Le monstre du lit
Le monstre du lit
écrit par 08_Elena
Ce soir-là, je n'arrivais pas à dormir. J'avais cette horrible sensation que quelque chose rôdait dans ma chambre. Je serrais tellement fort Wally – mon ours en peluche – que j'avais l'impression de l'étouffer. Je ne cessais d'ouvrir les yeux, à l'affut du moindre bruit. Il ne faisait pas complètement nuit noire : la lumière de la lune filtrait à travers les carreaux de ma fenêtre. Mais cela laissait apparaître toutes sortes d'ombres terrifiantes, qui me perturbaient d'autant plus.
Soudain, mon lit se mit à trembler. Un grognement se fit entendre sous mon matelas. Mes muscles se crispèrent. Qu'est-ce que cela pouvait être ? La sueur me dégoulina dans le cou. Il y eut alors une grosse secousse, qui m'envoya à l'autre bout du lit. J'imaginais déjà tout un tas de scénarios effrayants.
– Mamannn ! hurlai-je, instinctivement. Il y a un monstre sous mon lit !
– Mathéo, arrête de dire n'importe quoi, entendis-je au loin. C'est l'heure de dormir.
Elle ne m'écouterait pas. J'étais pétrifié de peur. D'un mouvement, j'ai allumé la lampe posée sur le chevet à ma droite. Les bruits devenaient de plus en plus rauques et de plus en plus puissants. J'ai saisi ma couette et je m'en suis enroulé. J'eus extrêmement chaud, mais, au moins, le monstre ne m'attraperait pas.
Au bout de quelques minutes, j'ai laissé ma tête dépasser, pour pouvoir mieux respirer. Les grognements se calmèrent peu à peu. J'ai pris mon courage à deux mains et me suis penché pour tenter d'apercevoir l'intrus qui venait s'immiscer dans mon intimité et... Oh non ! Wally m'avait échappé des mains. Il était maintenant couché par terre. En serrant les dents, j'ai sorti mon bras de la couette. Je l'ai tendu pour récupérer Wally, mais là, une étrange main verte et poilue a dépassé de sous le lit pour l'attraper. J'ai saisi d'un coup le bras de mon nounours et j'ai tiré de toutes mes forces. Mais la créature semblait plus forte que moi et je me suis retrouvé les fesses par terre avant même d'avoir compris ce qu'il m'arrivait.
Wally et la petite main avaient disparu.
Au fond du couloir, mes parents discutaient. Ils ne devaient pas avoir entendu. Que faire ? J'ai inspiré un grand coup avant de me baisser pour découvrir ce qui se trouvait sous mon lit.
Et je vis... Un espèce de truc.
Un espèce de truc vert fluo, poilu, qui avait de gros yeux globuleux et un bec crochu. Il faisait à peu près la même taille que Wally, qui se trouvait juste à côté de lui.
C'était un peu effrayant d'avoir un animal aussi étrange dans sa chambre, mais, à y regarder plus longuement, il était presque mignon.
– Tu veux pas m'aider à sortir de là, gamin ? demanda-t-il d'une voix criarde. Ça sent les chaussettes sales là-dessous.
J'ai haussé un sourcil. Il parlait ? Voilà qui était étonnant. Encore sous le choc, je mis du temps à lui tendre ma main. Il se hissa hors de la pile de jouets que j'avais entassés au fur et à mesure des années.
– Qui es-tu ? demandai-je lorsqu'il se trouva face à moi.
– Je suis le monstre du lit, pardi ! déclara l'espèce de truc, comme si c'était évident. Et toi, tu es... ?
J'avais du mal à croire ce que j'entendais. Je me suis frotté les yeux pour me prouver que ce n'était pas un rêve.
– Je m'appelle Mathéo, affirmai-je après un moment. Mais pourquoi est-ce que tu es venu sous mon lit, à moi ?
Il se contenta de se gratter le ventre avec son pied. J'ai observé son étrange visage. Il n'avait pas l'air si méchant, après tout...
– Et toi, que fais-tu sur mon lit ? rétorqua-t-il.
Je l'ai dévisagé, perplexe.
– Depuis quand ce lit t'appartiendrait ? m'insurgeai-je, ahuri.
– Depuis aujourd'hui, déclara-t-il, désinvolte. Tu n'avais qu'à te manifester plus tôt, si tu ne voulais pas que je le prenne.
– Mais, enfin... Tu n'as pas le droit !
Le monstre cligna des yeux une bonne dizaine de fois, sans répondre. J'en profitai pour essayer de reprendre discrètement Wally, mais l'intrus avait une sacrée poigne !
Comme il n'ouvrait toujours pas la bouche, j'ai dû réfléchir à une solution. Je ne pouvais tout de même pas le mettre à la porte ! Je me souvins alors de mon ancien lit, celui dans lequel je dormais quand j'étais bébé.
– Bon, écoute : tu ne peux pas rester dans ma chambre, lui expliquai-je, mes parents ne seront pas d'accord ; ils ont déjà dit non pour un chat, alors un monstre du lit... En plus, je n'arriverai plus jamais à dormir ! Mais je crois qu'on a un autre lit dans le grenier. Il ne sert à personne. Je peux t'y emmener, si tu veux.
La créature se frotta le menton de sa main poilue.
– J'aurais de quoi manger, là-bas ? railla-t-elle en faisant claquer son bec.
– Tu n'avais pas à manger ici, de toute façon, répliquai-je.
Il fronça ses sourcils vert fluo et pencha la tête. Il se décala ensuite de quelques pas, comme pour tenter de cacher quelque chose.
– Qu'est-ce que... commençai-je.
Je me suis levé et ai constaté, dépité, qu'il avait déchiqueté la moitié de ma chemise préférée. Il déglutit et esquissa un sourire innocent. Je secouai la tête, avant de me rasseoir.
– Écoute-moi bien, espèce de truc : ici, c'est MA maison, tu n'as pas à toucher quoi que ce soit. Sinon je te jetterai dehors ! l'avertis-je d'un ton menaçant.
– Oh non, gémit-il, dehors il fait froid, à cette période de l'année !
Il me regardait avec des yeux suppliants.
– Et puis, de toute façon, reprit-il sarcastiquement, je ne bougerai pas de ce plancher !
Il se redressa et se laissa tomber lourdement, afin de me montrer qu'il n'était pas aussi léger qu'il en avait l'air.
– Bon... Je vais t'emmener dans le grenier et je te donnerai à manger. En échange, tu me laisseras tranquille. D'accord ?
La créature se gratta de nouveau le menton, avant de hocher plusieurs fois la tête.
– Parfait, conclus-je, et pas un mot aux parents !
– Oui, oui, promit le monstre, ravi.
Il me laissa enfin récupérer Wally, que j'ai lancé sur mon lit, avant de me relever d'un bond.
J'entrouvris la porte de ma chambre pour vérifier que la voie était libre, puis je demandai à l'espèce de truc de me suivre. Il obéit. On a ensuite traversé le couloir en faisant le moins de bruit possible. On a franchi la porte du salon et continué jusqu'à la cuisine.
– Attends-moi ici, ordonnai-je.
Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour aller chercher deux boites de biscuits dans le placard en bois.
– On peut continuer, assurai-je en prenant un gâteau dans une des boites.
J'ai croqué dans mon biscuit au moment où on arrivait devant l'escalier qui menait au grenier. Je me suis retourné pour vérifier que la créature était toujours derrière moi, puis j'ai avancé à tâtons. Le parquet grinçait, et le petit monstre s'amusait à sauter sur les planches. J'ai dû lui répéter trois fois "Chuuut, il ne faut pas faire de bruit" avant qu'il comprenne.
Arrivé en haut de l'escalier, j'ai allumé la lampe qui éclairait faiblement la pièce. Cette dernière était très poussiéreuse, puisque personne ne s'y rendait jamais. J'ai cherché le vieux lit au milieu de tous les objets dont on ne se servait plus.
– Là ! m'exclamai-je en désignant un lit à barreaux. Tu peux y aller, espèce de truc, je dois retourner me coucher, moi.
Je lui tendis les paquets de biscuits et il avança clopin-clopant, en souriant. Il se glissa sous le lit et, bientôt, je ne parvins plus à le distinguer. Au moment où je décidai de partir, une petite voix m'interpella :
– Merci Mathéo, j'ai été content de faire ta connaissance.
– Moi aussi, espèce de truc, répondis-je, un sourire aux lèvres. Je viendrai t'apporter d'autres biscuits dans pas trop longtemps.
– J'espère bien ! s'exclama-t-il. Même si je pourrais me contenter de tout ce qu'il y a là...
Mes parents n'auraient sûrement pas été très enthousiastes à l'idée que l'on mange leurs meubles, mais je n'ai pas relevé.
– À bientôt, "monstre du lit", dis-je en refermant la porte du grenier.
– Au revoir, répondit celui-ci d'une voix maintenant amicale.
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