Chapitre 3
Après 40 minutes de trajet, nous arrivons à Fort Lauderdale, dans le quartier animé de Himmarshee Village. Situé juste à l'ouest du centre-ville, ce quartier regroupe plusieurs bars et boîtes de nuit branchés.
Le mois dernier, lors d'une sortie en solo à Hialeah, j'ai discuté avec une fille qui m'a conseillé cet endroit. Elle m'avait confié préférer Miami, mais pour moi, c'est trop risqué. Bien trop près de la zone de Richmond Heights ou de Palmetto Estates, où se trouve mon lycée. Lors d'une précédente sortie, un peu plus proche de mon lieu de résidence, j'ai failli croiser des gars du lycée. Je les ai reconnus immédiatement : des sbires de Stacy. Dès que je les ai vus, j'ai paniqué et quitté la soirée précipitamment. En rentrant à Pinecrest, je me suis promis de ne plus jamais sortir dans des endroits proches de chez moi.
Hialeah est aussi relativement proche, mais j'y savais les chances de croiser des connaissances du lycée très faibles. Là-bas, les nightclubs sont majoritairement fréquentés par des locaux et ont une ambiance décontractée. Les touristes s'y rendent rarement. À Miami, en revanche, la vie nocturne est légendaire et attire les jeunes de tout le comté de Miami-Dade. J'ai beaucoup apprécié Hialeah et compte bien y retourner avant mon départ. Peut-être proposerai-je discrètement à Éva de m'accompagner. Elle aime la musique latino, tout comme moi.
Je paye la course et sors du taxi. À peine ai-je claqué la portière qu'il redémarre. Je vérifie l'argent qu'il me reste et constate que j'ai bien respecté mon budget. Il m'en reste un peu plus de la moitié. Cette sortie est plus coûteuse que d'habitude : sortir plus loin implique des trajets plus onéreux. Heureusement, ce n'est pas mon argent. Celui de Sophia est plus facile à dépenser que le mien. Je suis généralement quelqu'un de raisonnable, et le bon sens voudrait que je mette cet argent de côté. Mais quand il s'agit de sorties, ma prudence s'envole.
Je marche vers le nightclub que j'ai repéré sur Google Maps. Il n'est pas loin, mais je prends mon temps : il est encore tôt, et je préfère ne pas m'abîmer les pieds trop vite avec mes talons. Quinze minutes plus tard, j'arrive devant la boîte, juste au moment où les portes s'ouvrent. Les quelques personnes qui attendaient entrent rapidement. Je passe devant le videur qui ne m'arrête pas, et pénètre dans le bâtiment. Le plus dur reste à venir.
Un couloir sombre, éclairé par une lumière tamisée presque vacillante, s'étire devant moi, créant une ambiance mystérieuse. Je m'arrête à un comptoir où se tient un homme, concentré sur un bloc-notes. Il lève la tête et demande mes papiers. Une bougie sur son pupitre projette des ombres inquiétantes sur son visage. Je sors ma carte d'identité – évidemment fausse – en tentant de cacher ma nervosité. Heureusement, il se contente d'un rapide coup d'œil avant de me rendre la carte. « Ce soir, c'est gratuit pour les dames, vous pouvez entrer », dit-il sans plus d'attention. Je le remercie avec un sourire avant de continuer mon chemin, soulagée que cette étape se soit déroulée sans encombre.
Après avoir déposé ma veste au vestiaire, je traverse la double porte qui mène à la piste. Je découvre un vaste espace à l'ambiance électrisante, avec ses hauts plafonds et ses éclairages colorés. La piste de danse, au centre, est entourée de plusieurs bars. Deux bars secondaires, fermés ce soir, flanquent la piste, tandis que le bar principal trône au fond de la salle. Des écrans LED diffusent des visuels captivants, en parfaite synchronisation avec la musique.
Mon regard monte vers les lounges VIP, situés en hauteur et séparés par des balustrades. Ces espaces inaccessibles à des gens comme moi ne s'animent que pour ceux capables de dépenser un mois de salaire ou invités par leurs occupants. Ce soir, ils restent éteints et déserts.
Je commande un Sex on the Beach au bar principal et m'installe sur un tabouret. La boisson est délicieuse, et je savoure en observant les lieux. La salle se remplit progressivement, et l'énergie monte d'un cran. Des groupes d'amis envahissent la piste, attirés par une musique toujours plus rythmée. À peine mon verre terminé, le barman m'en tend un autre, désignant d'un signe de tête un grand blond au bout du bar. Je le remercie d'un sourire poli avant de m'installer à une table haute, dans l'attente de danser.
Alors que je me dirige vers la piste, mon regard s'arrête sur la zone VIP. Un homme, adossé à la rambarde, semble scruter la foule. Lorsqu'il se retourne, mon cœur rate un battement : c'est lui, l'homme de mes rêves. Nos regards se croisent, et je suis figée. Son sourire en coin et son air satisfait me paralysent.
Une bousculade rompt ce moment. Une fille s'excuse, et je lui demande si elle connaît l'homme au balcon. Elle répond qu'il est un habitué, proche du patron, souvent accompagné de deux autres hommes.
Quand je me retourne, il a disparu.
Sur la piste, je tente d'oublier cet étrange moment en me laissant porter par la musique. Mais une sensation persistante me hante, comme celle d'une menace tapie dans l'ombre...
J'essaie de ne pas y penser et me faufile entre les danseurs, laissant la musique m'envelopper. Peu à peu, je me laisse porter par le rythme, bougeant instinctivement, oubliant ce qui m'entoure. Le DJ enchaîne sur S&M de Rihanna, et un sourire illumine mon visage. Cette chanson, c'est ma préférée, surtout en boîte.
Soudain, des mains s'agrippent à mes hanches. Mon dos se colle au torse d'un inconnu. D'habitude, je n'aurais rien dit, peut-être même que j'aurais dansé avec lui, mais là, une étrange impulsion me pousse à repousser ses mains et m'éloigner. En me retournant, je reconnais l'homme du bar. Son expression passe brièvement de l'agacement à un sourire charmeur. Il attrape ma main, entrelace ses doigts avec les miens, et commence à danser.
Je retire doucement ma main, le regard ferme, et fais un signe négatif. Il se penche vers moi.
— Tu veux pas danser ?
— Si, mais seule.
— Allez, juste une danse.
— Non, merci.
Je recule d'un pas, mais il me saisit brusquement par le bras et me ramène contre lui. Son haleine empeste l'alcool. Il est clairement ivre.
— Arrête de faire ta difficile, petite allumeuse. J't'ai payé un verre, tu peux bien accorder une danse en retour.
— J'ai dit non ! Personne ne t'a obligé à m'offrir quoi que ce soit, alors lâche-moi.
Je me débats et réussit à libérer mon bras. Sa mâchoire se crispe, ses yeux brillent d'une colère sourde. Il me traite de "petite salope", vomissant des injures avec une rage déconcertante. Mon sang ne fait qu'un tour. Furieuse, je lève mon genou et l'abat violemment dans ses parties molles. Il vacille, lâchant un cri étranglé, et je profite de l'ouverture pour lui asséner un coup de coude sous le menton. Il s'effondre, provoquant un cercle de vide autour de nous sur la piste. Mon cœur bat la chamade, mes poings serrés, retenus de justesse.
— Apprends le consentement, connard ! Non, c'est non !
Je veux m'éloigner, mais l'homme, titubant, se redresse, le visage tordu par la rage. Il fonce sur moi, le poing levé. Instinctivement, je protège mon visage, prête à encaisser. Rien ne vient. J'ouvre les yeux pour découvrir un large dos devant moi. L'homme est soulevé du sol par le col comme un vulgaire pantin. L'inconnu du balcon se tient là, imposant, sa voix grave résonne.
— Il me semble qu'elle t'a dit "non". Plusieurs fois d'ailleurs. Si tu ne comprends pas un mot aussi simple, tu n'as rien à faire ici.
Deux videurs surgissent de la foule, alertés par son signe, et emportent mon agresseur en le traînant comme un sac de linge sale. Sa voix s'éteint derrière les portes de sortie. L'inconnu se tourne alors vers moi. Son regard descend lentement jusqu'à mon bras, qu'il prend avec une délicatesse inattendue.
— Ça va ? Tu devrais mettre de la glace là-dessus. Ça va sûrement gonfler.
Je baisse les yeux, remarquant enfin une marque rouge vif au niveau de mon coude. La douleur, jusque-là masquée par l'adrénaline, se fait lancinante.
— Euh... Oui... d'accord, balbutié-je, les mots m'échappant.
Un sourire en coin éclaire son visage, et il pose une main légère au creux de mes reins pour m'entraîner vers le bar. Sa proximité me trouble, mais je parviens à articuler :
— Qu'est-ce que vous faites ? Pourquoi on va au bar ?
Il me regarde en fronçant les sourcils.
— Pour mettre de la glace sur ton bras.
— Oh... Ce n'est pas nécessaire. J'en mettrai chez moi.
— Non, il faut le faire tout de suite.
Devant ma mine hésitante, il insiste, et je finis par céder. Il demande un sac de glaçons au barman, puis m'installe sur un tabouret à l'écart. Il place la poche glacée sur mon coude, ses gestes méticuleux. Je le fixe, encore hébétée.
— Mais... Qui êtes-vous ?
Il ne répond pas. Ses doigts effleurent mon menton, redressant légèrement ma tête.
— Tout va bien. Laisse-toi aller.
Je me perds dans ses yeux. Ma tête penche instinctivement sous sa main. Ses lèvres effleurent mon cou, déclenchant des frissons le long de ma colonne. Sa bouche explore ma peau, descend lentement jusqu'à ma clavicule, où il marque une pause. Il y dépose un coup de langue, et un vertige m'envahit. Chaque pensée rationnelle s'efface, chassée par une sensation de langueur troublante.
Il hésite un instant, ses dents effleurant ma peau... jusqu'à ce qu'un cri retentisse.
— Nikolaï !
Je sursaute, retrouvant mes esprits d'un coup. L'inconnu grogne, contrarié. Je crois apercevoir un éclat rouge vif dans ses yeux avant qu'il ne se détourne pour rejoindre un autre homme. Le ton monte entre eux, mais je ne perçois que quelques bribes : "trop jeune", "même pas l'âge d'être ici", "à moi". Tremblante, j'en profite pour m'éclipser.
Aux vestiaires, je récupère ma veste à la hâte, puis je fuis le club sans un regard en arrière. Dehors, ma montre vibre : parfait, l'heure butoir. Mon taxi m'attend, et je m'y engouffre presque en courant.
— Roulez ! Vite ! murmuré-je au chauffeur.
La voiture s'éloigne, me laissant un répit. Mais malgré la distance, un frisson d'inquiétude persiste. Je me laisse aller contre le siège et ferme les yeux.
—... je te retrouverai...
Je rouvre les yeux brusquement et fixe le reflet du chauffeur qui fixe la route d'un air concentré et imperturbable.
— Excusez-moi, vous avez dit quelque chose, je demande.
Il me jette un bref regard, un sourcil relevé.
—Pas du tout. Je n'ai rien dit mademoiselle.
—D'accord, veuillez m'excuser.
Je repose ma tête sur l'appuie-tête en fixant le plafond du taxi.
J'aurais rêvé ?
Mes pensées me ramènent à l'inconnu de mon rêve.
Donc il existe pour de vrai. Mais qui est-il ? Et comment ai-je pu me laisser aller ainsi avec lui ?
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