Chapitre 5

Dorénavant, nous étions tous confinés entre quatre murs dans une prison dorée qui ne nous permettait pas de fuir. J'avais quitté mes camarades après l'annonce de l'employé de l'hôtel tandis qu'ils avaient décidé de poursuivre la soirée en noyant leur angoisse dans l'alcool.

Je n'avais pas dormi de la nuit, me tournant encore et encore dans mon lit en me demandant si je reverrais mes parents un jour.

Lorsque je suis sortie de ma chambre, très tôt dans la matinée, je réalisai que les femmes de chambres étaient absentes. Pareil pour le reste du personnel. Seuls quelques serveurs étaient toujours là ainsi que l'hôtesse du lobby et quelques gardiens de sécurité. Je remarquai également qu'on avait cloué des planches de bois devant les entrées, empêchant toute personne de sortir ou d'entrée.

Une prison dorée.

Je m'assis dans le hall et voulus me changer les idées en étudiant. Cependant, j'étais incapable de me concentrer. J'ouvris mes oreilles et essayai de récolter la moindre petite information importante. Étant douée en espagnol, je pouvais espionner les conversations des employés et j'en conclus qu'il n'y avait rien de positif.

— Ne me dis pas que tu étudies malgré tout ! s'exclama une voix qui me fit sursauter.

Vanille se trouvait à côté de moi et baillais à s'en décrocher la mâchoire.

— Ça m'aide à me détendre, répondis-je en haussant les épaules.

— Tu devrais essayer le sexe, me dit-elle. C'est encore mieux.

— Non, merci. Alors, la soirée d'hier ?

— C'était nul. Ils ont fermé tous les bars de l'hôtel. Du coup, nous nous sommes enfermés dans ma chambre et avoir joué au strip-poker.

Je ne répondis rien, car je ne voulais pas qu'elle devine à quel point j'étais dégoûtée. Étais-je aussi frigide que le supposait Dave ? Je commençais à me le demander. Je n'avais qu'une seule expérience sexuelle jusqu'à présent. Ayant été en couple durant six mois lorsque j'étais au lycée, j'avais expérimenté un peu ma sexualité, mais nous n'avions jamais fait l'acte complet. Par chance, puisqu'il m'avait laissée pour ma meilleure amie. J'étais contente de ne pas être allée jusqu'au bout avec lui puisque je voulais le faire avec l'homme de ma vie. Je n'attendais pas le mariage, mais je voulais une relation sérieuse. Les coups d'un soir, très peu pour moi. Je croyais en l'amour, bien que lui n'ait jamais cru en moi. Était-ce par manque de chance ou parce que j'étais trop difficile ? Ou parce que je me concentrais uniquement sur mes études ?

J'attendais l'homme parfait, qui était probablement une chimère. C'était plutôt la personnalité parfaite qui n'existait pas, puisque j'avais déjà vu des corps sans défaut. Surtout un en particulier, au douzième étage...

Je me souvenais de son torse hâlé et musclé, de ses épaules larges et d'allure ferme, de ses biceps gonflés, de son visage carré aux lèvres pleines et...

— Amy ! Tu m'écoutes ? me lança Vanille, me sortant de mes songes.

— Hum...tu disais ?

— Je disais que tu avais besoin de sexe pour relaxer.

Je levai les yeux au ciel. Mon amie était une incontournable épicurienne

— Tiens, les gars arrivent, annonça-t-elle.

Ils nous saluèrent, à moitié-réveillés.

— D'autres nouvelles ? nous demanda Dave.

— Non.

— Bien. Puisqu'on ne peut rien faire aujourd'hui, je propose qu'on boive un coup.

— Déjà ? Il est à peine dix heures du matin !

— En vacances, il n'y a pas d'heure pour boire..

Puisque je n'avais rien d'autre à faire, j'acceptai. Nous enchaînâmes donc les verres tout en jouant aux cartes, notre seul passe-temps, à l'exception de suivre le développement de la pandémie. Lorsque nous fûmes tannés, nous inventâmes un jeu.

— Alors, chacun va avouer un secret sur lui, annonça Pierre, et celui qui aura le meilleur remportera euh...ce magnifique cocktail.

Il pointa un drink coloré.

— Je commence, s'écria Vanille. J'ai...j'ai déjà volé des souliers dans une boutique de chaussures.

— Pfff, ça ne m'étonne même pas, lui dit son cousin. À moi, maintenant...j'ai déjà fait de la prison.

— Ça, tout le monde le savait.

Pas moi, et je me demandai pour quelle raison. Était-ce pour la drogue ou avait-il tué quelqu'un ? Je préférais ne pas le savoir, ou si...

— J'ai déjà pissé dans un parc devant une famille qui pique-niquait, nous dit Pierre.

— Beurk, dégueu ! s'exclama Vanille, et j'étais entièrement d'accord.

Si j'avais été lui, je me serais tu. Toutefois, les autres gars eurent l'air de trouvé son anecdote marrante.

— Moi, j'ai surpris mon père en train de se faire la femme de ménage, dit l'autre. En plus, pendant que ma mère dormait à l'étage.

— Et moi, je me suis tapé ma professeur d'histoire, au lycée, fit au autre.

Les visages se tournèrent vers moi. Merde ! Je n'avais pas d'information croustillante sur moi, à part...

— J'ai découvert un douzième étage à l'hôtel, les informai-je. J'ai, par erreur, poussé sur un bouton caché dans l'ascenseur et il est monté jusqu'en haut, sur le toit. Celui-ci est dans un sale état, comme si quelque chose s'était effondré, mais il y a des endroits qui sont intacts.

Ils clignèrent des yeux, éberlués par ce que je venais de dire.

— C'est Amy qui gagne, annonça Vanille en me tendant le cocktail, que j'engloutis d'une traite.

Miam ! C'était tout à fait le genre d'alcool que j'aimais. Il y avait certes beaucoup de glace, mais c'était succulent avec cette insupportable chaleur. L'air climatisé ne semblait plus fonctionner dans le hall.

— Allons manger, maintenant, suggéra Dave. Je crois que j'ai trop bu !

Il n'était pas le seul. Sa cousine avait de la difficulté à marcher droit. Je l'aidai donc à se diriger dans la grande salle à manger du rez-de-chaussée.

Toutefois, il y avait quelque chose de bizarre. Les gens se ruaient sur la nourriture comme si c'était la dernière fois qu'il prenait un repas.

— Que se passe-t-il ?

Un homme s'arrêta à notre niveau.

— Des rumeurs disent qu'un employé de l'hôtel serait infecté, alors tout le monde fait des provisions et s'enferme dans sa chambre.

— C'est une bonne idée, reconnut Pierre. Emmenez de la bouffe et nous allons dans la mienne.

J'ignorais si c'était une bonne idée, mais je décidai de les accompagner, n'ayant rien d'autre à faire. Nous nous retrouvâmes donc au deuxième étage. Pierre sortit des bières de son petit frigo et en proposa aux autres.

— Je m'emmerde, souffla Vanille tandis que nous écoutions la télévision. Ils n'ont même pas de chaînes avec des bons films.

— De toute façon, je suppose que tu veux rester au courant des actualités, lui répondis-je.

— Ça devient barbant, à la longue. Des morts, des morts et encore des morts. Ils n'ont aucune bonne nouvelle.

— Moi aussi, je m'ennuie, dit Dave. Quel jeu pourrions-nous faire ?

Tout le monde resta pensif.

— J'ai une idée ! s'exclama Vanille avec un petit sourire en coin. Et si nous allions visiter le toit.

Tout le monde la regarda comme si elle était folle. Puis :

— Bonne idée ! s'exclama Dave. Ça nous occupera.

— Non, intervins-je. Il y a un...animal agressif là-haut.

Je n'osais pas dire « un homme », parce que je voulais les dissuader d'y aller.

— À six, nous pourrons nous défendre, argua Pierre. J'apporterai un bâton et, s'il se montre trop sauvage, je lui montrerai qui est le boss.

— Ce n'est pas une bonne idée, insistai-je.

— Arrête de faire ta rabat-joie, me dit Vanille. On ne fera qu'un petit tour ? d'accord.

Je poussai un long soupir. Devrais-je les accompagner ? J'étais néanmoins curieuse. Allais-je revoir l'homme-animal ? Allait-il se cacher en voyant un groupe débarquer ?

— Ok, abdiquai-je, mais laissez-moi d'abord me changer. Il y a beaucoup de gravats et, en sandales, ce sera difficile d'avancer.

— Bonne idée ! s'exclama Vanille. On te rejoint à ta chambre.

Sur ce, je montai me changer. Je retirai ma petit robe-soleil, enfilai des jeans courts et un débardeur noir ainsi qu'une paire de converses. Voilà ! J'étais prête. J'étais nerveuse à l'idée de retourner là-haut. De plus, mes bras me démangeaient.

— Bon sang ! m'écriai-je alors que des plaques rouges apparaissaient dans mon cou.

Mes joues étaient également pourpres et plaquées.

Je songeai à tout ce que j'avais bu et mangé au courant de la dernière heure. Il n'y avait aucun ananas, pourtant. Se pourrait-il que...

Je secouai la tête en sentant un frisson d'horreur me parcourir le courir. Puis, je compris. Le cocktail aux couleurs spéciales que j'avais gagné lors du jeu devait contenir du jus d'ananas. Zut !

Par chance, j'avais apporté des antihistaminiques. Ça m'aidait à soulager les démangeaisons en attendant que les symptômes disparaissent, probablement d'ici un jour.

Des coups à ma porte m'annoncèrent l'arrivée du groupe.

Vanille ouvrit la bouche, étonnée, en m'apercevant.

— Qu'est-ce que tu as ? me demanda-t-elle en détaillant mon visage.

— Allergie, marmonnai-je. On y va ?

Son cousin me fixa d'un air dubitatif, mais je fis mine de l'ignorer.

Nous prîmes l'ascenseur et j'enfonçai le bouton dissimulé.

— C'est génial ! s'écria Vanille, excitée comme une puce. J'ai l'impression de me trouver dans un film d'aventure.

Ces derniers se terminaient souvent bien. Toutefois, je croisai les doigts pour que notre petite excursion en soit ainsi.

Le ding nous annonça que nous étions arrivés. Les portes s'ouvrirent sur l'étage funèbre, laissant le groupe bouche bée.

Tiens ! Il y avait quelque chose de changé depuis ma dernière visite. Le passage jusqu'à l'ascenseur était entièrement dégagée, la poutre qui l'obstruait avait disparu et on avait même balayé le passage. Les petits morceaux de béton, dont celui dont que m'étais servi pour empêcher les cloisons de se refermer, avait disparu et les plus gros, ceux qu'on ne pouvait bouger à mains nues, avaient été époussetés.

— Wow ! s'exclama Dave. Cet endroit est parfait pour notre confinement forcé. Avec un peu d'amour, nous pourrions faire un loft, ici.

— Un peu ? s'exclama Vanille d'un air dégoûté. Beaucoup, tu veux dire. Ça sent la poussière à plein nez.

— Avec un petit recouvrement en époxy sur le sol, de la peinture sur le mur du fond et quelques lits, ça métamorphosera l'endroit. On pourrait même vivre ici jusqu'à ce que la pandémie soit terminée.

Mauvaise idée, surtout en sachant que nous n'étions pas seuls.

— Qu'y a-t-il, là-bas ? interrogea Vanille en désignant le corridor.

— Aucune idée. Allons-y, proposa Dave.

— Ce n'est pas une bonne...commençai-je, mais un rugissement me fit taire.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? s'alarma Pierre. Un ours ?

Tout le monde sembla soudainement avoir changé d'idée.

— Retournons en bas, proposa Dave d'une voix tremblante.

Nous reculâmes doucement, mais un autre grognement nous arrêta. Celui-ci provenait de l'autre côté. Dave se tourna vers moi, fou de rage.

— Tu ne nous avais pas dit qu'il y avait plusieurs bêtes, espèce d'idiote.

— Je l'ignorais, rétorqué-je. Je suis restée à peine cinq minutes. Je vous avais déconseillé de venir.

— Chut ! nous interrompit Vanille. Vous allez les attirer à gueuler ainsi.

Mon cœur battait à la chamade. Le danger nous guettait et je regrettais de m'être laissée entraîner dans cette histoire.

J'eus alors l'impression que le sol tremblait. Je tournai la tête et eus à peine le temps de voir courir quelque chose dans notre direction qu'on me poussa.

— Ils nous attaquent ! s'écria Dave. Cachez-vous.

Nous nous dispersâmes aussi vite que nous le pûmes. Je me cachai derrière un tas de gros caillou tandis que Vanille se dirigea vers une structure d'acier. Les autres contournèrent des gravats et disparurent.

Silence. Je n'entendis plus rien à part mon cœur débattre dans ma poitrine. La terreur me clouait sur place. Je songeais à mes parents. J'aurais aimé leur parler une dernière fois, leur dire que je les aimais. Ce serait assurément impossible puisque je mourrais dévorée par des bêtes ressemblant en tout point à des hommes. Des mutants, peut-être ?

Soudain, un hurlement me fit sursauter et je mordis mon poing pour m'empêcher de brailler à mon tour. Je tremblais de trouille et retenais mes sanglots.

Un autre cri me fendit le cœur. C'était Pierre. On aurait dit qu'on l'étripait si je me fiais à sa complainte qui s'arrêta soudainement. Je jetai un regard hors de ma cachette et aperçus du sang éclabousser les murs. Je retins un haut-le-cœur. Je vis alors mon amie, du moins, celle que je croyais être mon amie, courir vers l'ascenseur, dont les portes étaient toujours ouvertes. Elle pénétra à l'intérieur et disparut derrière l'acier brillant.

Elle nous avait abandonnés !

Je reculai doucement en entendant un bruit de l'autre côté de l'amoncellement de débris. J'essayai de ne pas respirer trop fort, bien que mon affolement ne m'aidait pas.

Je fermai les yeux et priai ; c'est tout ce que je pouvais faire. Je priai pour qu'on m'achève rapidement afin que je ne souffre pas.

Soudain, un main se posa sur ma bouche et atténua mon cri d'effroi.

— Chut, m'intima Dave.

Je me détournai et le découvrit, vert de rage. Jamais je ne l'avais vu dans un tel état. Il n'avait plus l'air amical, ni joueur ; il paraissait...malveillant.

— Tout ça est de ta faute, me reprocha-t-il à voix basse. C'est à cause de toi si nous sommes pris au piège. J'aurais dû me douter que tu voulais te débarrasser de nous.

Sa main m'empêchait de répliquer quoi que ce soit.

— En plus, tu es infectée, ajouta-t-il en me fixant d'un air dégouté.

J'essayai de parler, mais il appuya davantage sa main.

— Tes plaques rouges, précisa-t-il, et tes démangeaisons. Tes symptômes ne mentent pas. Je dois te tuer avant que tu ne contamines tout le monde. Dommage, j'aurais bien aimé te baiser...

Sa main quitta ma bouche et, avant que je ne puisse réagir, elle entoura mon cou. L'autre la rejoignit et je me débattis pour échapper à sa poigne, en vain. Je lui envoyai des coups de poings et de pieds qui ne l'atteignirent pas, mais qui le déséquilibrèrent. Nous tombâmes sur le sol et je me cognai la tête, ce qui me fit voir trente-six chandelles. Pourtant, il continua de serrer, ce qui m'empêcha de respirer. Je cherchais mon air, j'essayais de me libérer, mais plus le temps s'écoulait et plus ma vision s'obscurcissait.

Tout à coup, je fus libérée de son étau. Je croisai son regard stupéfait, puis il disparut de mon champ de vision. J'entendis un long cri d'agonie et, s'il n'avait pas tenté de m'assassinée, j'aurais eu pitié de lui.

La noirceur m'accueillit alors que je songeais que ce serait bientôt mon tour...

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