoi tu as l'air de vouloir buter le monde entier ?

Je me tourne vers ma sœur et son visage m'apaise un peu, pas suffisamment non plus.

- Ce con n'a pas parlé. Pas un mot ! Pourtant, j'ai été plutôt persuasive. Mais rien.

Un petit sourire en coin lui monte et elle me regarde toujours avec cet air rieur. Comment peut-elle trouver quoi que ce soit d'amusant dans cette situation ? A peine quelques heures que nous sommes là, quelques jours que j'ai rencontré ce loup, et c'est cette image que je donne de moi. Mon ego en prend un sacré coup.

- C'est pas plutôt que Cyrus est assisté à tout qui t'énerve ?

- Les deux !

Oui, je n'ai pas de mal à l'admettre, mais elle, à l'air de trouver ça plus drôle qu'énervant. Je suppose que c'est parce qu'elle n'est pas moi. Elle finit par redevenir sérieuse.

- Tu sais, je ne pense pas qu'il va t'en tenir rigueur. Après tout, sa propre meute n'a rien réussi à en tirer non plus.

Oui, mais je ne suis pas sa meute. Pas un des loups qui se trouvent sous son autorité. Je veux lui montrer que mon niveau est au moins égal au sien, car je refuse qu'on me sous-estime. J'adore au contraire prouver à ceux qui me croit capable de rien que je peux les mettre en pièce en un claquement de doigts. Là, je suis juste en train de lui montrer que je suis une bonne à rien qui joue les soldats. Ce n'est pas ce que je suis, et je ne veux pas qu'il se serve de cette impression pour tenter de prendre les rênes de cette mission.

Alors ma sœur à beau continuer à essayer de me « rassurer », rien ne fonctionne. En revanche, je me calme petit à petit au cours de la soirée. Mais pas suffisamment pour trouver le sommeil, alors que ma sœur tombe comme une mouche. Elle n'a même pas pris le temps de se changer, ce qui m'arrange. Ainsi, son corps et son identité reste bien gardé, tant que je n'ai pas la certitude que personne à part nous ne peut entrer ici. Je m'avance en silence dans sa chambre, et la regarde un instant. Elle a l'air si paisible, comme si elle n'était pas entourée de centaine de personnes la haïssant pour sa simple nature.

Je remets doucement une de ses mèches qui lui tombent devant les yeux, et remonte la couverture sur son corps. Si au moins un de nous deux peut dormir sur ses deux oreilles, je vais m'estimer heureuse. Et je préfère que ce soit elle. C'est moi la plus vieille, c'est à moi de veiller sur elle, comme je le fais depuis que je l'ai trouvée, cette fameuse année.

Je finis par sortir de la chambre en essayant de ne pas faire de bruit, et me dirige vers la mienne, juste à côté. Les volets sont encore ouverts, et je m'avance vers la fenêtre pour les fermer. Je m'arrête un instant pour observer l'étendue verte qui s'étend devant moi, faiblement éclairée par la lune et les étoiles.

Mon regard croise bien vite celui d'une bête à l'orée de la forêt. Le loup se tient là, sur ses quatre pattes, et me fixe sans détourner les yeux. L'animal est... subjuguant. Malgré la faible lumière, je vois son pelage magnifique mélangeant le noir et le blanc. Cela donnerait presque envie de plonger ses doigts dedans afin d'en vérifier la douceur. Mais en même temps, il dégage une impression de puissance, comme si il pouvait vous briser d'un coup de patte. Ce qui est sûrement le cas face à des humains.

Malgré la forme des yeux foncièrement différente, leur vert puissant ne m'est pas inconnu, et sans jamais l'avoir vu sous forme de loup auparavant, je peux affirmer qu'il s'agit de Cyrus.

Des hurlements retentissent et le loup finit par briser notre contact pour rejoindre ceux qui viennent vraisemblablement de l'appeler. Je reste un instant à la fenêtre à regarder l'endroit vide où il se tenait quelques minutes auparavant, sans que je ne comprenne pourquoi je le fais.

Je finis par fermer les volets et m'écarter de la fenêtre, car je n'ai pas envie d'y penser plus.

Pourtant, y penser, je ne cesse de le faire pendant ma courte nuit. Que je sois éveillée ou dans un semi-sommeil, je revois son pelage, ses pattes, et surtout ses yeux. Déjà sous forme humaine, ils sont puissants et attirants. Mais dans sa forme animal, ils ont une étincelle incroyable. Je m'agace rien qu'en y repensant, car selon moi, ce n'est pas un élément que j'aurai dû remarquer, même si je suis observatrice. Retenir l'utile, oui, mais je doute que cette information le soit.

J'essaye de sortir cette image de mon esprit alors que nous nous dirigeons vers la salle de la veille, pour commencer à travailler sérieusement sur cette mission. Quand nous entrons, toujours habillées de la même façon, nous ne trouvons que la jeune louve, Tala. Celle-ci nous regarde entrer, et elle me semble à la fois impressionnée et intimidée. Elle et Nader semblent être les seuls à ne pas être totalement réfractaires à notre présence, mais la jeune femme n'a pas l'air rassurée pour autant.

Je m'adresse à elle sans animosité. Elle ne m'a rien fait depuis notre arrivée, alors je n'ai aucune raison d'être froide. Je ne suis pas de nature chaleureuse non plus, mais je doute que rester un glaçon avec elle la mettra en confiance.

- Peux-tu me dire les informations que vous avez réunis jusqu'à présent ?

Elle détourne les yeux des miens, pas suffisamment à l'aise pour maintenir mon regard. On va y aller par étape, mais je sens que c'est une personne avec laquelle je pourrais travailler et m'entendre tout du long de cette mission. Ça fait au moins une.

Elle se concentre sur les feuilles devant elle et me répond sans me regarder. Au moins, elle ne bégaye pas, signe que nous ne la terrorisons pas non plus.

- Et bien, nous avons recueillis énormément de témoignages, mais ils sont peu concluant. Beaucoup de fabulations.

Elle fait avancer un tas de feuille vers moi et je les saisis avant de les parcourir en travers. En effet, chacun a sa version, et peu semblent à retenir.

- C'est un petit garçon qui a finit par nous donner l'information qui nous a permis de trouver la planque. Il avait échapper de peu aux Sancoeurs grâce à l'intervention d'une vampire.

Je ne lui dis pas que la vampire en question, c'est moi. Ce n'est pas le moment de leur révéler cette information.

Maï s'approche d'elle et regarde au-dessus de son épaule l'ordinateur sur lequel elle travaillait avant notre arrivée. La louve se tend un peu mais ne dit rien.

- C'est une estimation de leurs différents lieux de résidence en fonction de leurs crimes connus ?

- C'est exact.

Je crois qu'on a trouvé le cerveau du groupe côté loup. Moi qui la trouvait similaire à Maï, je ne me trompais pas.

- As-tu essayé de les coupler avec les villages capables de les identifier de façon plutôt correcte ?

La louve releva les yeux vers ma sœur et je vis l'étonnement. Elle vient de se rendre compte que leurs cerveaux fonctionnent à priori de la même manière, et j'ai l'impression qu'elles vont réussir à bien s'entendre.

- C'est une bonne idée. Il va falloir reprendre tous les témoignages mais c'est faisable.

Ma sœur hocha la tête et s'assit à côté de la louve, avant d'attraper les feuilles au milieu de la table, que je venais de reposer. Elle les divisa en trois paquets, et nous en tendit un à toutes les deux.

- Au travail alors.

Tala sourit faiblement, et je la sentis se détendre alors qu'elle attrapait ceux que lui tendait Maï.

Pendant de longues minutes, nous feuilletons les récits, se transmettant les informations qui semblent faire sens.

Alors que je suis appuyée sur la table à côté de la louve, j'entends le reste des loups entrer dans la pièce. Je sens l'atmosphère se tendre dans mon dos, sûrement dû au fait que l'une des leurs est entourée par deux vampires. Pourtant, elle ne s'en plaint pas, et ne paraît plus du tout intimidée. De toute façon, elle est bien trop concentrée pour vraiment s'en soucier. Tant mieux, au moins une qui va nous permettre d'avancer dans cette mission.

J'entends un grognement et je sais qu'il s'agit de Ramin. Je ne m'en formalise pas, j'ai autre chose à faire.

- Que faites-vous ?

La question d'Arman est dénuée de réticences. Je repose les feuilles sur ma table et m'écarte de la louve en me retournant. Mon regard se pose dans celui verdoyant du chef des loups, et nous restons ainsi à nous fixer pendant un moment.

Finalement, c'est Tala qui répond au loup.

- Nous ajoutons des données pour affiner nos prévisions.

La voix de Ramin s'élève, tandis qu'il ne quitte pas des yeux la louve. Cela confirme ce que je pensais. Il en pince pour elle.

- Tout va bien Tala ?

- Bah, oui.

Elle replonge dans le témoignage qu'elle était en train de lire et ne se soucie plus du loup, qui relève alors la tête vers moi.

- Vous avez pas intérêt à la toucher, bande de suceurs de sang.

Il me fatigue.

- Trouve donc d'autres insultes, elle est démodée celle-ci.

Il sert les dents et les poings, et en sentant la tension, Tala et Maï cesse de travailler pour l'observer. Moi je n'en fais pas trop de cas.

- Bon, on commence ?

Arman me répond en hochant la tête tandis que Nader s'assoit. En revanche, les trois réticents restent debout, à me regarder en chien de faïence.

Qu'ils restent debout si ça les amuse. Arman rappelle ce que nous savons déjà, mais au moins, répéter nous remet tout en mémoire.

- On a affaire à des humains particulièrement violents, qu'on peut mettre à part de la Rébellion. Ce sont seulement des psychopathes. Il ne restent qu'un groupe encore debout. Il se trouve que nous venons de découvrir qu'il s'agit du groupe mère. Celui de qui tous les ordres partent depuis le début. Sauf qu'évidemment, il est également divisé en sous-groupes. On en a eu un. Mais on a aucune idée du nombre de sous-groupes, ni du nombre de membres. En somme, on manque cruellement d'informations.

Le constat n'est pas pour me plaire, alors je grimace.

- Avez-vous inspecté en détail les forêts ?

- Bien sûr qu'on l'a fait, on est pas des débutants.

Je passe outre la remarque d'Emna et continue.

- Les lieux cachés des villes, comme les bars et boîtes, les repères habituels ?

- Tu nous prends vraiment pour des débiles ? On a pas besoin de toi pour savoir quoi faire !

Encore une fois, j'ignore Ramin. On ne va pas avancer si ça continue.

- Pose de caméras en plus de celles de surveillance ? Relevé d'empreintes dans la grotte ? Échantillons ADN ?

- Fait, fait et fait ! Tu vois, vous pouvez partir, vous ne servez à rien.

Et voilà que Jeiran s'y met. Je serre le poing et décide qu'il va falloir qu cela cesse avant que je décide de ne couper la langue aux trois imbéciles en face de moi, qui s'évertuent à rendre cette coopération impossible. Je suis excédée, et je plonge mes yeux dans ceux de Cyrus qui était silencieux jusque là.

Je lui fais bien comprendre qu'il doit me suivre, et je sors de la pièce.

Il va falloir que les choses changent. Ou ce soir, je mange du loup.

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Alala, ils ont décidé de ne pas rendre les choses faciles ! Que voulez-vous, ils sont têtus. Mais Yuki aussi, et elle ne compte pas se laisser faire !

Je me répète pour ceux qui lisent d'autres histoires, je pars en Thaïlande, dans quelques minutes d'ailleurs. Donc le prochain chapitre sera là après mon retour, soit le mercredi 11 mars.

Alors à bientôt,

Kiss :*

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