Daniel tirait une latte sur sa cigarette. Il ferma les yeux en expirant la volute blanchâtre épaisse dans l'air. Il sentait le poids de ses pensées et de sa douleur s'affaisser et laisser son être un peu tranquille pendant quelques minutes avant de revenir à la charge. Son sac reposant sur sa jambe gauche, posé sur le sol tandis qu'il était assit sur un banc près du lycée, il prenait le plus d'air possible pour se donner du courage et affronter cette nouvelle journée de cours. Il avait le cœur qui se comprimait dans sa poitrine, rien qu'à ses pensées, si bien qu'il tira une nouvelle taffe de sa clope pour libérer ses poumons dans l'air qui l'étouffait.

Pablo marchait avec deux de ses amis les plus proches mais qui ne connaissaient rien à son vrai passé. Il était un très bon menteur et s'était crée une vie en arrivant dans la ville. Il s'en était crée une, parce que sa vie à lui –la vraie- ne lui plaisait pas et n'était pas vraiment très avantageuse à raconter. Alors il en avait inventé une qui lui plaisait déjà beaucoup plus que la vraie et il essayait de ne pas s'embobiner dans son mensonge. Parce que comme Lincoln l'a dit ; « On peut mentir une fois à tout le monde. On peut mentir tout le temps à quelqu'un. Mais on ne peut pas mentir à tout le monde tout le temps ». Alors Pablo, essayait tant bien que mal, de ne pas se noyer dans ses mensonges et de contredire cette citation de Lincoln.

Pablo avait envie d'une cigarette et en voyant ce jeune homme tout frêle et maigre à souhait sur ce banc avec une clope au bec, il ne pouvait pas s'empêcher de vouloir lui en voler une. Il avait besoin de se prouver à lui-même qu'il n'était pas un faible et qu'il en valait vraiment la peine. Il croisait les doigts pour que cette « merde » soit tout seul parce qu'il n'avait pas envie de se battre avec d'autres personnes. Puis, ce gars semblait se laisser faire rapidement aussi. Il n'avait pas de cigarettes, lui, alors il comptait en racketter à ce pauvre gars.

« -Les gars, ça vous dit que prendre le paquet de clopes de ce morveux ? Demanda Pablo à ses deux potes. »

« -Ouais et pas qu'un peu ! Approuva l'un des deux. »

Sur ce, les trois jeunes s'approchèrent de Daniel qui continuait de fumer sa clope en toute tranquillité. Il regardait droit devant lui, si bien qu'il ne remarqua pas les trois gars s'approchant de lui et qui étaient bourrés de mauvaises intentions. Parce que maintenant, il faut se montrer fort physique pour ne pas se faire piétiner. Parce que de nos jours, se moquer est à la mode. Parce que maintenant, si tu te laisses faire, tu signes ton arrêt de mort. Parce que de nos jours, il n'y a pas plus de place pour ceux qui n'ont pas envie de se battre avec les poings ou qui en ont simplement marre de se battre.

« -Hey merdeux ! Passe-moi une clope ou je te défonce la gueule ! Ordonna Pablo à Daniel. »

Le concerné tourna doucement la tête et regarda en fronçant les sourcils l'espagnol. Il n'avait pas envie de passer l'une des seules choses qui arrivent encore à l'apaiser à un petit con qui lui veut du mal. De plus, les deux potes de ce gars –qui semblaient plus être des chiens que des amis- riaient d'un rire maléfique et stupide. Daniel leva les yeux au ciel, ce qui ne plût pas à Pablo qui l'attrapa par le col et le souleva du sol. Mais Daniel n'avait plus peur depuis longtemps et savait ce qui l'attendait, si bien que cela ne lui faisait ni chaud ni froid. À force de toujours vivre les mêmes choses, ça peut devenir une habitude et même une habitude lassante.

« -Passe-moi une clope sale pédale ! S'écria Pablo, à nouveau. Et ne m'oblige pas à me répéter, rajouta-t-il. »

Mais Daniel n'avait pas envie de passer et pour une fois, il se rebellait contre ceux qui le mettait à genoux. Il ne se laissait pas faire, parce qu'il voulait bien qu'on lui arrache sa dignité, sa confiance en lui, son égo, sa fierté, son innocence mais surtout pas une des dernières choses qui le faisaient encore maintenir en vie. Les coups pleuvaient mais il s'en foutait. Il n'était plus à cela près.