Chapitre 3

Il était presque midi. Le Kfé était fermé et Elsa avait décidé de se promener dans la ville. Coincée dans sa chambre, elle ne cessait de s'énerver sur n'importe quoi, si bien que ses crayons avait failli être lancé sur le sol. C'est à cet instant qu'elle s'était dit qu'il valait mieux être dehors, quand seul la neige sur le sol pouvait souffrir de sa colère, que dans sa chambre où tout pouvait se briser.

Mais maintenant qu'elle était ici, elle ne savait pas trop où aller. Elle voulait éviter le centre-ville et ses chants de noël, ainsi que le lac gelé. Il ne lui restait que très peu d'option et elle le savait. Elsa leva la tête sur le clocher et posa les mains sur sa poche. Non, si elle montait, c'était pour en profiter, pas pour se calmer. Elsa mit ses mains dans ses poches, son nez dans son écharpe et laissa ses pas la guider elle ne savait trop où. Des trottoirs, des vitrines, des flaques, le même paysage partout, et la neige aussi, c'était vrai.

Ses chaussures laissaient des traces dans la neige, comme tant d'autre, mais ses pas à elle étaient plus légers, plus habitués à aller un peu partout, sans savoir où. Le béton laissa sa place aux dalles glissantes du petit pont qui traversait de part en part la rivière de la ville. Elsa se laissa aller sur la rambarde, ses coudes posés et sa tête appuyée dans ses mains, les yeux dans l'eau qui entrainait de petits morceaux de glace. La saison était vraiment partout...

Le temps passait et le soleil montait. Plus il passait, plus les mouvements derrière elle se multipliaient ; Elsa sursauta lorsqu'un groupe d'étranger se mit à parler, ou plutôt à piailler avant de prendre des  dizaines de centaines de photos bruyantes. La blonde ne bougea pas, mais se couvrit les oreilles, en attendant qu'ils s'en aillent. Elle se répétait qu'il était inutile de s'énerver, il fallait seulement qu'ils s'en aillent...

Les yeux fermés, ses oreilles tentaient de couvrir l'absence du premier sens. Son essence s'envola, doucement, lentement, vers les plus petits sons qu'elle pouvait capter. Les glapissements de l'eau, la glace qui se fendille les pas du groupe qui s'éloigne enfin. Elsa allait enlever ses mains de ses oreilles, laisser s'échapper le calme que lui avait procuré ce silence factice.

Jack s'était emparé de son appareil photo et Harold avait pour mission de le guider dans les plus beaux lieux de la ville, même si ses goûts étaient douteux en matière de paysage. Il devait également lui faire un peu d'histoire, mais là non plus le brun n'était pas très doué et cette ville était si peu connue, qu'internet n'avait pas grand-chose sur ses monuments. La dernière chose qu'il pouvait offrir était sa compagnie et pour cela, il excellait et heureusement. Jack l'écoutait parler du fleuve et des quelques légendes qu'il renfermait ; ils l'avaient longé depuis le côté est de la ville et le journaliste trouvait la ballade très plaisante.

Tous les deux arrivèrent au petit pont où se trouvait Elsa. Jack la remarqua tout de suite et un peu paniqué, il s'arrêta et réajusta sa veste et son écharpe. Il se recoiffa et arrêta Harold. La main sur son épaule, il le regarda très sérieusement au point que son ami panique légèrement.

- Ça va comme ça ?

Harold ne comprit pas immédiatement avant de sourire en coin. Il posa lui aussi sa main sur l'épaule de Jack et lui ébouriffa les cheveux qu'il venait juste de mettre en ordre.

- Mec, T'es l'un des plus beaux gars que  j'ai jamais croisé : forcément que "ça va" comme tu dis ! Si ce n'est plus bien sûr, rit le brun.

Jack sourit, mais le bourra en lui reprochant d'avoir décoiffé ses cheveux si bien ordonné. Un "merci" franchit tout de même les lèvres. Ils avancèrent de quelque pas, tandis qu'Harold se plaignait des touristes qui lui bouchaient le passage dans sa ville. Si l'étranger avait bien remarqué quelque chose, c'était la possessivité des habitants pour cet endroit. Lui-même avait eu du mal à ce que les gens lui parlent tranquillement ou ne l'évite pas. Il devait son intégration provisoire au propriétaire du Kfé, qu'il avait compris être le père d'Elsa.

- Satané touriste ! Ce n'est pas en un voyage de trois jours que vous allez comprendre ce que représente cette ville ! Pesta Harold en se faufilant à travers la foule sans regarder derrière lui. C'est ça d'avoir une si belle ville Jack, il y a toujours plein de gens pour l'admirer lorsque tu veux être tranquille. Jack ?

Si la compagnie d'Harold était agréable,  celle de la jolie blonde qu'il avait repérée depuis plusieurs minutes allait l'être plus encore. Plus tranquille que son ami, qu'il avait perdu de vue, Jack se faufila sans problème à travers les touristes qui allaient dans le sens inverse de son chemin. Il se rapprochait de plus en plus de sa cible, le sourire aux lèvres, mais le cœur qui battait étrangement fort. Elle se bouchait les oreilles et Jack devinait ses yeux fermés. De nombreuses mèches volaient à cause du vent et de nombreux flocons s'étaient accumulés sur ses épaules. Il hésita finalement à la déranger, mais ne pu résister à lui poser une main sur l'épaule.

Elle se sentait tranquille, plutôt bien, dans le milieu de la ville qui l'avait vue grandir. Le son de son sang commençait à raisonner trop fort et elle ôta ses paumes de ses oreilles. Trop d'ondes sifflèrent et s'incrustèrent, mais elle n'eut pas le temps de se protéger ; une main se posa d'un coup sur son épaule. En tournant la tête, elle s'attendait à voir Harold ou Kristoff. Personne d'autres n'auraient osé la toucher comme ça, et pourtant.

- Yoh ! Lui sourit innocemment Jack-machin-chose.

Elsa se dégagea rapidement d'un coup d'épaule et le dévisagea ouvertement. Était-il obligé d'être aussi tactile ? La blonde recula de trois pas avant de croiser les bras pour une posture  ouvertement défensive.

- Qu'est-ce que vous faites là ? Je veux dire ici, sur ce pont, et derrière moi ? Demanda-t-elle.

- Oh euh... Je passais par là par hasard, sourit-il. Enfin, peut-être que ce sont les flocons de neiges qui m'ont guidé jusqu'ici.

Elsa arqua un sourcil, mais ne répondit rien.  Il fallait qu'elle trouve quelque chose pour s'échapper, et rapidement. Mais avec cette foule, elle serait obligée de rester sur le bord de la route et donc facilement rattrapable. Elle pouvait prétexter voir une connaissance ? Non, elle ne savait pas mentir...

- C'est... Euh, c'est une belle vue n'est-ce pas ?

- Pas tant que ça trancha Elsa sèchement.

Ni l'un ni l'autre ne dis quelque chose de plus. Jack avait conscience qu'elle voulait s'enfuir et Elsa avait conscience qu'il voulait être un peu avec elle. Ils ne se regardaient pas et fixaient l'eau et les morceaux de glace glissant au fil des courants. Presque autant que ces derniers, les yeux de Jack faisaient des allés retours entre les remous et le visage de la blonde. Il soupira avant de se lancer. Il laissa la rambarde pour se redresser et fixa Elsa jusqu'à ce qu'elle tourne la tête. Ses yeux bleus le fixaient à présent et une boule naquit dans sa gorge.

- Est-ce que vous accepteriez de me laisser vous redonner l'esprit de noël ?

Elsa se redressa complétement face à lui, écarquilla les yeux face à cette demande originale puis fronça les sourcils, sceptiques. Si certains avaient déjà essayé, ça avait toujours était à coup de pancake et de photos souvenir, jamais ça n'avait été aussi ouvertement.

- Qu'est-ce que vous ferriez si je vous disais oui ?

 Elsa ne savait pas pourquoi elle avait dit ça. Ça lui avait échappé, comme le premier flocon d'un nuage d'hiver. Les autres suivraient très prochainement, la blonde le savait parfaitement. Mais pour le moment, elle regardait en face un parfait inconnu, droit dans les yeux, avec une tentation grande comme un gouffre d'accepter. Elle serra les poings dans ses poches pour se réveiller, mais rien ne pouvait la soustraire à ce regard aussi bleu que le sien. Cet inconnu, pouvait-il la changer ? Pouvait-il changer ce que cette ville représentait pour elle ?

Jack était surpris mais n'avait pas bougé. Cette petite femme qui semblait si fragile mais dont le regard possédait un vent du noir d'une force qu'il n'avait jamais rencontrée. Son visage était forgé dans un masque froid, pourtant, elle lui avait répondu, dans quelque chose qui sonnait positif à ses oreilles.

- J'essayerai avec tout ce que je peux de vous faire croire en cette fête magique.

- Vous en êtes convaincu... Remarqua Elsa, toujours méfiante.

- Je suis sûr que je peux réussir.

Elsa abdiqua d'un soupire en baissant la tête ; ses yeux n'étaient plus dans les siens, mais cette envie de lui laisser une chance, la première et certainement la dernière qu'elle n'offrirait jamais. Elsa releva les yeux pour le fixer. Elle n'en revenait pas de ce qu'elle allait dire.

- C'est d'accord. Vous avez jusqu'à Noël.

Jack voulait sauter de joie, mais il resta debout sans bouger. Seul un sourire sincère, immense et rayonnant trahi son contentement, il ne pouvait pas le contenir. Ses doigts se pliaient et se dépliaient pour contenir ses sentiments, il avait déjà en tête tellement d'idées pour l'aider.

- Marché conclu alors ? Sourit Jack en tendant sa main. Mais avant, on se tutoie !

Elsa aurait voulu lui serrer la main, mais elle ne pouvait pas s'y résoudre, alors elle hocha seulement la tête, sans expression particulière sur le visage. Elle tourna les talons et le cœur battant, lui tourna le dos pour rentrer. Elle enfonça plus loin ses mains dans ses poches et sa tête dans son écharpe, mais réussi malgré tout le bruit de la foule à entendre sa voix.

- Elsa, je te promets que je vais te rendre l'esprit de noël !

Un sourire lui échappa alors qu'elle continua sa route jusque chez elle.

Jack la regarda s'éloigner et se mit à siffler avant d'essayer de repérer un petit brun au  milieu de tout le monde. Il réajusta sa veste, sorti son carnet et un crayon pour noter toutes ses idées. En plus d'y emmener Elsa, ce serait parfait pour son reportage !

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