Chapitre 2 : Skimmia
Gabriel entoure le cou de son père alors que celui-ci le porte jusqu'à son lit. Il semble tranquille et apaisé n'attendant qu'une chose. L'histoire que son père va lui conter. Installé dans son lit, l'enfant serre contre lui son dragon-peluche tandis que l'adulte pose un délicat bisou sur le front avant d'entamer son récit.
C'est à l'est de l'Himalaya en des temps si anciens que la légende en fut oubliée que se déroule le conte d'aujourd'hui. Je vais te raconter une histoire d'amitié et d'espoir. Une amitié improbable entre un enfant-roi et un dragonneau, Darios et Variens. Ainsi que leurs mères, Marwen et Rana.
Comme pour toute famille royale, un complot menaçait les vies des parents de Darios avant même que celui-ci ne fut né. Peu à peu, les traîtres réussirent à augmenter leurs rangs. C'est ainsi que la terrible armée des Sans Noms naquit.
Les portes de Gavanon, cité royale, tombèrent dans la nuit noire tandis que ses murs ébranlés depuis maints jours finirent par succomber à la danse des catapultes. Les toits s'écroulant sous la fureur des flammes asphyxièrent les habitants cachés. Les cris et la peur volèrent au milieu des cendres et du sang.
Le roi et sa garde firent une dernière percée, une ultime défense.
Tandis que loin de ce tumulte, la reine enceinte de son premier enfant dû fuir laissant derrière elle sa ville ravagée où des rivières ensanglantées coulaient dans ses ruelles. Rapidement le sang de son mari finit par se mêler à ceux des simples citoyens. Gavanon était tombée.
Épuisée, perdue et seule, la reine Marwen trouva abri dans une grotte cachée sur les flancs d'une montagne. Sur le chemin, les ronces avaient lacéré sa robe pour entamer la douce chair de ses jambes. Suite aux chutes sous la pluie, des ecchymoses meurtrissaient de-ci de-là son corps pareils à des tâches de peinture. Sa couronne ornait désormais un quelconque arbrisseau dont les branches s'étaient mêlées dans les cheveux. La chevelure de la reine n'était plus que fouillis. Sa blondeur légendaire n'était plus qu'un souvenir lointain.
La grandeur de la reine Marwen n'avait jamais été à travers sa beauté somme toute très ordinaire. Elle aurait même été plutôt assez laide selon les critères de beauté du royaume. Mais elle possédait une prestance indéniable. C'est ce mélange de noblesse et de douceur qui faisait rayonner tout son être tel un ange radieux.
Mais voici que les ailes de l'ange avaient été coupées, arrachées à vives. Et elle ne pouvait plus voler, juste ramper dans la boue jusqu'à une tanière, abri de misère.
Une aube aux rayons rouges se leva, signe d'un massacre sans précédents. Des milliers d'innocents tombés sans que nul n'entende leur voix s'éteindre. Des centaines d'enfants qui ne connaîtront jamais l'âge adulte. Des vieillards dont plus personne ne se souciaient, le visage éclaté dans la boue. Un cimetière à ciel ouvert d'où les corbeaux et autres charognes trouvaient repas. Tous ces morts pour tuer un seul homme, le roi.
Ce fut dans cette lumière ensanglantée que le reine s'éveilla tiraillée par de violentes douleurs au ventre. Péniblement, elle réussit à faire un feu avec ses maigres bagages. La chaleur pénétra instantanément ses chairs apportant à la fois bienfait et douleur après cette froide nuit. La fumée envahit rapidement la grotte. Des entraves de l'infortuné abri surgirent des grognements féroces qui se transformèrent rapidement en râles de souffrance. La reine, d'abord, pétrifiée n'osa plus bouger craignant qu'une bête féroce se trouvait caché au fond. Mais lorsque les râles se firent de plus en plus fort, sa bonté prit le dessus et elle ne put s'empêcher d'aller voir. Du feu, elle sortit une torche avant de s'enfoncer dans les profondeurs de la grotte qui à sa grande surprise était beaucoup plus grande qu'elle ne se l'était imaginé.
Elle emprunta un long corridor qui la fit déboucher nez à nez à ce qui semblait être une dragonne. Gigantesques, ses ailes d'un bleu si pâle qu'il semblait blanc retombaient flasques sur le sol. Les parois reliant les nervures de ses ailes étaient si minces qu'elles en semblaient translucides. Les écailles brillaient d'une lueur diaphane. Ses iris dorés brillaient si fortement dans le noirqu'ils en éclairaient l'obscurité. Malgré sa grande beauté, la dragonne était loin d'être au sommet de sa gloire. Il était aisé de voir qu'elle était prête à mettre bas. Mais celle-ci semblait être en grande difficulté et extrêmement faible. Si faible qu'elle ne pouvait empêcher l'humaine de s'approcher d'elle. Seuls des grognements douloureux et des flaques de sang émanaient de la dragonne. N'écoutant que son courage et son grand coeur, la reine s'avança vers la dragonne prête à mettre le savoir transmis par sa mère à la disposition de l'être ailé. Sans force et sentant la douceur de la reine, la dragonne la laissa l'aider.
Une amitié s'installa entre les deux mères. Pour soulager leurs esprits meurtris, elles se racontèrent mutuellement leur histoire.
C'est après trois jours et deux nuits que le dragonneau vit le jour. En hommage au roi, la dragonne Rana l'appela Variens.
Ensemble, prenant soin l'une de l'autre, Marwen et Rana vécurent à l'abri de la grotte reprenant des forces, soignant leurs blessures, loin de l'humanité. Marwen apprit à chasser et dépecer, ainsi que tout ceux qui tenait à la survie dans la nature.
Les semaines s'écoulèrent au gré des saisons. Tout allait bien jusqu'à ce que l'hiver et son froid pointèrent leurs nez. Le gibier comme la cueillette se firent difficiles. Marwen se déplaçait de plus en plus difficilement de par son ventre arrondi. La faim commença à tenailler les ventres. Les gerçures firent leur apparition. Marwen commença à s'affaiblir alors que son bébé ne devait pas tarder à naître.
Heureusement la croissance des dragons est rapide et Variens commença à pouvoir chasser. Et même si ses butins étaient maigres, cela suffisait pour les maintenir en vie.
Les premières neiges arrivèrent en même temps que les premières contractions. Marwen était en chasse, avec Variens, trop loin de la grotte. Elle sentit que le travail allait vite se passer. Elle marcha aussi vite qu'elle le pouvait mais la neige commença à grandement tomber créant un épais tapis glissant. Épuisée, il lui fallut s'arrêter. Grelottant de froid, elle se glissa dans un grand arbuste. Son sang, goutte par goutte, s'écoula. Est-ce la proximité du dragonneau magique ? Mais son sang touchant la neige fit croître sur l'arbuste une multitudes de minuscules fleurs blanches dont le parfum délicat vint soulager les douleurs de Marwen. Les fleurs laissèrent rapidement place à des baies d'un rouge aussi profond que le sang. Les branches se couvrirent de feuilles épaisses et persistantes créant un toit protecteur.
C'est ainsi que Darios vit le jour tandis que Variens colla son corps chaud contre le nouveau-né pour le réchauffer créant ce qui sera le début d'une longue amitié. Marwen cueillit des branches de l'arbuste pour créer une couronne et la posa sur la tête de son fils.
"Que cette magnifique plante devienne symbole d'espoir et de vie. Je la nomme Skimmia, futur emblème de la famille royale."
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