Monsieur Ours

Monsieur Ours

Histoire écrite par Blue_Fantazia

Je me suis toujours demandé pourquoi mon propriétaire m'avait nommé "Monsieur Ours" ? Peut-être était-ce le fait que j'avais deux sourcils épais au dessus de mes yeux, ainsi qu'un ventre bedonnant et un minuscule polo bleu en guise d'unique vêtement. Le jour où il m'a mis devant le miroir alors qu'il cherchait un pantalon dans son armoire, je pu me voir pour la première fois. Que j'étais laid. J'étais difforme, résultat des nombreuses nuits passées avec lui, l'un de mes sourcils se décollait, et j'avais l'un de mes yeux fendus. En soit, je n'étais pas très reluisant. Pourtant, Haru, mon petit propriétaire, m'aimait plus que tout.

J'ai toujours eu du mal à comprendre les sentiments humains, mais Haru me disait bonne nuit chaque soir, bien calé entre ses bras, après un petit baiser sur ma joue poilue. Il me serrait fort, très fort. Je n'avais pas mal, et je ne souhaitais être nulle part ailleurs, mais je me demandais toujours, pourquoi moi ? J'avais été confectionné comme beaucoup de mes semblables, dans un autre pays loin d'ici. J'avais fait un long trajet dans un carton humide, pour finir dans la boutique de jouet de l'oncle Takana. Ce vieil homme m'a offert à Haru pour ses un an, et après neuf années passées à ses côtés, je suis toujours là. Nous étions nombreux sur l'étagère, mais Haru m'a désigné pour devenir son premier ami.

Nous avons passés de merveilleux moments ensemble, et d'autres beaucoup moins. La première fois qu'il fit pipi au lit, il me demanda de faire comme si c'était moi. N'étant pas doué de parole, je le laissa m'accuser. Il se fit tout de même gronder, mais il trouva vite mes bras pour se consoler. D'ailleurs, plus il grandissait, moins il m'utilisait.

Au début, je dormais avec lui, écoutant sa mère nous raconter des histoires. J'allais avec lui à l'école quelques fois, chez des amis également, mais bien vite, sa main quitta la mienne. Je ne pouvais pas le retenir, ni lui demander pourquoi. Il trouva les jeux vidéos plus intéressant, tout comme les séries télés. Au revoir les longs câlins, adieu les goûters. Ma place n'était plus sur le lit, à attendre son retour, mais sur l'étagère poussiéreuse près de l'armoire.

Chaque jour je le regardais vissé sur son téléphone ou son ordinateur. Jamais il ne posa ses yeux sur moi, jamais je ne revis ses petites mains prendre les miennes. Désormais, et malgré tout les bons moments passés ensemble, j'étais devenu un souvenir d'enfance. Je n'étais plus dans l'air du temps, j'étais devenu vieux et inutile.

Quand Haru eut dix sept-ans, sa mère et lui durent partir de l'appartement. Je le regardais, depuis cette étagère, ranger un à un ses vêtements dans des cartons profonds. La pièce qui autrefois fut sa chambre devint vide. À la fin, quand le dernier carton fut remplie, il posa enfin son regard vert sur ma personne. Qu'il avait grandit. Il se hissa bien haut pour m'atteindre, et quand il posa ses doigts sur ma fourrure poussiéreuse, j'eus honte de mon état. Je lui rappelais de bon souvenir, c'est ce qu'il avait murmuré. Avant, c'était moi qui lui offrait réconfort. Maintenant, je tenais dans une main. Je n'avais plus la même puissance.

Malgré mon état déplorable, Haru ne me jeta pas. J'étais un souvenir d'enfance poussiéreux, mais j'étais la dernière chose qui lui restait du vieux Takana. Il me serra contre lui brièvement avant de secouer mon corps. Les années se voyaient sur mon visage.

Il me déposa à l'arrière de la voiture, près de son sac à dos, et nous prîmes la route tous les trois. Le trajet fut long, mais agréable. Le vent dans ma fourrure, la musique rétro à la radio, c'était une belle journée. Rien à voir avec les dernières années.

Le véhicule s'arrêta, et j'entendis des voix que je ne connaissais pas. Pour la première fois, j'eus envie de crier le nom de mon petit propriétaire qui n'était plus si petit. Mes vœux furent exaucés, car il vint m'attraper depuis la vitre baissée. Le quartier était chaleureux, et les maisons magnifiques. La mère de Haru avait bon goût.

En parlant de ce dernier, il mit son visage devant le mien un court instant, alignant nos yeux. Je me vis dans ses pupilles, et j'eu envie de pleurer. Le temps ne m'avait pas réussit. Je le vis alors se baisser, avec un étrange sentiment dans le regard. Je voulus m'agripper à lui, mais je ne le pu.

Mais alors que je pensais mon heure arrivée, je sentis deux autres petites mains m'agripper le ventre, et un doux visage s'enfoncer dans ma nuque. Haru se mit à genoux pour caresser les cheveux de ce petit être tout timide qui me serrait fort contre lui. C'était la même chaleur qui se dégageait des bras de Haru. Je rencontrais alors les yeux de ce garçon et compris la situation.

Haru n'avait plus besoin de mes services mais moi, j'avais encore des choses à accomplir. Il m'avait donc offert à un autre petit garçon, dans le but d'offrir du bonheur à quelqu'un qui en aurait besoin.

Finalement, je n'étais pas inutile, ni d'un autre temps. C'était juste mon propriétaire qui avait changé. J'allais pouvoir partager de nouveaux souvenirs avec quelqu'un, et me faire un nouvel ami. Reverrais-je Haru ? Peut-être pas. Mais je resterais à jamais "Monsieur Ours". Jusqu'à ce que mon nouveau propriétaire se lasse de moi, et que je trouve quelqu'un d'autre, je ferais mon possible pour être l'ours en peluche parfait. Peu importe que je sois difforme, c'est comme ça qu'il semblait m'aimer.

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