♙Chapitre 7♙

Nous reprenons enfin la route alors que j'étais prête à m'endormir sur le cheval. En vérité, ça aurait même été tout aussi bien : quand Mysterio me rejoint, c'est pour ne pas décrocher un mot durant tout le trajet.

Je sais que nous avons perdu beaucoup de soldat, parce qu'ils ont pris le soin de confectionner des genre de traineaux - beaucoup de traineaux - pour les emporter, là où ils se sont contenté de couvrir leurs ennemis d'un peu de terre.

Sans connaître les disparus, l'empreinte laissée par la faucheuse marque tant le visage et l'humeur des légionnaires que j'en ressens le contre-coup. J'ai beau essayer de m'en détacher pour ne pas rappeler de vieux démons, je finis par en avoir le ventre si noué qu'il étouffe ma faim. Ce n'est d'ailleurs pas un problème car personne ne semble penser à manger ; je n'ose même pas en faire part à Jacme, devenu bien silencieux après ses quelques révélations.

Quand la troupe a repris la route, cette fois nous étions bien entourés de tout côtés par les légionnaires. Bien entendu, Jacme en a profité pour rester prudemment derrière nous, évitant ainsi de me parler. Et malgré mes tentatives d'engager la conversation pour récolter quelques informations, Mysterio demeure de marbre. Une véritable pierre tombale. À tel point qu'épuisée par l'observation de ces hectares de nature et de cavaliers - pin, chevalier, bruyère, pin, bruyère, chevalier... -, je me retrouve à somnoler dans les bras de Mysterio. Je commence à trouver son torse presque confortable.

J'accueille la tombée de la nuit avec soulagement, les fesses en compote et le corp sous pression d'être confiné par Mysterio. J'aurais aimé qu'il me laisse de l'espace. Malheureusement, je ne sais pas monter à cheval et je n'ai aucune envie de finir à pieds vers une destination inconnue.

La montée du camp se fait dans un mécanisme bien rodé, où les ordres sont rares et les discussions presque inexistantes. Je n'essaie plus de discuter avec quiconque, gardant une seule idée en tête : me coucher. Dormir. Pressée de disparaître dans cet état de semi-conscience précédent le repos. Avec l'espoir fou qu'en ouvrant les yeux au petit matin, je serais dans mon lit, chez moi.

Ayant déjà fait du scoutisme étant petite, j'ai les fondements du camping. J'offre donc mon aide sans demander la permission, par automatisme. Mais à peine ai-je la prétention de soutenir Jacme en accrochant une tente entre deux arbres et en plantant des sardines version féodale, Mysterio m'interrompt.

Il m'entraine sur une couverture rêche et me fourre à manger dans les mains, m'intimant de me nourrir sans grande délicatesse. J'obtempère. Toutefois, ne parvenant pas à manger plus d'une mini part de la ration, je profite du passage de Jacme pour lui refourguer les restes intactes dans les mains. Puis dans celles de Calandra, que je vois me guetter de loin tandis qu'elle s'occupe de quelques chevaux. J'agite le pain dans sa direction et des lanières de viande séchée - du moins je suppose -, qu'elle vient récupérer dès l'instant où elle s'est assurée d'une distance respectable du légat de l'armée.

Tandis qu'elle s'en va avec son dû, je me fais la réflexion que la crainte imposée par Mysterio devrait me mettre la puce à l'oreille.

Il me guide vers la tente à la meilleure prestance et j'en profite pour lui demander, en même temps que je me glisse à quatre pattes sous la toile :

— Pourquoi les légionnaires ont toujours peur de toi quand il s'agit de manger ? Vous êtes rationnés ? Il n'y a pas de repas pour les légionnaires ?

Le heaume passé entre les deux pans de tissus, tout courbé par l'étroitesse de la tente, il ressemble à un titan coincé dans une maison de nain. Il m'observe avec ce que je reconnais être de la curiosité.

Je me tourne et découvre avec extase un coin douillet emménagé rien que pour moi, avec un coussin improvisé par un ballot de vêtement et plusieurs couches de couvertures isolant l'humidité du sol. Je m'y love à la manière d'un chat, soupirant d'extase, heureuse de retrouver la cape carmin du chevalier. Encore une fois, je prends conscience de mon corps transit de froid seulement lorsque je me roule en boule dans l'épaisseur du textile, les mains glacés plaquées contre mon ventre par-dessus ma tunique.

J'ai pris soin d'enlever les bottes à l'entrée de la tente : maintenant, mes orteils m'apparaissent comme une colonie de petits glaçons.

Je ferme les yeux, et ce n'est que lorsque Mysterio me répond enfin que je me rappelle la question que je lui ai posé :

— Nous ne sommes pas rationnés. Ce n'est juste pas votre rôle de céder votre croûte à ceux qui doivent se sacrifier pour vous.

Ah, il l'a donc remarqué. Mes paupières sont si lourdes que je ne prends pas la peine de les garder ouvertes. Je baille à m'en décrocher les mandibules.

— Donc, se sacrifier pour une princesse c'est normal, mais qu'une princesse le fasse pour eux, c'est bidon, marmotté-je avec difficulté. C'est bien une réponse moyenâgeuse, ça...

Si Mysterio ajoute quelque chose, je n'entends pas sa réponse, trop occupée à fourrer mon nez contre mes genoux pour le réchauffer, la tête remplie de coton.

Ah, qu'on est bien là...

♙♙♙♙

J'émerge d'un sommeil agité, engourdie d'être restée en position fœtus trop longtemps. Quand j'ouvre les yeux, je fixe l'obscurité quelques secondes, histoire que ma mémoire me revienne.

Le sol est terriblement dur.

Les couvertures sont rêches.

Alors que je m'attends à ressentir une bouffée d'accablement, seule une forme de fatalisme me fait lâcher un soupir. Je me redresse lentement et m'assoie. Devant moi, les pans de la tante sont bien fermés. L'humidité se referme autour de moi, me faisant très vite ressentir la morsure de l'hiver. Je tire un des tissus pour m'emmitoufler dedans et prend quelques secondes pour respirer calmement.

Inutile de paniquer. Ça ne m'apportera rien.

Ce qui se passe est peut-être incompréhensible, mais pas insurmontable.

Je me traine jusqu'à m'extraire de la tente, dont le devant est protégé par une extension de toile, soutenue par deux hautes piques en métal. Les bruissements de la forêt forment une cacophonie agréable qui m'accueille. J'ai toujours affectionné le chant des grillons. Ils m'apaisent. Et je comprends que c'est grâce à la familiarité. Dans ce monde inconnu, les insectes semblent identiques, et ce constat soulage.

J'inspire l'air de la nuit, intriguée par le silence posé sur le camp. Plusieurs tentes sont dressées dans la clairière où nous sommes, et un feu mourant crépite doucement à quelques pas de là. Il n'y a pas un seul légionnaire en vue, ce qui me donne, l'espace d'un instant, l'impression de rêver.

Et puis, soudain, je les distingue.

Ces petites tâches lumineuses qui tombent du ciel. Lentement, à la manière de flocons, elles touchent le sol. D'abord rares, elles deviennent plus nombreuses et bientôt, c'est comme s'il neigeait. Je lève le nez vers la voie lactée et mon souffle se coupe.

Je n'ai JAMAIS vu un tel phénomène. Il n'y a pas l'ombre d'un nuage, et les constellations brillent de milliards d'éclats. Des vagues multicolores ondulent dans la beauté indigo de la nuit étoilées, à la manière d'aurores boréales.

Je tends une main dans l'espoir de recueillir ce qui ressemble à un flocon. Il entre en contact avec ma peau, et plutôt que paraître frais, il est agréablement tiède. Il continue à briller d'une lumière qui lui est propre avant de se dissoudre. Fascinée, je patiente et observe d'autres particules fondre sur ma main et disparaître, remarquant qu'elles illuminent brièvement la première couche de peau comme si elle la traversait.

— Vous... chuchote une voix.

Je glapis dans un sursaut. J'amorce à peine un mouvement pour me retourner que Mysterio s'est déjà levé pour plaquer une main sur ma bouche.

— S'il vous plait, mes soldats ont besoin de repos, et votre hurlement va tous les mettre au garde à vous, me sermonne-t-il.

Les deux lames qui lui servent d'yeux me poignardent de leur fureur. Au travers des fentes du casque, il est évident qu'il les fronce. Je déglutis et hoche la tête, tentant d'apaiser mon cœur. J'étais tellement ensommeillée que je n'ai pas remarqué le tas sombre qu'il formait, collé dans l'angle de la tente.

Mysterio retire sa main.

— Il est si facile de vous faire peur...

— Evidemment, tu es silencieux comme une tombe ! me défends-je en remontant la couverture sur mes épaules.

— Je n'avais aucun moyen de vous signifier ma présence sans vous surprendre.

Je serre les dents pour suspendre mon envie folle de continuer à me plaindre. Il a raison, je le sais. Même si je l'avais vu en sortant, j'aurais sans doute hurlé quand même.

— Vous n'arriviez pas à dormir ?

— Il fait froid, lui fais-je remarquer pour seule explication.

Son regard me parcourt.

— Vous avez raison, j'aurais dû y être plus attentif. Je vous aurais bien réchauffée, mais je ne suis pas confiant à laisser la garde à un autre que moi, pas après toutes ces tentatives pour vous...

Il s'interrompt soudain, comme s'il prenait conscience d'avec qui il discute. Il se détourne et mon cerveau se met en surchauffe pour tenter d'analyser ce qu'il vient de me dire. La chaleur me monte aux joues. Euh... comment il m'aurait réchauffée ?

Je chasse l'image avant qu'elle ne s'installe dans mon cerveau et dévie ma propre pensée vers un sujet plus important.

— C'était des tentatives d'assassinat contre la princesse ? murmuré-je.

Son attention revient me prendre pour cible et je rentre instinctivement la tête entre les épaules. Son courroux est presque palpable, mais mon petit doigt me dit que je n'en suis pas la cause.

— Contre vous. Prenez l'habitude dès à présent. Au palais, on ne vous pardonnera pas ce genre d'impair.

— Désolée de ne pas être aussi emballée que toi à l'idée de me faire passer pour une autre, ronchonné-je en baissant les yeux sur mes pieds aux orteils contractés par le froid.

Décidemment, j'ai tendance à oublier que je ne suis absolument pas habillée pour la saison !

La main de Mysterio s'abat sur mon bras avec assez de force pour me faire tressaillir.

— Vous ne comprenez pas, Prin... Bay, siffle-t-il en se rapprochant si proche de mon visage que son casque paraît très intimidant, tout à coup. Personne n'aime les gens comme vous, ici ! S'ils apprennent que vous êtes la fausse princesse, ils...

J'écarquille les yeux, sentant le sang mugir de nouveau dans mes veines face à l'incertitude du chevalier. S'il joue la comédie, il est vraiment bon. Très, très bon.

— Les gens comme moi ? couiné-je.

— Ceux qui remplacent nos aimés, assène-t-il.

Je me détourne et me perd dans la contemplation de ces rafales de neige.

Une neige aussi fausse que je le suis.

Les flocons lumineux s'enroulent en spirale aérienne, portés par la brise. Leur valse est si vivante qu'ils ressemblent à des lucioles. Soudain, du coin de l'œil, j'accroche un brutal filament incandescent. Je le reconnais immédiatement, même si ça fait des années que je n'en ai pas vu en vrai.

Je trésaille du plus profond de mon être et me plaque d'instinct contre le chevalier ; protection la plus accessible en un instant. Je presse mes mains sur mes oreilles et enfouis mon visage dans son torse. Je l'aurais traversé pour y disparaître si j'avais pu.

Au lieu de quoi je me paralyse et oublie de respirer.

J'attends.

Les secondes rugissent dans mes tempes. Un chant de guerre. Un chant de peur.

Rien ne vient. L'attente se transforme en hésitation. Mon cœur ralentit sa folle course et mes poumons se rappellent qu'il faut fonctionner pour vivre.

Avec délicatesse, deux poids se posent sur mes épaules. Puis commencent à les masser.

Est-ce que Mysterio est en train de faire ce que je pense qu'il fait ?

— Ne vous mettez pas dans cet état, s'il vous plaît. Je ne souhaitais pas vous faire peur...

Brusquement, je prends conscience de mes actes et surtout de ma position. Je bondis en arrière en retenant un cri, les mains levées haut devant moi en signe d'excuse. Mouvement qui envoie valser la couverture de mon dos.

Mais j'ai chaud, mortellement chaud. Je pourrais me consumer sur place. J'aimerais me consumer sur place.

— Je n'ai pas... Je suis... pardon, balbutié-je sans savoir comment justifier ma réaction sans passer pour une enfant puérile.

Après réflexion, c'est peut-être ce que je suis...

Je tends la main vers le ciel limpide.

— J'ai vu un éclair. J'aime pas du tout ça.

La surprise du chevalier éclaire ses traits un instant avant qu'il ne cherche le fameux zigzag. Heureusement, il n'y en a plus. J'ai dû halluciner le premier. La fatigue sans doute. D'où le fait que je n'ai pas entendu le tonnerre après l'éclair. Ou qu'il n'y ait pas l'ombre d'un nuage dans le ciel. Un orage sans nuage, c'est possible ?

— Tu as dû voir un baiser béni.

— Un kôa ? coassé-je sous le coup de la gêne.

— L'éclair, me dit-il lentement. Ce devait être un baiser béni.

— Mais qu'est-ce que c'est que ça, encore ?

— Il est minuit passé, explique-t-il. C'est la première nuit du mois de l'Auroch, d'où toutes ses lumières que tu vois dans le ciel, qui marquent le changement de mois. Et l'éclair, c'est la preuve qu'un nourrisson vient de recevoir son Signe. Grace au baiser béni. C'est comme ça qu'on appelle les éclairs qui touchent nos enfants lors des cérémonies.

Je l'observe avec tant d'hébétude que mon expression doit forcément ressembler à celle d'une fille complètement bourrée. Ou d'une carpe fraîchement pêchée.

— Les enfants son frappés par des éclairs ? m'étranglé-je.

— Ce n'est techniquement pas un éclair.

— C'est pour ça que je n'ai pas entendu de grognem... AAH !

Un nouvel éclat lumineux vient de traverser l'étendue étoilée dans mon champ de vision. Je glapis et me projette à nouveau contre Mysterio.

Son corps est pris de soubresauts. Je réalise qu'il est entrain de rire seulement après avoir compris que je me suis caché en me servant de lui. Encore.

Je décolle prudemment les mains de mes oreilles, aux aguets, et parviens à me reculer en me rappelant qu'il n'y aura pas de tonnerre ensuite.

Mysterio me tapote le dos. Je m'éloigne davantage, confuse.

— Vous en avez vraiment peur, constate-t-il avec un ton de voix où darde l'amusement.

— Ce n'est pas drôle ! J'ai peur de l'orage. Chez moi, les éclairs sans orage, ça n'existe pas.

Ou peut-être que si ?

— Vous avez peur de beaucoup de choses.

Une réponse versatile me pique la langue, - pour lui faire remarquer, par exemple, que ce n'est pas lui qui a changé de monde - , mais je la retiens. On m'a bien éduqué. Un pincement vient taquiner mon cœur et une pensée s'envole pour ma mère. Beaucoup moins douloureuse que si j'étais dans mon monde. C'est si étrange : ici, c'est presque comme si... ma mère pouvait être encore en vie. De l'autre côté. Sa perte est moins douloureuse. Moins constante. Moins réelle...

— Et du coup, si les éclairs sont de faux éclair, cette neige, là, c'est quoi ? détourné-je en m'éclaircissant la gorge.

— Toujours à la mièjanuèit.

— À tes souhaits.

Il hausse un sourcil, et je me prend à penser qu'au vu des différences de nos mondes, les expressions inconnues doivent être monnaie courante. J'agite la main pour l'encourager à passer à autre chose tout en traduisant mon incompréhension. Ce serait trop long à expliquer.

— Je suis navré, je risque de mettre un peu de temps à me rappeler que vous ne parlez pas l'occitan, dit-il. C'est bien le premier détail auquel il faudra remédier en arrivant.

Hein ?! Genre, apprendre une langue ?

Je suis très mauvaise en langue. Et en apprentissage, en fait, de manière générale. Je m'apprête à le lui dire lorsqu'il se tourne pour pointer la lune du doigt :

— Mièjanuèit, c'est l'heure de minuit, quand la dernière nuit du mois cède sa place à la journée du mois suivant. À ce moment tombe la pluie des dieux, l'expression du passage des pouvoirs.

Il tend le bras pour cueillir une "goutte" blanche. Il tourne son casque vers moi et incline la tête.

— En ce moment, quiconque ayant reçu le baiser de l'Auroch voit ses pouvoirs multipliés, ainsi que pendant le reste du mois - même s'ils ne seront jamais aussi puissant que maintenant. Cameo, par exemple, pourrait guérir une plaie en un claquement de doigt alors qu'il lui aurait fallu probablement des heures pour en venir à bout il y a quelques heures. D'ailleurs, il est sans doute en ce moment même entrain de se faire un bain de pluie avant de retourner soigner nos blessés.

Mysterio se tourne vers la plus grosse tente du camp et je suis son regard. On dirait qu'ils en ont associés plusieurs pour l'obtenir.

— Regarde, murmure le chevalier.

Si l'entrée de leur infirmerie improvisée est invisible dans le noir et ne nous fait pas face, je remarque tout de même la silhouette d'un homme posté devant, de profil. Bras arqués, paumes vers le ciel, il a basculé la nuque pour offrir son visage aux rayons de la lune. Les flocons paraissent attirés vers lui. En si grande quantité que des tâches lumineuses apparaissent sur sa peau, ça et là. À tel point que durant un instant, c'est comme s'il s'illuminait de l'intérieur.

Puis il s'ébroue et disparaît sous le chapiteau de toiles.

J'en reste muette de stupéfaction.

— Ok, ma religion ne croit pas aux anges, mais après ce que je viens de voir, je pourrais changer d'avis.

— Et encore, tu n'as pas vu lorsqu'on est l'année du même dieu, répond Mysterio avec de la malice dans la voix.

Ses yeux me sourient et son masque me paraît presque plus... tendre ? Je cligne des yeux pour m'arracher à la contemplation de cet argenté. Les iris gris ne sont pas très courant dans mon monde, mais les siens ne pourraient même pas être catalogué de gris tant ils brillent d'une étincelle particulière. En fait, leurs yeux ont tous cette texture extraordinaire dont ceux de mon monde son dépourvu. Et les miens, donc.

— En fait, c'est comme les signes astrologiques chinois : chaque mois et chaque année correspond à un de vos dieux, réalisé-je.

— C'est tout à fait ça, mais ils ne sont pas chinois.

— Non, bien entendus. Est-ce que vous avez seulement des chinois ? pouffé-je.

— Bien entendu, fait-il avec surprise. Nous avons un Empire de Chine.

— Euh, d'accord, fais-je, préférant ne rien demander de plus.

La géopolitique de ce monde est le cadet de mes soucis.

— Du coup, l'Auroch, c'est le nom d'un de vos dieux ?

— Notre Déesse de la vie et de l'agriculture, pour être exact.

Soudain, tout mon sang déserte mon visage.

— Euh... et moi ?

— Et bien quoi, vous ?

— Je veux dire, elle ! Votre princesse ! Elle a un Signe ?

— Bien entendu.

Il n'ajoute rien. La frustration gronde sous mon crane et je refoule mon envie de le secouer comme un prunier.

— C'est quoi son pouvoir ? Comme je fais pour passer pour une princesse avec des pouvoirs que je n'ai pas ?!

Le chevalier se gratte le cou d'un geste empreint de maladresse, et j'ai de la peine pour lui en me disant qu'il ne peut pas toucher son visage. D'ailleurs, pourquoi est-ce qu'il garde son casque en permanence ? J'imagine que ça doit être désagréable, sans compter qu'il n'a même pas de trou pour la bouche ! Comment il se nourrit ?

— Oui, j'admets que c'est une problématique qui risque de nous poser quelques ennuis...

— Quelques ennuis ?! m'étranglé-je. C'est quoi son pouvoir ?

Cette fois, il passe sa main jusque derrière sa nuque et la masse machinalement pour prendre une seconde de réflexion.

— Elle porte... portait le Signe de la Chasseresse.

— Mais encore ? l'incité-je à poursuivre en voyant qu'il n'ajoute rien.

— La Chasseresse atteint toujours sa cible. Elle a... le don d'avoir beaucoup de chance, dira-t-on. En général, ceux qui ont reçu son baiser réussissent tout ce qu'ils entreprennent. La Chasseresse est la déesse de la prospérité et de la famille.

J'ouvre la bouche et prend une inspiration avant de la relâcher lentement. Mon cerveau emmagasine l'information et en tire une conclusion qui m'arrache un sourire. Puis un éclat de rire.

— La chance ?

— C'est ça...

— La princesse, morte par empoisonnement, avait le pouvoir de...

Je ne termine pas ma phrase, prise par un ricanement compulsif. Oh mon dieu, ça recommence.

Je me bidonne si fort que mes joues me font mal, puis mes organes.

— Princessa, s'il vous plaît, gronde Mysterio.

— Pard... on... c'est ner... veux, hoqueté-je en essuyant les larmes qui perlent à mes yeux.

Car ce n'est pas drôle. Rien n'est drôle. On parle de la mort d'une personne, d'une personne qu'il a connue. Quelqu'un pour qui je dois maintenant me faire passer, sans avoir les codes, les mimiques, et encore moins le POUVOIR. Je suis tête en l'air, mauvaise en math, pas dégourdie de mes dix doigts, pour ne pas dire maladroite. La seule chose dans laquelle j'ai un peu de talent, c'est la danse.

Ah, c'est sûr qu'avec de telles compétences, je vais faire une princesse de tuerie ! C'est peu de le dire. Je ne me donne pas une semaine pour survivre.

— Bay... fait Mysterio d'un ton implorant. S'il vous plaît, respirez profondément, tout va bien se passer...

Mais je ne l'entends pas. Je ne le vois pas non plus parce que ce sont des torrents de larmes dorénavant qui dévalent mes joues, et des gémissements qui s'extraient de ma bouche. Mon corps entier est sous tension et douloureux.

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