Le Gardien

Une inspiration.

Juste une suffit pour quil se réveille enfin.

Il ouvrit ses yeux lentement. Il sut qu'il était vivant, mais ignorait combien de temps il avait dormi.

Il se mordit la lèvre.

Et si des dizaines d'années s'étaient écoulées depuis son sommeil ?

Il referma les paupières par crainte du paysage qu'il s'apprêtait à voir. Il se prépara mentalement à y voir des changements.

Que faire si personne ne le reconnaissait ?

Il expira l'air qu'il avait emmagasiné sans s'en rendre compte. Les racines dans lesquelles, il était enfermé le libéraient doucement. Il était temps, maintenant.

Il ne pouvait plus attendre.

La lumière du jour transperça ses yeux restés clos. Il se redressa prudemment et observa son entourage.

Son apprenti, Twig, le regardait d'un air concentré et sérieux. Il lui fit un léger signe de la main pour le saluer. L'enfant se leva brusquement, un grand sourire aux lèvres et disparu entre les arbres.

Le jeune homme soupira de soulagement. Il ne devait pas avoir dormi si longtemps que cela !

Ardalôn se releva. Ses membres semblaient avoir retrouvé toute leur force. De l'air pur emplit ses narines. Sa blessure n'était plus.

Il avança, confiant, pieds nus, sur l'herbe fraichement coupé de sa planète bien aimée, Hauméa.

Soudain, une douleur fulgurante lui déchira le cœur. Il agrippa son buste de sa paume ouverte avec une grimace.

Il sentit un vide s'emparer de lui. Il sut à l'instant même qu'un des leurs avait péri.

L'équilibre a été rompu.

Il devait absolument se rendre jusqu'à l'Arbre, son protecteur.

Ardalôn courut aussi vite qu'il le pu. Les villageois lui offrirent de grands signes et des regards joyeux, mais il n'avait pas le temps de s'arrêter pour les enlacer.

Il devait savoir.

Il arriva, tout essoufflé, devant l'immense tronc. Une jeune fille était en train d'offrir une fleur de fertilité à leur maître. Ses mains gracieuses étaient recouvertes de terre. Elle se retourna à l'approche d'Ardalôn.

Wilryne.

Le gardien fronça les sourcils. Si elle plantait cette fleur, c'est que son partenaire était vivant.

Elle ouvrit de grands yeux tandis qu'elle reconnaissait son ami et se jeta dans ses bras. Le jeune homme n'eut que le choix de refermer ses bras sur elle dans une étreinte ferme.

Il ne pouvait penser qu'à une terrible vérité. Si Austin était en vie, cela ne pouvait signifier qu'une seule chose.

Orest.

Orest n'était plus de ce monde.

— Ardalôn. Ardalôn ?

L'appel de son nom lui fit reprendre ses esprits. Il se détacha, à regret, de la jeune fille.

— Comment te sens-tu ? demanda-t-elle, le regard soucieux.

Il était encore sous le choc. Il essaya de répondre à sa question mais en fût incapable. Dans ses pensées, le visage du gardien apparaissait nettement.

Une couronne d'épines, un visage fermé, un regard taciturne.

Il cligna plusieurs fois des yeux et repris Wilryne dans ses bras. Il l'entendait renifler et raffermit son étreinte à nouveau.

Il se détacha au prix de gros efforts. Il devait comprendre.

Il n'avait plus le choix, il devait faire face à la perte de son frère gardien.

— Que s'est-il passé ? demanda-t-il d'une voix faible.

Wilryne garda le silence pendant quelques secondes. Puis elle lui prit, tendrement, la main et le guida vers l'Arbre.

Ils montèrent les escaliers creusés dans le tronc ensemble pour arriver jusqu'au premier palier. Austin et Twig semblaient partager une discussion animée. Ils se retournèrent lorsque Wilryne et Ardalôn les rejoignirent.

Le grand jeune homme blond s'empressa d'enlacer amicalement Ardalôn. Ce dernier ne pouvait esquisser aucun geste tant il était perturbé. Voir son autre frère gardien, rendait la perte d'Orest bien plus réelle.

— Bienvenue à la maison, Ardalôn.

— Que s'est-il passé ? répéta-t-il comme un automate.

— Orest à protégé l'Arbre comme la princesse Eris le lui avait demandé. Grâce à lui, Hauméa a pu renaître de ses cendres.

Austin avait volontairement expliqué de manières succinctes les évènements. Sans doute pour qu'Ardalôn puisse digérer les récents évènements. Mais au lieu de l'apaiser, ses explications attisèrent sa volonté d'en savoir plus. Des questions lui venaient en tête par dizaines. Il avait besoin qu'on lui explique tout. Il avait, cependant, découvert une chose. Cette découverte lui fit serrer les poings de colère.

— Aegnor, articula-t-il.

— Tu étais blessé quand tu es revenu. Je vois que l'Arbre à pris soin de toi. C'est un soulagement, déclara son ami.

Austin avait toujours été celui qui se souciait des autres. Son regard était bienveillant, ses actions motivées par l'intérêt sincère. Il était si différent d'Orest. Pourtant, chacun avait un rôle à jouer dans l'harmonie de l'Arbre, dans la famille qu'ils étaient devenus.

— Combien de temps ? interrogea Ardalôn.

Austin n'avait pas besoin de précision, il savait ce que son ami demandait.

— Trois mois.

Ardalôn soupira. Ce n'était pas si terrible que cela. Seulement, il ne se souvenait même plus pourquoi il avait été remis entre les racines du maître. Savoir qu'un de ses frères avait perdu la vie à la suite des attaques du roi cruel lui donnait la nausée. De mauvais souvenirs refirent surface dans le flot tumultueux de ses pensées. Il ne put se retenir plus longtemps et vomi de la bile sur le sol immaculé du palier du tronc de l'Arbre.

Austin l'aida gentiment à se redresser tandis que Wilryne caressait son dos d'un mouvement lent et régulier. Il chassa ses souvenirs pour revenir au présent.

— Expliquez-moi, arriva-t-il à prononcer malgré le goût acide qui restait dans sa bouche.

Twig savança presque timidement vers lui.

— La princesse Elwing est revenu de sa quête sur Larn et a réussi à délivrer le prince de feu, mais Aegnor a deviné que nous l'avions caché. Il est venu pour la chercher, mais comme il n'a rien trouvé, il nous a attaqué sous un accès de colère.

Ardalôn serra les dents alors qu'une vague de haine se déchaina dans son cœur.

Il se rappelait maintenant.

Il était parti avec Elwing pour l'aider à libérer Daerôn de l'emprise d'Arwen. Il y avait eu un affrontement et le prince des ombres l'avait gravement blessé. Sans compter la vilaine morsure de ces ignobles lézards qu'il arborait à son avant-bras.

Il approcha son bras à hauteur de ses yeux. Désormais, sa peau était lisse et claire.

Il soupira.

Il avait toujours su que cela arriverait. Il avait commencé à former Twig dans la crainte qu'Aegnor ne recommence à s'en prendre à eux.

Cela ne l'empêcha pas de regretter sa décision. Qu'avait-il gagné à s'immiscer dans cette guerre silencieuse ?

Il avait perdu un frère, Twig avait grandi trop vite, et Elwing était loin.

Il se souvint avoir parlé à la princesse en songe. Inti aussi avait bien joué son rôle. A présent qu'il avait égaré sa petite brindille, son dernier lien avec sa famille de sang s'évanouissait.

Il ne savait pas quoi faire.

La guerre avait-elle fini par éclaté ? Sa mémoire lui faisait défaut.

Devait-il rejoindre Elwing ? Il ne savait même pas où elle se trouvait.

Il se prit la tête entre les mains. Ses souvenirs l'assaillirent de plein fouet.

Pourquoi avait-il la désagréable impression que l'histoire se répétait ?

« Chaque inspiration que tu prends est une ode à l'espoir.
Chaque cicatrice est une marque indélébile de ton histoire. »

Sa mère lui répétait souvent ces mots alors qu'il n'était qu'un enfant. Elle lui rappelait combien ils étaient heureux, elle et son père d'avoir attendu si longtemps avant de le recevoir. L'attente en valait la peine lui disaient-ils.

Pourtant, Ardalôn avait toujours grandi avec le sentiment d'être un imposteur qui ne mérite rien. En effet, ils étaient trois à naître dans son cocon. Des triplés... C'était du jamais vu.

Seulement, son frère était mort dès l'ouverture du cocon, et sa sœur était fragile. Les villageois avaient répandu la rumeur comme quoi Ardalôn avait absorbé toute leur énergie. Et qu'il avait, d'une certaine façon, tué son propre frère avant qu'il ne vienne au monde.

Ses parents lui répétaient de ne pas les écouter. Pourtant ces quelques paroles avaient fini par trouver leur chemin jusque dans l'esprit et le cœur d'Ardalôn.

Pour cette raison, il se sentait différent, et avait alors grandi avec le sentiment qu'il devait prouver sa valeur.

Il se souvient de ses moments chers à son cœur, où lui et sa sœur semblaient s'unir contre le monde. Il s'était toujours promis de la protéger quoi qu'il arrive. S'il lui avait volé son énergie, il serait son gardien, son protecteur. Rien ne pourrait jamais l'atteindre. C'était ce qu'il pensait... Jusqu'à ce qu'Aegnor débarque.

Il se souvenait de ce jour comme si c'était hier.

L'aube avait mouillé toute la verdure du village, ce matin-là. En se réveillant, il avait entendu les enfants jouer dans l'herbe. C'était toujours excitant de se lever aux aurores pour essayer d'attraper les gouttes de rosée dans ses mains. C'était le jeu préféré de Ninielle, sa sur. Elle sortait toujours dehors avant la levée de Titan. Lui, était plutôt l'ami du crépuscule, il aimait attendre que la nuit s'installe doucement. Et puis, il était toujours un peu de mauvaise humeur la matin...

Ses parents s'étaient rendus à l'Arbre de bonne heure. En l'absence de grand-mère Mitsbey, c'était leur rôle de s'entretenir avec les Gardiens, pour savoir s'ils pouvaient se rendre utile. C'était également eux qu'on venait voir si on avait un litige avec un autre villageois. Mais cette situation était très rare puisque les Hauméas arrivaient presque toujours à résoudre leurs conflits entres eux. L'harmonie et la paix ont toujours été des valeurs chères à leurs âmes.

Lorsqu'il était sorti de leur cabane, il s'était rendu compte que quelque chose n'allait pas. Où étaient les adultes ?

« Il était une fois deux fleurs qui avait poussé à la même saison. L'une était une très belle rose. Elle était si fière de sa beauté qu'elle comptait sans arrêt ses épines pour dissuader les hommes de la cueillir. A ses côtés avait poussé une bardane. Les deux plantes ne sortaient pas souvent de terre. L'une était superbe et l'autre plus commune. Elles étaient toutes les deux rares. Mais la rose était prête à piquer son entourage pour garder sa beauté, alors que la bardane utilisait ses épines pour protéger son fruit. Sais-tu pourquoi, mon garçon ? » avait demandé sa grand-mère.

« Parce qu'elle voulait le garder pour elle ? » répondit le petit Ardalôn

« Oh non... Son fruit procurait de nombreux bienfaits. Il permettait de guérir des maladies et de soulager les douleurs ».

« Pourquoi tu me racontes ça, grand-mère ? » avait demandé l'enfant.

« Pour que tu comprennes ta valeur. Tu es rejeté parce que tu es différent et que ton pouvoir est rare. Mais n'utilise pas tes épines pour te venger ou te vanter, utilise-les plutôt pour protéger ce que tu as de plus précieux. Ce don que tu as, tu ne l'as pas volé, mon enfant, tu l'as reçu pour une bonne raison. Grâce à lui tu peux aider les autres ».

Sa grand-mère faisait toujours preuve d'une grande sagesse. Recevoir un de ses conseils était considéré comme un trésor à garder dans son cœur.

Lorsque Ardalôn s'aperçut que les enfants étaient seuls, il comprit qu'un danger planait au-dessus d'eux et que les parents les avaient laissés dans le village pour les éloigner des menaces. Une seule pensée parvint à se frayer un chemin dans le tumulte de son esprit.

Je suis une bardane.

Il décida alors de rassembler les autres enfants au centre du village. Ils commençaient à s'inquiéter de l'absence de leurs familles. Certains pleuraient déjà. Ils entendirent un bruit sourd comme un claquement dans le ciel. C'était un bruit effrayant comme si quelqu'un avait décidé de déchirer les nuages. Ardalôn leur ordonna de se coucher à terre. Là, il plongea ses mains dans la terre mouillée. De grandes racines épaisses et solides sortirent de terre pour former un abri autour d'eux. Les enfants commencèrent à se calmer. Ils respiraient calmement dans le silence de leur abri. Ardalôn s'efforçait d'être courageux et de ne pas avoir peur. Il ne comptait pas les épines, mais combien d'enfants il avait réussi à mettre dans ce petit cocon protecteur.

Ses yeux cherchaient sa soeur. Il réalisa alors que Ninielle ne se trouvait pas parmi eux.

— Didi !

La voix de sa sœur résonna au dehors. Elle criait et pleurait en même temps. Ardalôn sortit précipitamment du cocon de racines.

— Nini ! hurla-t-il à bout de souffle.

Un homme grand et vêtu tout de noir l'avait prise par le bras et l'emmenait au loin. Ardalôn s'en approcha le plus discrètement possible. Il se cacha derrière une infinité d'arbres pour éviter de se faire repérer lors de leur lente marche. Ils arrivèrent enfin dans une sombre forêt.

Il y avait beaucoup d'adultes au sol, immobiles. Ardalôn ne préféra pas bouger. Il resta caché derrière un buisson de nanabas. D'autres hommes habillés de noir se tenaient devant les autres adultes restés debout. Ils étaient en train de les attacher au tronc des arbres.

Que se passait-il ? Où étaient ses parents ?!

L'homme en noir attacha sa sœur à un tronc. Puis comme les autres, il brandit une flamme au creux de sa paume. Ardalôn ferma les yeux, mais il entendait le bruit des flammes qui crépitent lorsqu'elles s'apprêtent à dévorer la végétation. Les hurlements finirent par percer ses tympans. Il se boucha les oreilles tandis qu'il jetait un œil derrière son buisson.

Ninielle était en train de crier, jusqu'à ce que son regard le trouve. Elle lui adressa un petit sourire vainqueur comme lorsqu'ils jouaient à cache-cache et qu'il l'avait découverte après le temps imparti. Elle se pinça les lèvres alors que des larmes vinrent trempés ses joues. Ninielle chuchota le nom d'Ardalôn plusieurs fois comme une prière, puis son regard se fit plus doux.

Ardalôn ne supporta plus d'entendre les cris des adultes. Il ne voyait pas comment il pouvait aider sa sœur. Elle allait mourir et lui ne pouvait rien faire. Le petit garçon ne trouva que la fuite pour se libérer de cette souffrance soudaine et pénible.

Il courut jusqu'à en perdre haleine. Il trouva refuge quelques instants dans un taillis où il avait vue sur l'Arbre majestueux. Ses branches étaient noircies de cendres. Il n'avait plus cet aspect victorieux qu'il lui avait toujours connu. Ses parents étaient introuvables. Il serra les poings et une fois qu'il retrouva son souffle, décida de courir encore plus loin, jusqu'à ce que les cris disparaissent, jusqu'à ce que cette odeur désagréable s'évanouisse.

Au bout d'une heure, il s'écroula au sol. Sa vision était devenue floue et il s'était pris les pieds dans l'herbe haute qui l'entourait. Il s'agenouilla au sol et laissa les sanglots qu'il gardait emprisonnés au fond de sa gorge, emplirent la petite clairière dans laquelle il se trouvait. Il pleura pendant des heures, il ne pouvait plus s'arrêter. Il avait beau fermer les yeux, il revoyait le visage de Ninielle qui murmurait son nom. Il n'avait rien pu faire pour elle

Les pleurs firent place aux gémissements. Il était épuisé. Il finit par s'endormir dans les hautes herbes.

Le lendemain, le silence le réveilla. Il toussa pendant plusieurs minutes. Il y avait un tas de cendres qui volait dans les airs. Il s'assit à même le sol pour reprendre ses esprits. Pleurer ne servait à rien. Cela ne ramènerait pas sa sœur. Il serra les poings pour se donner du courage, puis il se releva lentement tandis que ses genoux tremblaient. Il essuya ses yeux gonflés.

Il retira sa main, surpris. Une petite branche avait poussé et s'était enroulé autour de son poignet. Elle gigota quelques instants et se déroula pour se trouver à la verticale sur le dos de sa main. Ardalôn secoua la tête. Il avait l'impression d'avoir une hallucination. C'est alors que la petite branche fleurit en un bouton blanc. Elle grimpa jusqu'à l'épaule d'Ardalôn et enserra sa joue de ses deux petits moignons. Qu'est-ce que c'était que cette plante ? C'était la première fois qu'il en voyait une de ce genre ! Il essaya de s'en débarrasser, mais la petite branche resta collée contre son visage.

Epuisé de ne pas réussir à s'en dégager, il se résolu à faire marche arrière. Il voulait vérifier que les hommes en noirs étaient partis.

« Lors dune tempête, le chêne se déracine, mais le roseau se plie ».

C'était ce que le gardien de l'Arbre qui l'avait reconnu avait dit en le voyant parmi tous les enfants du village qu'on avait retrouvé. Les gardiens l'avaient emmené dans une pièce sombre sous l'arbre, afin de lui expliquer qu'il était désormais un orphelin. L'homme vêtu de blanc qui portait une couronne dépine sur la tête l'enlaça alors qu'un garçon de son âge couvrait ses deux parents étendus au sol d'un linge parfumée.

— Pourquoi portez-vous vos épines alors que vous savez que vous allez vous blesser ? demanda-t-il au gardien.

L'homme l'avait regardé avec des yeux attendris.

— Je les porte avec honneur pour porter la souffrance des endeuillés.

Ardalôn fronça les sourcils. Il n'avait jamais entendu parler de cette façon étrange d'utiliser des épines.

— C'est toi qui as caché les enfants, n'est-ce pas ? reprit le gardien.

Ardalôn se pinça les lèvres. Il ne savait pas s'il devait affirmer les paroles de cet homme. Et s'il avait commis une erreur ?

— Tu as voulu les protéger ? demanda l'homme tandis qu'il s'agenouillait devant Ardalôn.

Il hocha lentement la tête. Il n'avait pas pu protéger sa sœur, mais au moins les enfants étaient vivants.

— Est-ce que ça te plairait de protéger tous les hauméas ? demanda encore le gardien.

Ardalôn ouvrit de grands yeux pleins d'espoir. Le gardien lui ébouriffa amicalement les cheveux.

— A partir d'aujourd'hui, tu seras l'un de mes apprenti. Je suis sûr que l'Arbre sera ravi de t'adopter.

Ardalôn ignorait ce que signifiait les paroles de l'homme. Mais il était prêt à tout pour protéger les autres et prouver sa valeur. Son cœur semblait s'écraser sous le poids de la culpabilité. L'idée qu'il pourrait se rendre utile, allégea pendant un court instant sa douleur.

La petite branche qui avait élu domicile sur sa joue et qui était redescendu a son poignet remua à nouveau, pour grimper près de son coude. Le gardien pencha la tête, curieux. Il s'en approcha et observa la brindille.

— Mon grand, la nature à observer ton chagrin et elle a décidé d'apaiser ta souffrance. Prends bien soin de cette petite branche. Plus tu la chériras, plus tu guériras.

C'est à cette époque, qu'il apprit à devenir gardien. Il ne voulait voir personne souffrir. Il se disait qu'il pouvait devenir encore plus puissant et encaisser les sanglots des villageois autour de lui. Il se disait que si c'était lui qui souffrait, tout irait bien, parce qu'il s'était relevé de son épreuve. Il était prêt à en affronter d'autres. Tout irait bien, il travaillerait pour un avenir meilleur.

Ce qu'il ignorait, cependant, c'est que la culpabilité était en train de creuser son nid au fond de son cœur. Méritait tout cela ?

« A ton avis, que deviennent les pétales, une fois qu'ils tombent de leur fleur ? » demanda le jeune apprenti à Ardalôn.

« Elles nourrissent la terre pour que les autres fleurs puissent s'épanouir correctement », répondit Ardalôn à Twig.

« Nous sommes comme ces pétales », déclara Twig avec un sourire.

« Nous nous effondrons, mais ce n'est pas la fin de notre histoire, pensa Ardalôn pour faire écho à la pensée de son apprenti. »

Il rouvrit les yeux alors qu'Austin se tenait à ses côtés et le regardait d'un air triste. Ils étaient assis sur le palier du tronc de l'arbre.

Austin se redressa et pinça ses lèvres avant de parler.

— Orest m'a demandé de te transmettre un message.

Ardalôn releva brusquement ses yeux vers son ami. Il fronça les sourcils. Il était devenu apprenti gardien à ses dix ans, alors qu'Orest était apprenti depuis plusieurs années déjà. Il avait vécu sa petite enfance entourée de gardiens et avait été officiellement adopté par l'Arbre juste avant l'attaque. Quand Ardalôn fut lui aussi nommé à cette tâche gratifiante, il avait quatorze ans. Depuis ce jour, une sorte de compétition amicale s'était installé entre eux. Ils se disputaient sans arrêt et les gardiens devaient les calmer régulièrement.

Ardalôn avait toujours respecté Orest pour son endurance et sa compassion. Dommage qu'il n'ait pas eu le temps de le lui dire. C'est toujours quand on réalise que nos proches ne reviendront pas, qu'on se rend compte de toutes les choses qu'on aurait pu leur dire si on avait laissé la fierté de côté.

— Il a dit qu'il était désolé pour ta sœur et pour tout le reste.

Ardalôn déglutit pour encaisser tout ce que ces mots impliquaient. Le gardien qui l'avait pris sous son aile lui avait dit que la nature l'avait observé et lui avait offert Inti. Mais ce jour-là, un autre garçon avait observé et avait décidé de partager sa souffrance.

« Seule, je suis tombée, a dit la feuille lorsque la pluie s'est abattue sur larbre.

Seule, j'ai retrouvé mon chemin, s'est-elle à nouveau plainte.

Non, a répondu le vent, je t'ai guidé jusqu'à lui ».

Alors Ardalôn sur ce qu'il devait faire. Il se leva et se rendit sur la tombe de sa sœur. Les gardiens avaient décidé d'enterrer Orest a ses côtés comme un rappel de leur sacrifice pour Hauméa. La planète n'avait pas décidé d'ériger un arbre en son honneur. Certaines personnes étaient destinées au ciel et d'autres resteraient dans l'ombre de la terre. Pourtant cela ne ternissait pas leur valeur.
Ardalôn inspira profondément, une prière aux bords des lèvres. Il releva la tête et se tourna vers ses compagnons qui l'avaient suivi.
- Vas-y, l'invita Wylrine.

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Hello les lecteurs !
Enfin, vous avez la possibilité de lire une des histoires cachées des Conquérants.
Nous espérons qu'elle vous plaît et que vous apprécierez de découvrir d'autres secrets du passé de nos personnages.
Bonne semaine à vous.
Merci pour votre soutien.
A bientôt ❤️
Holly & Anne

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