Chapitre 6
Je n'étais pas morte. Du moins, je le croyais puisque mon cou me faisait extrêmement mal. J'avais de la difficulté à déglutir. Je planais dans l'inconscience comme si j'étais prisonnière d'une boule de ouate et incapable de m'en extraire, m'enlisant de plus en plus dans un cocon velouté, étroit et obscur. Prisonnière de ce lieu.
J'entendais néanmoins des bruits lointains, comme si on cherchait à percer ma léthargie, mais c'était impossible pour moi de traverser cette frontière infranchissable.
J'eus l'impression de flotter dans le vide. Puis, je sentis une surface moelleuse, mais je savais que ce n'était pas le lit dans le lequel je dormais habituellement. Celui-ci était plus dur et les draps, rêches. Le frottement contre mes jambes nues était particulièrement déplaisant. Mes bras me démangeaient, mais j'étais incapable de les bouger afin de faire cesser ce supplice.
Je ne me trouvais certainement pas au paradis. Dans mes rêves, cet endroit regorgeait de douceur tandis qu'ici, je me sentais comprimée dans une enveloppe charnelle qui me faisait souffrir.
Un souffle sur ma joue.
J'étais incapable d'ouvrir mes yeux, bien que j'essayais de toutes mes forces. Ils me faisaient mal et mes paupières étaient trop lourde pour que je puisse les soulever.
— Est-elle infectée ? entendis-je au loin.
— Je ne sais pas, elle dort depuis vingt heures. Les rougeurs à son visage sont toujours là, mais rien d'autre à signaler.
Des doigts rugueux effleurèrent mon cou, me faisant tressaillir.
— Cet enfoiré lui a écrasé la trachée. Tu aurais dû le tuer lentement.
— J'étais trop furibond pour le laisser vivre une seconde de plus.
Des meurtriers...justes à côté de moi. Ils discutaient tranquillement de la mort de Dave comme s'ils avaient écrasé une simple fourmi.
— Chut, fait une voix à ma gauche. Si elle vous entend, elle aura trop peur de se réveiller.
— Elle le devrait. Elle va regretter d'avoir attirer cette bande d'imbéciles ici. L'autre fille s'est sauvée, en plus.
— Elle ne reviendra pas, ne t'inquiète pas. Elle doit avoir eu la trouille de sa vie.
— Ça signifie qu'on est toujours coincés ici.
Je n'entendis pas la suite de la conversation car mes sens se brouillèrent. Je parvins tout de même à tourner la tête en essayant de fuir ces sons graves qui ressemblaient à des grognements. Ils étaient trop forts et me donnèrent mal à la tête. J'avas l'impression qu'un marteau-piqueur y avait élu domicile.
Une seconde plus tard, ou une éternité, je ne savais plus, je clignai des yeux. Des images floues me parvinrent d'abord, puis des murs gris, sans fenêtre, apparurent devant moi. La pièce était vide, à l'exception du lit dans lequel je me trouvais.
Je déglutis en poussant un gémissement de douleur. Cet enfoiré ne m'avait pas raté. Une seconde de plus et j'étais morte. Je me demandai pourquoi on m'avait épargnée. Ils auraient pu finir le travail de Dave...Attendaient-ils que je me réveille ?
Quant à moi, je ne voulais certainement pas attendre le retour des assassins. Je devais décamper, et vite. Je réussis à me redresser et touchai ma gorge sensible. Elle était gonflée. Pas étonnant que ça me fasse un mal de chien !
Je posai mes pieds nus sur le sol. On m'avait enlevé mes chaussures, qui reposaient à un mètre du lit, mais je fus soulagée en réalisant que j'étais toujours habillée.
Ce n'était pas des violeurs, donc. À moins qu'ils n'attendaient mon réveil...Je chassai ces pensées et me concentrai sur mon évasion. Un pas, deux pas et un de plus. Je n'étais certes pas débordante d'énergie, mais j'étais capable de marcher, ce que je fis jusqu'à la porte. Eureka ! Elle n'était pas verrouillée.
Je l'entrouvris et réalisai que je me trouvais derrière l'un de ces mystérieux battants que j'avais aperçus lors de ma première visite. Des gens habitaient ici. Quoique je ne leur donnerais peut-être pas ce terme. Des bêtes meurtrières. Voilà qui les représentait mieux. Et j'espérais ne plus les croiser.
Je me trouvais à une trentaine de mètres des cloisons miroitantes, alors je me précipitai dans leur direction. Je n'avais pas de chaussures de course, alors c'était difficile. Je contournai un amoncellement de pierre, puis une grosse colonne d'acier qui était dangereusement inclinée.
Un rugissement sur ma droite me fit bondir de terreur, mais j'accélérai. J'y étais presque. Un autre hurlement bestial sur ma gauche, puis un autre derrière moi. Combien étaient-ils, bon sang ? Un troupeau ? J'étais encerclée comme une brebis, qui plus est, foutrement bien égarée.
La frayeur me donna un surplus d'énergie et je parvins enfin devant les cloisons fermées. Je cherchai désespérément le bouton afin de mander l'ascenseur, mais il était introuvable. Ma main effleura le mur de béton, explorant chaque millimètre. Rien. La détresse s'empara de moi et je donnai un coup de poing sur le mur, hystérique. La douleur transperça ma main jusqu'à mon coude et me fit monter les larmes aux yeux.
Je reculai, prise au piège. J'avais envie de m'arracher les cheveux tellement j'étais désespérée.
— C'est impossible d'attirer l'élévateur au douzième étage, fit une voix rauque un peu plus loin. Tu es coincée ici.
Mon pouls s'accéléra lorsque je le reconnus. Lui. L'homme-animal qui m'avait volé ma sandale. Je remarquai immédiatement ses iris particuliers. Cette fois-ci, il se tenait debout, les bras croisés d'un air nonchalant.
Il parlait ! Et moi qui croyais qu'il ne le pouvait pas. Son grondement m'avait persuadée du contraire, démontrant plutôt un côté animal. Toutefois, même s'il était capable de parler, d'une note d'ailleurs très grave et très virile, j'étais incertaine de sa dangerosité. Après tout, il avait essayé de m'arracher une jambe.
Je ne réfléchis pas davantage et pris mes jambes à mon coup. Je me dirigeai vers la gauche, où j'espérais me cacher dernière un gros fragment de béton. Un mugissement me fit tituber d'affolement, mais je me repris immédiatement et m'apprêtai à sauter par-dessus un bloc de ciment lorsqu'une masse me percuta.
Je poussai un cri, qui ressembla davantage à un vagissement puisque ma gorge irritée m'empêchait d'extérioriser mon effroi.
Je m'attendais à m'éclater le crâne sur le sol, mais un bras puissant me retint par le coude. Cependant, je perdis l'équilibre et m'échouai contre un torse chaud...et nu. Venant d'un homme mi-animal, mi-humain, je n'en attendais pas moins. Sa douce toison me chatouilla l'épaule et me fit réagir. J'essayai de lui donner un coup de coude dans l'estomac, mais il m'intercepta et je me retrouvai immobilisée. Seules mes jambes étaient toujours libres, alors je m'apprêtais à lui envoyer le coup ultime, mais, en un clignement d'yeux, je me retrouvai la tête par en bas alors que l'étranger me transportait comme un sac de patate sur son épaule.
— Une vraie tigresse, grogna une voix juste derrière lui.
Je soulevai légèrement la tête et aperçus un autre superbe spécimen qui me fixait avec amusement. Ses cheveux était aussi longs que le voleur de soulier, mais plus foncés.
Un asiatique, mais d'une taille colossale.
— Lâche-moi, grosse brute, beuglai-je.
C'était plutôt un murmure pas très menaçant, ce qui le fit éclater de rire. J'eus l'impression qu'un coup de tonnerre provenait de ses entrailles et résonnait jusqu'à ma poitrine.
— Économise ta voix, me conseilla-t-il. Tu en auras besoin pour plus tard.
Plus tard ? Que se passerait-il, plus tard ?
Je me débattis, gigotant comme une anguille, si bien que je glissa le long de son dos et craignis de m'aplatir par terre comme une crêpe. Il me retint toutefois, me replaça sur son épaule et se dirigea vers la porte que je venais de traverser quelques minutes plus plus. De retour au point de départ.
Il me lâcha et j'atterris sur le lit, étendue sur le dos.
— Laissez-moi partir ! lui ordonnai-je d'un ton que je voulais menaçant.
Aussi bien demander à une souris de grogner !
— Je pensais que tu avais compris que c'était impossible de quitter ce douzième niveau, me répondit-il. Il n'y a aucun escalier pour descendre et l'ascenseur ne viendra pas.
Ses propos n'étaient pas du tout engageant.
— Qui êtes-vous, au juste ? finis-je par lui demander.
— Qui ou quoi ? répliqua-t-il.
— J'ai l'air de vouloir jouer aux devinettes ? lui lançai-je, piquée.
Ce n'était vraiment pas le moment de rigoler.
— Pourtant, tu avais l'air joueur lorsque tu nous as livrés tes copains.
— J'ai essayé de les dissuader, mais ils ne voulaient pas m'écouter.
— Pas assez, puisque tu les as menés à leur mort.
— Pourquoi les avoir tués ? Ils ne vous avaient rien fait.
— Notre présence doit rester secrète.
C'est alors que trois autres spécimens de son genre entrèrent dans la pièce, qui sembla rapetisser à vue d'œil. Effrayée, je reculai jusqu'à la tête de lit.
— Qui êtes-vous, au juste ? répétai-je.
— Je suis Ash, me répondit mon voleur de sandale. Et voici Zed, Yiu-Luen et Xiao-Yan.
Deux asiatiques, donc ! Leurs yeux bridés et leurs cheveux foncés ne démentaient pas leurs origines.
— Ash est à part, remarqué-je.
Devant leur incompréhension, j'ajoutai :
— X, Y et Z. Vous formez un bel amalgame de lettres. Désolée, c'est uniquement ce que j'ai retenu de vos prénoms.
X éclata de rire.
— J'aime bien cette fille. Dommage qu'on doive la tuer dans deux jours.
J'arrondis mes yeux comme des billes.
— Quoi ? glapis-je.
— Tu es peut-être contaminée, répondit Y. Il faut trois jours pour en être vraiment certains. Soit tu vas mourir comme les autres infectés, soit tu vas te transformer en une bête sanguinaire et nous devrons, dans ce cas-là, t'achever.
Mon pouls s'accéléra et je me mis à trembler de terreur.
— Bien sûr, si tu n'es pas contaminée, tu ne mourras pas, ajouta Ash en foudroyant son copain du regard.
— Elle a des plaques sur le corps, leur fit remarquer X.
— Je suis allergique aux ananas, leur expliquai-je, remontée. Quelqu'un m'a fait boire un cocktail qui en contenait. Du coup, mon corps s'est mis à me démanger, ma langue a enflé et j'ai des plaques qui sont apparus sur mon visage. Ça ne veut pas dire que j'ai attrapé le virus.
Du moins, je l'espérais du fond du cœur.
— Ça reste à prouver, rétorqua Zed, pas le moins du monde sensible. D'ici là, ton sort est incertain.
— Puisque tu as été inconsciente durant presque une journée, le décompte prendra vite fin, m'annonça Y.
L'angoisse m'empêcha de rétorquer quoique ce soit. Alors, c'était ainsi ? Ces hommes sans pitié allaient faire de moi leur prochaine victime ?
— Pourquoi ne pas m'avoir immédiatement tuée, dans ce cas, leur demandai-je, désespérée.
Ils échangèrent un drôle de regard, puis l'un d'eux me répondit d'une voix dépourvue de sentiment.
— Si jamais tu survis après ces trois jours, tu pourras nous être utile.
Le sang battit à mes tempes lorsque des images affreuses me vinrent en tête. J'étais sur le point de m'évanouir d'effroi. Mes membres se mirent à trembler et je me retenais de pousser un hurlement de désespoir
Toutefois, Ash précisa, ce qui me calma instantanément :
— Tu pourras nous aider à sortir d'ici mais, surtout, à sauver la planète.
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