Chapitre 4


Mon avion décollait à treize heures, ce qui me laissait le temps de profiter une dernière fois du soleil et de la plage. Vanille avait piqué une crise lorsque je lui avais annoncé que j'avais acheté un vol de retour pour moi uniquement, qui m'avait d'ailleurs coûté les yeux de la tête. Je lui avais rétorqué qu'elle n'aurait qu'à faire le voyage de retour avec son cousin.

Je m'étais levée un peu plus tard que d'habitude puisque j'avais très mal dormi. Je ramassai des morceaux de vêtements éparpillés un peu partout dans la chambre, les plaçai dans ma valise et la bouclai. Je pris tout de même soin de garder un maillot de bain à portée de main afin de pouvoir me baigner avant de partir.

La matinée était avancée lorsque je sortis à l'extérieur sous le soleil tapant. Je me dirigeai vers la plage avec ma lotion solaire et ma serviette. J'avais hâte de faire trempette une dernière fois dans l'eau salée avant un de partir.

Toutefois, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je remarquai la plage déserte ! Où était tout le monde ? Des drapeaux rouges avaient été installés sur le sable, signifiant qu'on ne pouvait pas se baigner.

— Mademoiselle, m'avertit un gardien de sécurité, je vous demanderais de partir. La plage est fermée.

— Mais pourquoi ? questionnai-je. Il vente à peine.

Je savais que lorsqu'il ventait beaucoup, la mer était interdite de baignade. Pourtant, une simple brise soulevait mes cheveux.

— À cause des récents événements, les touristes de rester dans leur hôtel, me dit-il.

Les récents événements ? Qu'y avait-il de plus que hier ?

Je décidai de retourner dans le hall d'hôtel, où une foule s'était amassée. Des employés de l'hôtel essayaient de calmer les gens.

Je repérai Vanille et ses camarades, qui pianotaient sur leurs téléphones.

— Que se passe-t-il ? leur demandai-je en arrivant à leur hauteur.

— Tu n'as pas entendu les dernières nouvelles ? fit Vanille en levant les yeux.

— Non...

— Des cas de pandémie X ont été répertoriés à un mile d'ici.

Mon cœur s'accéléra. Cette épidémie prenait vraiment de l'ampleur, plus que je m'y attendais.

— J'ai trouvé un vol pour seize heures, annonça Pierre. Allez faire vos valises, nous partons.

Les autres acquiescèrent et je restai seule dans le lobby. J'allai voir mes mails et, comme je m'y attendais, mes parents m'incitaient à revenir le plus rapidement possible. Je leur répondis que je serais là au plus tard ce soir et de m'attendre à l'aéroport. J'avais vraiment hâte que tout cela soir terminé.

Je remarquai que des employés tiraient d'épaisses toiles en plastique devant l'entrée de l'hôtel. L'un d'eux affirma à un touriste que c'était pour empêcher le virus de circuler. Je me dis que si quelqu'un devait apporter la maladie, ce ne serait pas du plastique qui arrêterait le porteur du virus.

Vers onze heures, je me rendis à l'accueil de l'hôtel en trainant ma grosse valise à roulette afin de rendre ma clé. On me fixa comme si je venais d'une autre planète.

— J'ai décidé d'écourter mon voyage, leur dis-je. Mon avion part dans deux heures.

— Mademoiselle, me répondit l'hôtesse, je suis désolée de vous informer qu'aucun départ n'aura lieu aujourd'hui.

— Quoi ?

Je crus avoir mal entendu et lui demandai de répéter.

— Étant donné les nouveaux cas de pandémie X, le gouvernement a décidé de mettre le pays au complet en quarantaine. Aucun avion ne décolle jusqu'à ce qu'il en soit décidé autrement.

— Mais mon billet d'avion est acheté, rétorquai-je.

— Navrée, mais ce n'est pas nous qui décidons. Avez-vous besoin d'aide pour rapporter vos bagages dans votre chambre ?

— Non.

Je m'éloignai, désespérée. C'était un vrai cauchemar ! Comment la situation avait-elle pu déraper ainsi ?

Je me laissai tomber dans un fauteuil et essayai de me calmer. D'autres touristes paraissaient aussi alarmés que moi. Certains parlaient au téléphone à toute vitesse, d'autres discutaient avec les gardiens de sécurité. J'entendais le ton monter, n'étant pas très amical. Un couple disputait le maître d'hôtel sur leur inefficacité pour traiter la situation.

— L'aéroport est fermé, leur dit-il. Nous faisons de notre mieux pour rester informés et nous vous aviserons s'il y a des changements.

Je m'apprêtais à remonter dans la chambre lorsque Vanille arriva dans le hall avec des trois valises.

En voyant mon air découragé, elle se hâta de me demander ce qui m'arrivait.

— Nous sommes coincés ici, répondis-je d'une voix blanche.

— Pardon ?

— Ils ont fermé les frontières mexicaines. Je savais que j'aurais dû partir hier. Je n'aurais pas dû t'écouter.

— Je ne t'ai pas retenue ici, idiote, me lança-t-elle. Si tu as l'intention de me reprocher ton manque de discernement, alors je vais séjourner dans la chambre de mon cousin puisqu'il y dort seul. Il est hors de question que je loge avec toi.

— Comme tu voudras, lui répondis-je en haussant les épaules.

Je m'en fichais royalement. Si elle voulait me faire la tête, tant pis pour elle. J'avais dit les vraies choses. Elle m'avait convaincue de rester et, à cause d'elle, j'étais confinée ici. Toutefois, c'était également de ma faute puisque je n'aurais pas dû l'écouter. Nous avions toutes les deux nos tords.

Vanille me tourna le dos et alla annoncer la mauvaise nouvelle aux gars. Je guettai leur réaction et faillis éclater de rire en voyant leur visage se décomposer. Ils ne faisaient plus les fiers. À moins que c'était parce que Vanille avait annoncé à son cousin qu'elle dormirait avec lui.

Je remontai donc au septième étage et lançai ma valise sur l'autre lit. Je me connectai ensuite à Internet et suivis avec attention le déroulement de la pandémie.

Milles cas au Mexique, dix milles au USA, cinquante milles en Europe et presque le même nombre en Asie, à l'exception de la Chine ou c'était un désastre total avec la moitié de la population infectée.

Je lus que la plupart des pays avaient fermé leurs frontières et que plus personne ne pouvait y entrer ou en sortir. Cependant, le mal était fait. La menace se propageait et, bientôt, on ne pourrait plus rien y faire.

Mon côté pessimiste prit le dessus. Resterais-je ici une semaine, un mois, un an ? Si j'étais infectée, que ferais-je ? Mourrais-je ou me transformerais-je en bête ? Mon corps serait-il rapatrié dans mon pays ou m'enterrerait-on dans une fosse avec d'autres victimes ?

Je passai le reste de la journée à faire des recherches, si bien que, vers la fin de l'après-midi, j'avais rongé tous les ongles de mes doigts.

Je décidai de descendre pour le goûter. Plusieurs personnes s'étaient amassées dans la salle de repas, presque tous les touristes de l'hôtel. Toutes les tables étaient prises. J'hésitai à revenir, puis j'aperçus Vanille, qui était accompagnée du même groupe.

Je soupirai mais, puisque j'avais vraiment faim, je pris un plateau avec quelques aliments, puis je m'avançai vers eux en esquissant un sourire.

— Salut, leur dis-je. Des nouvelles ?

— Non, me répondit sèchement Vanille,

Elle me laissa tout de même une petite place à côté d'elle et je m'y assis.

— Je suggère qu'on prenne un coup de soir au bar, dit alors Pierre pour alléger l'atmosphère pesante. Ça nous changera les idées.

Pensait-il uniquement à boire ?

— C'est une bonne idée, approuva un de ses potes.

— Ce serait peut-être mieux que vous restiez dans vos chambres, tentai-je, si jamais les frontières ouvrent et qu'il faut partir tôt, demain.

— Mêle-toi de tes affaires, me lança-t-il.

Je me tus, non sans lui jeter un regard noir.

— D'ailleurs, qu'en est-il de ce virus ? questionna Dave. On en parle, mais on ne sait pas vraiment ce qu'il en est. Y a-t-il eu des guérisons ?

Je secoue négativement la tête. J'étais vraiment mieux informée qu'eux.

— Quels sont les symptômes ? interrogea Vanille.

— Au premier stade : démangeaisons et rougeurs aux visages s'étendant ensuite sur tout le corps. Au deuxième stade, douleurs articulaires s'aggravant jusqu'à enlever toute mobilité à la personne infectée. Elle paralyse complètement et son système ralentit progressivement. Au troisième et dernier stade, arrêt cardio-respiratoire ou, dans une minorité des cas, le corps ploie et la personne infectée se retrouve accroupie, puis finit à quatre pattes à cause de la douleur. La gorge enfle tellement que les souffrants ne peuvent que produire des grognements qui ressemblent à ceux d'animaux. Aucune chance de guérison.

Silence. Puis :

— Donc, si mes couilles me démangent, c'est parce que je suis infecté, rigola Pierre.

— Non, c'est seulement parce que tu as contracté la chlamydia, rétorqua Vanille, ce qui provoqua l'hilarité générale.

Cependant, l'heure était plus grave qu'ils ne le pensaient.

— Plus sérieusement, je préfèrerais mourir plutôt que vivre le reste de mes jours prisonnier de comportements animaux, attesta Dave. Marcher à quatre pattes, vous imaginez ?

— Tu n'aurais plus besoin d'acheter des jeans troués aux genoux, argué-je. Tu les userais toi-même.

Il rigola, puis répondit :

— Bébé, si voulais que je t'apprenne la position de la levrette, il fallait me le demander.

Ce sale pervers vient encore de faire une allusion sexuelle ! Je préférerais contracter l'épidémie X que tenter quoique que ce soit avec lui.

— Ce n'est pas drôle, Dave, le réprimanda Vanille. Et sais-tu combien de temps dure ces symptôme ? ajoute-t-elle à mon encontre.

— Trois jours, répondis-je. Un stade par jour.

— Donc, si on attrape ce virus, on est mort en trois jours, en déduisit Dave.

Quelle perspicacité !

— Ou on reste dans un état se rapprochant de celui de l'animal, ajoutai-je. Prisonnier de son corps pour le reste de ses jours.

Un silence franchement déplaisant se créa à la table. Même nos voisins, qui avaient entendu notre conversation, en avaient perdu l'appétit.

— Bon, je suggère d'assister au spectacle de la soirée sur le bord de la piscine, puis rendons-nous au bar, proposa Pierre. De toute façon, il n'y a pas de quoi s'inquiéter puisque nous nous trouvons sur une île et, en plus, nous restons sur le site de l'hôtel.

Tout le monde approuva, même moi. J'avais lu la programmation des spectacles et c'était celui auquel je tenais le plus à assister. Il s'agissait d'une chorégraphie de nage synchronisée dans la piscine extérieure. Les artistes portaient des maillots colorés et dansaient dans l'eau au rythme de la musique. Habituellement, c'était vraiment distrayant. 

Toutefois, lorsque l'heure vint, on nous interdit de sortir.

— Nous nous rendons seulement sur le bord de la piscine, tenta Vanille avec un sourire enjôleur. C'est pour le spectacle.

— Il est annulé, nous répondit un homme. Je vous prierais de rester à l'intérieur de la bâtisse.

— Quoi ! Pourquoi ? interrogea Dave.

Comme nous, il était totalement perdu.

— L'épidémie est arrivée sur l'île Cozumel, nous répondit-on. Dix cas ont été découverts dans l'hôtel voisin du nôtre, alors personne ne doit sortir à l'extérieur jusqu'à nouvel ordre.

Nous nous regardâmes, épouvantés ; nous étions faits comme des rats.


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