Les personnages
A la question : "Comment on fait pour avoir de bons personnages ? "
Je réponds, en les construisant comme les auteurs à succès. De ce point de vue, je loue un culte presque sans bornes aux auteurs de manga japonais.
Quand nous éprouvons des difficultés à construire deux ou trois personnages avec un peu d'épaisseur, eux en proposent des dizaines qui fonctionnent bien, alors que la plupart sont des monstres, des créatures imaginaires, des opposants ou même des animaux et des peluches. Et ça marche, on y croit ! Cela m'a toujours fait halluciner. Mais, bien sûr il y a des trucs. Je vais essayer d'en lister quelques uns. (Amis mangavores, n'hésitez pas à compléter mes propos dans les commentaires.)
* Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas, mais cela se différencie !
Si vous avez trois personnages masculins musclés comme des athlètes, blonds aux yeux bleus et aux cheveux raides, non seulement ce sont des clichés, mais de surcroît, vos lecteurs les confondront sans cesse. De plus, pour le "transfert" du lecteur, ce n'est pas idéal.
Mais ce critère n'est pas le plus essentiel, car, à l'écrit, vos lecteurs ne voient pas vos personnages, ils les "lisent". Aussi, pour les différencier, faut-il penser à réaliser des descriptions qui les distinguent, mais l'essentiel n'est pas là. Il faut leur donner une "épaisseur" afin de les rendre crédibles.
Pour une description physique optimale, si vous n'avez pas l'habitude de construire des personnages, choisissez trois hommes de votre entourage proche (frère, père, oncles, cousins, profs, copains, partenaires de club...) ; choisissez-les très différents et notez leurs caractéristiques distinctives. Vous pouvez le faire en notant tout ce qui vous passe par la tête avant de construire une fiche ou un tableau récapitulatif. Il faut penser à leurs caractéristiques physiques, techniques, leurs signes distinctifs, leur caractère, leurs qualités et défauts, leurs habitudes, les marques de la vie, et ce qui les a forgés, leurs métiers, leurs activités, leurs passions, leurs relations, leur philosophie de vie, leur milieu socio-culturel initial. Je vous donne un exemple.
Faites la description de votre proche au fil de l'eau.
Mon père est brun, aux cheveux courts, raides, pas très bien coiffés, il a la tête petite, ovale, un coup long, le nez cassé, des oreilles plutôt grandes (en rapport avec sa capacité d'écoute, sans doute) tout le temps un rhume (lié à son asthme), il n'a pas d'odorat. Il est rasé de près, a des cheveux blancs. Il pèse 51 kilos pour 1 mètre 72, parait fin comme un haricot vert, me fait penser à un roseau (qui plie mais ne rompt pas cf, Les lettres de mon moulin). Sa musculature totale, en rapport avec son physique est impressionnante (il l'a acquise en retapant seul toute sa maison de 170 m2, en partant des fondations). Son ossature est fine et solide, comme celle des oiseaux. Il ne va jamais au conflit, mais est capable de partir dans des colères cycloniques. Il est plutôt réservé, peu démonstratif, ébranlé par des traîtrises subies au sein de ses relations avec les femmes. Il est fidèle, en amour comme en amitié. Il a du mal a délimiter son espace et se le fait "bouffer" par ses proches qui peuvent se permettre de l'envoyer balader violemment sans beaucoup de réactions de sa part (il canalise leurs émotions négatives, involontairement). Fin psychologue, son métier est éducateur psy, après plusieurs autres dont deux en usine, dont un chez mon grand-père. Il a presque la soixantaine. Ses loisirs sont la recherche de vestiges préhistoriques et gallo romains dans les champs, une vie associative avec des copains qui ont la même passion, retaper sa maison, la sculpture, le modelage, le dessin, les vide greniers (il a un passé d'antiquaire sur les marchés - période durant laquelle il a rencontré ma mère), un passé de motard (d'où son éternelle veste en cuir, des enterrement de copains dès 17/18 ans et une expérience de mort imminente). Ses discutions de prédilections tourneront autour de l'évolution de l'environnement vers une exploitation raisonnée de celui-ci, l'éducation de ses trois enfants les plus jeunes et les difficultés durables de l'aîné - enfants, trois d'âge scolaire, deux adultes ; une culture politique et syndicale ; son métier qu'il souhaite quitter tout en sachant qu'il est trop âgé pour se former de nouveau ; les rapports familiaux ; sa vie passée ; la préhistoire, l'histoire des inventions et des techniques ; la retraite ; la vie après la mort. De caractère, il est positif, un peu naïf, attachant, effacé, sociable, plein d'humour. Il n'exprime pas facilement ses sentiments, se plaint souvent, est rêveur, poète, attentif aux autres, à l'écoute. Il a l'habitude de prendre un café en jouant à des jeux de grattage une ou deux fois par mois. Il aime manger des mille feuilles en boulangerie. Il déteste être en maillot de bain et se baigner (il a froid). Il a l'habitude de marcher très droit les mains derrière le dos. Il aime partir des heures seul dans les champs. Il n'est pas dépensier. La richesse matérielle ne l'intéresse pas beaucoup. Il a eu trois voitures au cours de sa vie, dont un utilitaire Renault express qu'il a gardé plus de 20 ans. Précisez enfin les signes distinctif : poils, cicatrices, tatouages, type de vêtements, de chaussures (confortables dans son cas).
Vous sentez bien que lorsque je construirai une histoire avec le personnage associé à ce portrait, il y aura une "épaisseur" qui fera que le récit "fonctionnera" mieux. Parce que, en raison de son profil, si je le fais rencontrer Sylvain, un de mes amis, au profil rasta, mince, les cheveux blonds, les yeux bruns, tâches de rousseur partout, peau basanée, front haut, plat, dégagé, engagé sur le plan associatif, ils auront des choses à se dire et je peux facilement imaginer leurs échanges...
Mais l'idéal, pour construire les tensions du récit, c'est de lui faire rencontrer Jules, petit, brun aux yeux bruns, gendarme, homosexuel, aux idées arrêtées, qui pense que les soixante-huitads et les grévistes sont des tire-au-flan, les étrangers, des sensues, les femmes, des bonnes à tout faire et qui est violent dès qu'il a bu. Imaginons une situation dans laquelle ils puissent se rencontrer : le mariage de mon frère et l'échange au bout de deux verres, puis de six.
Voyez-vous ce que je veux dire ?
Attention à repérer les paradoxes des personnages que vous choisissez. C'est eux qui dynamiseront votre personnage en le faisant avancer ou reculer face à des situations clé déterminant leurs actions et leur évolution.
C'est le personnage protecteur, au sens de l'honneur infaillible qui va manquer à sa parole pour sortir un de ses proches d'une situation intenable.
C'est l'enfant doux et sensible qui, devenu le souffre douleur de son collège, après des mois de brimade, tandis qu'il se fait bizuter pour la dixième fois de la semaine, va envoyer trois de ses agresseurs à l'hôpital, l'un d'eux présentant ensuite un handicap à vie...
Etc.
Les paradoxes qui fonctionnent le mieux sont ceux qui sont issus des qualités intrinsèques de la personne.
Vous pouvez étudier les paradoxes qui fonctionnent auprès des séries américaines et des mangas. C'est un des plus grands ressort de construction du récit, mais j'y reviendrai.
Je vous invite à lister, dans les commentaires, chacun un ou deux paradoxes qui vous font apprécier un personnage.
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Les moteurs de l'écriture, demain.
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