Grimhilde fixe le miroir d'un regard mauvais. Sa silhouette nue, trop pâle, trop maigre, décharnée lui fait horreur. Elle griffe ses bras trop blancs. Elle s'arrache ses cheveux trop noirs. Elle tire sur ses lèvres trop rouges.

Elle se déteste. Elle déteste tout le monde qui la regarde d'un air envieux dès qu'elle sort de chez elle. Elle déteste son mari et l'affection qu'il lui porte.

Elle déteste sa belle-fille, parfaite et simple, sans un mot de trop.

Des marques rouges apparaissent le long de ses bras, de ses cuisses. D'épaisses cicatrices barrent ses poignets.

Pourtant, pour tout le monde, sa beauté est sans pareille et n'en aura jamais.

Elle se hait.

Elle s'en veut de cacher l'horreur de ses constantes mutilations chaque matin, de sourire aux passants, de rouler des hanches devant tous ceux qu'elle croise.

Plus que tout, elle déteste rencontrer cette inconnue dans le miroir chaque soir. Car chaque soir, elle retrouve sa monstruosité, et l'horreur qui va avec.

"Qu'est-ce que j'ai fait ? Pourquoi tout ça ?"

Et elle désigne à l'inconnue les balafres qui lui zèbrent le corps, et elle s'en veut de continuer, encore et encore, à s'autodétruire dans sa folie, seule, belle et incomprise.

"Pourquoi tu me montres ça ? Qu'ai-je fait pour mériter ça ? Tu m'entends ? Bien sûr que tu m'entends ! Cache-toi ! Je ne veux plus jamais te voir, toi, ta laideur et ton hypocrisie !"

Et quelqu'un vient frapper à la porte.

"Ça va ?

- Laisse-moi tranquille, imbécile !"

Elle s'effondre en larmes, mais seulement après avoir vérifié que le verrou est bien fermé.

Puis la colère et la haine reprennent le dessus.

"Monstre ! Hypocrite ! Abomination ! Déchet ! Engeance démoniaque ! Sors de ma vie !"

Elle s'acharne contre son reflet, toujours plus vulgaire, toujours plus désespérée.

"Tout ça, c'est de ta faute ! Meurs !"

Son poing part, la surface vole en éclats. Du verre s'enfonce profondément dans ses joues et ses cheveux. Elle saigne et hurle de joie.

Plus jamais belle.