Chapitre I : L'Hellébore

Tout commença par un beau matin d'hiver dans le pays enchanté de Slavoorna.
Dans ces contrées magiques, les saisons étaient différentes de notre jolie Terre. Le printemps et l'été duraient quasiment toute l'année. L'automne ne durait qu'un mois et demi. L'hiver était encore plus court. C'est ainsi que les landes de Slavoorna étaient quasiment perpétuellement fleuries. Ses habitants étaient de joyeux lutins et dragons. Quelques fées et trolls des fleurs permettaient une floraison abondante.

Slavoorna était un pays qui ne cessait de déborder de richesse et de joie. Ses plaines baignaient dans la chaleur du soleil. Toujours les rires fusaient dans chaque maison. Sauf une.

Celle du lutin Gragas.

Oh, voici la grande exception parmi tout ce beau monde ! Un petit être sempiternellement grognon qui ne se mêlait ni aux autres ni aux festivités.
Même en hiver lorsque tous se retrouvaient dans la grande salle de Joie autour du feu, il demeurait seul, dehors dans son jardin glacé. Son unique passion et véritable amour.
Sa parcelle de terrain était le plus féérique lieu. Son jardin regorgeait de toutes les merveilles de Slavoorna. Chaque plante, chaque arbre, chaque herbe peuplant ce monde se retrouvait présente en ce lieu clos. Du printemps jusqu'en automne, milles couleurs éclataient en parterres. Mais l'hiver venu, la terre était mise à nue, glacée à l'instar du cœur de Gragas. Nulle fleur, pas même un petit bourgeon pour égayer. Pas un coin de verdure. Non, juste que de la neige que tentait désespérément de faire fondre Gragas.

C'est l'âme en peine qu'il finit par aller se réchauffer dans la grande salle de Joie tout en râlant contre les odeurs de pâtisseries. Dans un coin sombre, il se laissa aller à songer avant de s'endormir. Ce ne fut que quelques heures plus tard qu'il s'éveilla, l'esprit fortement tourmenté par un rêve.
Sans un mot, il quitta la pièce pour rejoindre sa modeste cabane. Il fourra rapidement dans un sac quelques affaires avant de sortir en claquant sa porte.
Il prit alors la grande route jusqu'à la sortie de son village. Et lui qui n'avait jamais voyagé de sa vie fit un premier pas dans le monde extérieur. Suivi d'un second puis d'une marche ferme, Gragas partit à la découverte du monde. À la recherche d'une fleur capable de pousser à travers les neiges.

L'hiver s'écoula sans que jamais le lutin grognon ne revint chez lui. Un premier printemps passa ainsi que l'été. Sa cabane finit peu à peu par s'abîmer et son beau jardin également. Les années passèrent. Plus personne ne croyait en son retour.
Et pourtant un beau matin d'hiver, il revint. Oh, il avait bien vieilli mais son caractère était demeuré le même. Il repoussa sèchement les lutins et fées heureux de le revoir. La seule chose qui lui importait était son jardin. Arrivé chez lui, il sema au vent des graines. À peine posées au sol, elles se mirent à éclore. Des grandes feuilles d'un vert profond sortirent en premier. Des petits bourgeons firent leur apparition. Avant de s'ouvrir pour laisser paraître une fleur d'un éclat immaculé. Des inflorescences plus blanches que la neige. Au centre de chaque fleur, se dessinait une constellation dorée.

La légende murmure que Gragas avait trouvé son premier amour, Hellébore, une fée stellaire, pendant son voyage. Mais que poussé par son rêve étrange, il n'avait pas su rester auprès d'elle pour l'aimer. Il continua son chemin jusqu'à gravir la plus haute montagne de Slavoorna. Le vent était tempête, le froid était blizzard. Et c'est pourtant au cœur de ces intempéries, tout au sommet qu'il trouva une unique plante capable de naître en hiver. Mais cette dernière se mourrait. C'est également à ce même sommet que Hellébore trouva le trépas dans un terrible accident.

Gragas avait tout perdu. Son amour, son rêve, son jardin et son village. Alors qu'il pleurait sur le corps de son aimée, ses larmes se mêlant au sang d'Hellébore firent naître une multitude de fleurs pareilles à celle qui se mourrait. Il ramassa délicatement une par une les graines se jurant que toujours le souvenir d'Hellébore ne fanera jamais.

C'est ainsi qu'aujourd'hui, nos jardins regorgent de la "Rose de Noël" dont il se dit qu'elle soigne la folie.

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