Épilogue
- Viens voir ça Romain !
Houlà ! Lorsque monsieur Dubois, le chef de service m'appelait par mon prénom c'est que ça allait barder !
Je vis pourtant à son expression qu'il n'en avait pas après moi alors que j'arrivais au niveau de la table d'autopsie.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Demandais-je devant son air grave.
- Dis-moi ce que tu en penses.
Devant lui se trouvait un corps tout frais du jour.
Ha ! Non ! De la veille !
L'homme était un grand brun à la musculature développée.
- Mon dieu ! Mais... il est mort ! Plaisantais-je.
L'humour des médecins légistes, tout ça, tout ça...
Lui, ne rit pas.
- Hum... Je... bafouillais-je derrière ma visière.
Il fallait que je me montre pro pour rattraper le coup.
Je me penchais sur le visage du défunt et commençais à l'examiner en listant au fur et à mesure.
- Ses lèvres sont bleuies, signe de cyanose. Pareil pour les gencives. Ses yeux sont... Des hémorragies pétéchiales. Il s'est asphyxié, non ? Intoxication au monoxyde ?
- En plein été ? Corrigea mon supérieur.
- Noyade alors ? Il doit avoir de l'eau dans les...
Je stoppais net.
J'avais joint le geste à la parole et posé la main sur son torse. Cependant...
- C'est...
- Oui, me confirma mon camarade de désarroi, S'en est un.
- C'est pas possible !
Je palpais les côtes. Elles étaient brisées en plusieurs endroits. Les muscles, eux, étaient truffés d'œdèmes perimortems.
L'homme avait contracté ses muscles respiratoires jusqu'à pulvériser le contenu de sa propre cage thoracique. S'il était comme les autres, ses poumons ne devaient pas contenir d'eau, ni grand-chose d'autre d'ailleurs.
- Vous croyez que ça va recommencer ? Demandais-je à Dubois.
- Je ne sais pas. Ça fait presque un an...
Un an.
Je venais à peine d'arriver dans le service de médecine légale à l'époque, tout frais moulu de la fac. Immédiatement, mes collègues avaient donné le ton : on m'avait mis en face d'un cas étrange. Ceux-ci ne manquaient pas dans la ville mais, celui-là était de loin le plus troublant qui s'était produit depuis des années. Les cadavres s'étaient entassés à un rythme effréné sans que l'on ne puisse comprendre ce qu'il se passait. On avait évidemment pensé à une drogue ou un mécanisme quelconque mais les examens toxicologiques étaient restés unanimes : rien !
Et puis les rumeurs avaient commencé.
D'abord des étudiants qui prétendaient avoirs vu quelqu'un déguisé en clown fluo, roder dans les rues et poursuivre les passants solitaires.
Ce n'étaient que des racontars sur internet mais, ça ne s'était pas arrêté là.
Ensuite, c'était parmi les policiers que d'étranges rumeurs s'étaient répandues. On parlait de cet homme, celui qui portait un imperméable et une casquette gavroche qui lui donnaient tout l'air de s'être déguisé en Sherlock Holmes. Il s'était présenté comme un policier et avait une carte authentique mais, rapidement, on s'était rendu compte qu'il n'appartenait à aucun des commissariats de la ville.
- Tu crois qu'il va débarquer ? Demandais-je.
- Qui ça ?
- Lefevre, le flic fantôme.
- ... Sans doute. Quand c'est bizarre, il n'est jamais très loin.
Il fit quelques pas dans la pièce.
- Ce cas-là sort du lot, reprit-il sans se retourner.
- Oui, évidement.
- Non ! Non ! s'agita-t-il, Je veux dire... Même par rapport aux autres ! Celui-là, c'est pas un passant qui n'était là que par hasard.
- Tu veux dire quoi ? Interrogeais-je.
- On l'a retrouvé près d'un hangar désaffecté, sa fourgonnette grande ouverte juste à côté, exactement comme s'il venait de décharger quelque chose. S'il n'y avait pas eu ces symptômes, on aurait cru à un règlement de comptes entre trafiquants.
Un silence s'installa. Je finis par le rompre :
- Ça corrobore ma théorie au moins.
- Laquelle ?
- Celle de l'arme secrète cachée par le gouvernement.
Lors des vacances de la Toussaint de l'année passée, quand ces meurtres s'étaient produits, j'avais monté plusieurs pronostics sur le dénouement de l'affaire. Malheureusement, comme personne n'avait capturé le coupable...
- Ha oui ! Se rappela-t-il, C'est vrai, ça expliquait le coup du flic fantôme mais...
Il n'avait pas aimé ma théorie. Il l'avait rejeté comme une histoire paranormale ou une légende urbaine. Mais c'était toujours plus crédible que celle d'un clown tueur !
- Je pense, repris-je, Que c'est un espion à la solde d'une puissance étrangère. Il a essayé de voler l'arme secrète mais, celle-ci s'est déclenchée accidentellement et il en a fait les frais.
- Il serait mort sur la route ! Objecta Dubois.
- Ha ? Oui ! Dans ce cas, c'est peut-être en la faisant passer à d'autres espions... Oui ! C'est ça ! Ils l'auront supprimé pour se débarrasser d'un témoin gênant !
Mon chef grogna d'exaspération et repartit en direction de la sortie.
- Heureusement que t'es que légiste et pas enquêteur ! Me dit-il.
Mais, en moi, d'autres idées fusaient déjà.
- On l'a retrouvé où exactement ? Demandais-je.
- Près des hangars désaffectés, me dit-il sans s'arrêter.
- Lesquels ?
- Ceux près du cancéropole, sur l'ancien site de l'usine !
Et il disparut dans le couloir.
Hum...
Ça ne m'aidait pas spécialement mais, ce n'était pas un très bon présage pour la suite. Je ne suis pas superstitieux mais, un premier meurtre à cet endroit ne pouvait qu'en annoncer d'autres. Le destin, au travers de quelques signes discrets, semblait tenter de nous faire parvenir un message.
Après tout, cette usine était celle qui avait explosé, il y a des années, quand j'étais encore enfant, et qui avait répandu tôles, tuyaux et bris de verre sur toute la ville.
Tout ça à cause d'un tas d'engrais qui avait pris feu. Comment il s'appelait, ce produit, déjà... Ha ! Oui !
« Le nitrate d'ammonium »
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