♱Chapitre 1♱

Update : J'ai eu une erreur en copiant collant et je vous ai mis un chapitre qui arrive bien plus tard, donc rien à voir avec le chapitre 1 ! XD Voilà le bon chapitre, ce sera plus clair pour un démarrage haha ^^' Désolée :) 

♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛♚ ♛

— ... la femme aurait ensuite agressé les agents qui cherchaient à l'interpeler en proférant des propos jugés délirants. Par la suite, elle a été placée en cellule psychiatrique en attendant que...

Mon père éteint la radio en poussant un long soupir. Je le comprends, on s'en mange à toute les sauces de cette histoire depuis la veille. Une folle qui serait apparue de nulle part, prétendant être une impératrice de je ne sais où et dont l'identité reste pour le moment inconnue. Elle aurait assassiné deux personnes et pour l'instant, personnes n'a d'explication la concernant. Une histoire qui nous passe au-dessus de la tête. Surtout en ce moment.

Mon père gare la voiture le long du trottoir, juste devant le temple. Il lève le frein à main d'un geste empreint de lenteur avant de se tourner vers moi, l'air fatigué. Mon père n'est pas très vieux, mais depuis la mort de maman, il semble avoir pris vingt ans, malgré ses traits asiatiques qui l'ont toujours rajeuni. Ses cheveux gris ont triplés en l'espace de quelques mois.

— Tu es sûre que tu ne veux pas que je reste ? dit-il avec tendresse.

Je hoche la tête.

— Je crois que je vais y rester un moment. Je t'appelle si j'ai besoin, mais je pense rentrer à pied.

C'est à son tour d'opiner. Son air malheureux me fait de la peine. Mais ce n'est qu'une couche supplémentaire de peine sur un cœur déjà réduit en bouilli.

Je claque la portière avec douceur, par respect pour l'état d'esprit dans lequel j'entre avant d'approcher du temple bouddhiste. Je souris maladroitement à mon père et lui fais un signe de main pour l'encourager à s'éloigner, puis je lui tourne le dos pour grimper les escaliers menant à l'architecture, mon sac d'école sur l'épaule. Avant, je parvenais toujours à savourer la décoration végétale installée devant le bâtiment pour en rehausser son architecture inélégante. Maintenant, c'est à peine si je lui accorde un regard.

Comme souvent à cette heure-ci, je ne croise pas beaucoup de pratiquant, seulement Lama Judith Gabriel que je salue sans m'arrêter, et qui ne cherche pas plus à me retenir. Notre relation est devenue essentiellement cordiale depuis qu'elle a voulu utiliser l'enseignement des Quatre Nobles Vérités* pour m'aider dans cette « mauvaise passe », comme elle s'est plu à l'appeler.

Après tout, c'est plutôt une bonne chose qu'on en soit à s'ignorer : Ça me permet de prier en toute tranquillité devant l'autel.

La pièce de culte est assez large pour accueillir plusieurs coussins au sol, et la large porte-fenêtre sur une partie du mur de droite offre une belle luminosité d'où on peut apercevoir un morceau du petit jardin japonais. Lorsqu'il fait beau, comme aujourd'hui, la fenêtre est ouverte et l'air frais – presque froid – circule dans la pièce, évacuant une partie de l'encens piqué dans les multiples bols de l'autel.

Je m'installe.

J'ignore combien de temps je reste ici, dans cette pièce, à écouter le silence et le frottement des feuilles agitées par le vent. Je ne prie pas vraiment, me contentant de vider mon esprit, de rechercher cette paix intérieure que ma mère s'est tant débattu à m'enseigner. Mais en son absence, aucune sérénité ne parvient à m'atteindre. Parfois, je me demande même si je ne l'ai jamais ressenti. Il n'y a plus que cette douleur, à la fois si diffuse et si ciblée. Un trou noir qui se nourrit de mes organes et de mes émotions, ne laissant qu'un cœur affolé la plupart du temps et un estomac devenu fragile.

Quand j'essaie de ne pas penser à ma mère pour faire cesser ce cercle infernal, je culpabilise, et la peur d'oublier un jour son visage en fermant les yeux me force aussitôt à l'invoquer dans mon esprit.

Je suffoque à chaque pensée. Et quand j'ai le sentiment de me sentir presque paisible, je panique : l'instant d'après, je sombre dans ce tourbillon. Quand on me demande si je vais « bien », je ne réponds même plus. Les gens veulent un mensonge. Espèrent que j'acquiesce en les soulageant d'avoir à chercher les mots pour me soulager. La vérité ? Rien ne semble pouvoir me soulager. Combien de fois on m'a dit « tu verras, le temps sera ton amie, un jour ça ira mieux ».

Et c'est quand, ce jour ? Parce que pour l'instant, chaque nouvelle aurore me noie davantage dans mon tourment. Parce que je réalise que c'est fini.

Elle. Ne reviendra.

Jamais.

C'est un fait. Une vérité immuable.

Mon père subit cette perte autant que moi. Je crois qu'on est à la fois incapable de se soutenir et de s'abandonner. On reste des fois des heures dans la même pièce, à ne rien dire, ne pas se toucher. On partage une tristesse qu'on ne parvient pas à partager. Maman aurait été tellement désolée de nous voir ainsi. Elle aurait aimé que son départ nous rapproche, je suppose... mais sans elle, c'est comme si nous avions perdu notre lien familial.

Un sanglot s'arrache de ma gorge.

Je le ravale aussitôt, par reflexe. Je n'ai de toute façon plus assez de larmes pour extérioriser ma peine.

Je tourne la tête vers la fenêtre et aperçois Poke qui m'observe. Tiens, ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu.

Poke est apparu à la mort de maman. Je suis la seule à le voir. Je me plais à penser que c'est la réincarnation de maman. En vérité, je sais qu'il n'est qu'illusion, un être sorti tout droit de mon imaginaire. Je rêvais de lui quand j'étais petite. Aujourd'hui, il semble être bien là, mais je ne peux pas le toucher. Quand je m'approche, il s'éloigne. Il ne fait pas de bruit, il m'observe juste, telle une ombre. En parlant d'ombre, il n'en a pas. Détail qui me conforte dans le fait que je dois juste devenir à moitié dingue : un genre de félin avec des allures de pokémon – d'où son prénom – sans ombre, ça doit forcément venir de mon imagination.

Après quelques secondes à se regarder dans le blanc des yeux, je retourne à ma méditation ratée. Le chagrin finit par me submerger et je n'arrive plus à penser à autre chose que l'absence de ma mère.

À comment je vais pouvoir passer mon bac, mon adolescence, mes premières fois, sans pouvoir les partager avec elle. Pour une fille solitaire comme moi, elle remplissait le rôle d'amie et de sœur. Si elle n'est pas là... qui me soutiendra quand j'en aurais besoin ? Mon père a beaucoup de qualité, mais il n'est pas elle...

— Pourquoi ça m'arrive à moi ? fais-je à la statue de Sakyamuri. Je voudrais tellement avoir une autre vie...

Un nouveau hoquet me saisit. Je ferme les yeux si fort en ravalant mes larmes qu'elles pourraient se souder l'une à l'autre. Ah, si seulement je pouvais réapparaître dans une réalité où ma mère serait toujours là !

Je pourrais ...

Un contact léger, telle une plume, me touche le coude. Surprise, je baisse les yeux. Poké est là, assis à mon côté.

— Qu'est-ce que...

Un vertige me secoue. Je cligne des paupières, puis les ferme, étonnée par une luminosité bien plus violente que celle de la pièce. Le sol est dur sous mes genoux, inégal, désagréable. Pas comme le coussin sur lequel je me suis installée.

Je rouvre les yeux. Poké est toujours là. Mais je ne suis plus à l'intérieur, je suis dehors.

Dehors ?!

Dans un sursaut de conscience, je lève la tête. Une étendue d'herbe m'entoure. Une pelouse grasse, ondulant sous une brise douce. Sous moi, il n'y a plus de coussin, mais une route en terre battue. Le soleil est haut au-dessus de ma tête.

Bon sang, c'est quoi ce délire ? Ça y est, j'ai officiellement perdu la tête ?!

Un bruit étrange attire mon attention sur ma droite, là où Poké est sagement installé. Avec ses grands yeux et ses oreilles aussi longues que celle d'un âne, il a des allures de fennec. Un fennec avec un pelage bicolore d'une parfaite symétrie : un côté argenté, un autre noir comme une nuit sans lune, ponctué de point blanc qui pourraient être une constellation.

Je tends la main vers lui. Poké vient y loger son museau triangulaire et émet un son proche du ronronnement d'un chat.

— Ok. Je rêve. J'ai dû m'évanouir. Merveilleux.

Pas comme si c'était une première. Ces derniers mois, j'ai perdu tant de kilo à ne rien pouvoir avaler que j'ai eu plusieurs malaises. Rien d'alarmant, ça ne dure jamais longtemps. Je vais bientôt me réveiller et...

Mon regard accroche une silhouette épatée à la frontière de l'horizon. Je plisse les yeux mais suis incapable de distinguer de quoi il s'agit. Maladroitement, je me hisse sur mes jambes en anticipant une sensation d'absence de muscle, de légèreté. Quelque chose qui prouve que je ne suis pas dans la réalité. Pourtant, mes jambes protestent sous mon poids, bien présent.

Deuxième point choquant : la plante de mes pieds nus se retrouvent en contact direct avec les gravillons et irrégularités de la route. Mon cœur s'emballe aussitôt à cette constatation. Je déglutis. Puis me pince le bras, tellement fort que je me fais mal. L'étrangeté de la situation me tétanise une seconde. J'ai enlevé mes chaussures pour prier, évidemment. Mon cerveau se rappelle juste de ce détail. Pour ce qui est de la douleur... et bien, les rêves paraissent plus vrais que nature, non ? Après tout, quand on rêve de chuter d'un immeuble, on pense sincèrement qu'on va mourir...

— Tout va bien, dis-je à Poké. J'ai un subconscient de compétition.

Mais le malaise est là, petite écharde insistante dans un coin de ma conscience. Le doute, vicieux, avec ses grandes dents, cherche à faire chavirer ma certitude. Celle que rien n'est réelle.

Ok.

Pas de panique.

Je m'allonge par terre et ferme les yeux.

Quand je les rouvrirais, je serais de retour au temple. Je ne suis pas vraiment là. Les cailloux ne sont pas entrain de me rentrer dans le dos, ni dans le crâne.

Je suis au temple, je suis au temple, je suis...

Je rouvre les yeux d'un coup. Au-dessus de mon visage, Poké me dévisage. Je jurerai que c'est un sourire qu'il me fait, avec ses yeux plissés et la commissure de ses babines réhaussées.

Je me redresse avec une certaine brusquerie.

Tout autour de moi, la même campagne semble scintiller tel un mirage.

Verdict ? Je dois être morte, je ne vois pas d'autre explication.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top