Chapitre 13
Des cris me réveillèrent brusquement. Lorsque j'eus immergé de mon sommeil, je sus immédiatement que quelque chose n'allait pas. C'était comme si l'air ambiante s'était alourdie, comme si la tension vrillait de partout.
« Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh » entendis-je au loin.
En réalité, ce n'était pas si loin. Ce cri provenait d'en bas de l'hôtel.
Un autre hurlement à vous glacer le sang me fit me redresser. Mais que se passait-il, pour l'amour de Dieu ?
Je replaçai une mèche de cheveux qui s'était déplacée durant mon sommeil, paisible jusqu'à il y a quelques minutes, et me levai. Je marchai hors de mon petit paradis nocturne et retrouvai la partie froide et austère de l'hôtel. Mes compagnons de fortune n'étaient pas en vue et j'ignorais où ils se trouvaient. Dormaient-ils ? J'étais certaine que non. N'importe qui aurait entendu ces cris persistants. Y avait-il le feu ? J'espérais que non, sinon nous serions définitivement cuits, sans jeu de mots.
Un cri déchirant me fit hérisser les poils de bras. Puis un autre, plus grave, cette fois-ci, ce qui signifiait qu'ils ne provenaient pas d'une seule et unique personne, mais bien de plusieurs.
Mon cœur de mit à débattre rapidement, mais je poursuivis mon évolution jusqu'à la rambarde du toit. Là, je décidai de jeter un coup d'œil douze étage plus bas et restai horrifiée par ce que je vis.
Les gens couraient partout en hurlant. Mais le plus sidérant, c'était leur façon de se débattre comme si une force invisible émergeait de leurs entrailles.
J'aperçus une dame tomber par terre et se tordre comme si elle brûlait de l'intérieur. Elle agonisait. Puis, elle s'immobilisa et ne bougea plus.
Un autre homme se roula également par terre en se griffant le corps entier. Alors que j'étais sûre que lui aussi perdrait connaissance, il se tranquillisa soudainement. Puis, il se positionna dans une drôle de position, courbé, et les mains à plat dans le gazon. Il leva ensuite la tête vers moi et j'en fus pétrifiée de stupéfaction. Son visage n'avait plus rien d'humain. Il s'était transformé en monstre. Et si je le voyais depuis le douzième étage, je n'osais imaginer dans quel état il était réellement de près.
Je reculai enfin de terreur. Il ne pouvait peut-être pas m'atteindre à l'endroit où je me trouvais, mais je ne pouvais supporter son regard monstrueux sur moi.
Je lâchai un cri lorsque je percutai quelque chose, ou plutôt quelqu'un, en reculant. J'étais trop absorbée par ce qui se déroulait en bas pour faire attention à mon environnement. Je levai la tête et reconnus celle de Ash, qui me dépassait tellement que j'avais l'air d'une minuscule fourmi.
Mon regard rencontra ses yeux de félin et je frissonnai, comme chaque fois où je les croisais. La singularité de son regard me donnait d'étranges frissons, c'était quelque chose de fort, de brutal, comme si je sautais d'un toit et que mon cœur bondissait aussi. J'avais peur de lui, mais une chaleur se diffusait dans mon corps chaque fois qu'il m'approchait. Pouvait-on être effrayé par un individu mais être également attiré ? Possible puisque son corps aux muscles sculptés reflétait la perfection absolue. Cependant, l'attirance s'arrêtait au physique puisque lui et moi n'avions absolument rien en commun, outre notre confinement dans cet hôtel.
— Qu'est-ce qu'il se passe en bas ? demandé-je d'une voix tremblante
— C'est évident, répondit-il.
— Qu'est-ce qui est évident ?
— Ça commence.
— On n'est pas dans une scène du Seigneur des Anneaux, dis-je, agacée.
Il leva les yeux au ciel.
— Les clients de cet hôtel sont à leur tour infectés. D'ici quelques heures, ils seront soient morts, soit devenus des bêtes à abattre.
Je clignai des yeux, médusée par la façon si calme dont il avait émis cette réponse. Il avait l'air de s'en ficher, comme si la fin du monde ne lui importait pas.
— Cool ! Alors, on reste ici à admirer le spectacle ? m'exclamé-je avec ironie.
Ses yeux se reposèrent à nouveau sur moi.
— Si ça t'amuse, répondit-il en haussant les épaules. J'ai à faire.
Sur ce, il se retourna et me laissa seule. Il n'avait apparemment pas saisi mon sarcasme.
Je poussai un long soupir et décidai de me promener. Si je m'éloignais un peu, peut-être n'entendrais-je plus ces cris horrifiants.
Hélas, peu importe où j'allais, ils me suivirent tout l'avant-midi. Mes confrères n'y portaient guère attention, trop occupés à élaborer un plan d'évasion. Seul X s'enquit de mon état afin de savoir si j'arrivais à contrôler ma phobie. En réalité, je n'y avais même pas songé, trop obnubilée par ce qui se déroulait en bas.
— Tu dois pratiquer ce que je t'ai montré hier, insista-t-il. Nous partions aussitôt que les résidents de l'hôtel se seront calmés.
Cela ne fit qu'empirer mon angoisse. Je doutais de ce que j'allais découvrir une fois libérée de cet endroit. En plus, j'avais faim. Je n'avais jamais passé aucun repas depuis mon enfance. Mon ventre émettait d'étranges bruits et je devais m'efforcer de ne pas y songer sinon je me mettrais à manger les morceaux de ciment qui traînaient ici et là.
Vers la fin de la journée, tout se calma subitement. Les hurlements cessèrent enfin et la nuit devint calme...trop calme. J'avais rongé tous mes ongles durant la journée tant j'étais stressée. Même l'endroit paradisiaque caché de l'étage n'était pas parvenu à me calmer. J'avais essayé de me reposer, sachant très bien que contrer ma peur n'aurait rien de reposant, mais rien à faire : d'atroces images apparaissaient dans mon esprit chaque fois que je fermais les yeux.
On m'appela et je sus à cet instant que l'heure était venue. Je pris une grande inspiration afin de ne pas paniquer, puis allai rejoindre mes compagnons de fortune. Ils se trouvaient tous là, prêts. Je ne sais pas à quoi, puisque c'était moi qui devait faire tout le boulot, mais probablement qu'ils étaient impatients de partir. Je les comprenais puisque cela faisait plusieurs années qu'ils étaient confinés en ce lieu.
— Prête ? me demanda X.
— Euh....
— Tu ne vas tout de même pas te dégonfler ! On est si près du but.
— Je vous l'avais dit, les mecs, dit Zed. On ne peut pas lui faire confiance.
— La ferme, Zed, le coupa Ash. Elle va en être capable. Pas vrai, petite ?
— Je m'appelle Amy, le corrigeai-je. Et ai-je le choix ?
— Non, firent-ils d'une même voix.
Je poussai un long soupir désespéré.
— Il faut sortir d'ici avant de mourir de faim, précisa X.
— Je sais.
— En plus, tu es immunisée face au virus, comme nous tous, alors tu n'as pas à t'en faire, dit Ash.
Je hochai la tête.
— Dans ce cas, n'attendons plus. Tu descends jusqu'au sous-sol, prends l'ascenseur et nous rejoins, d'accord.
— Et ne songe même pas à t'enfuir et nous laisser ici, me menaça Zed. Nous sommes ton unique porte de sortie. Sans nous, tu te feras tuer avant même d'avoir pu t'échapper de l'île.
Ça, je le savais. Il n'avait pas besoin de le répéter.
Nous nous rendîmes au monte-charge et je me hissai à l'intérieur. L'endroit était étroit, mais je parvins à entrer. Je ne devais pas songer aux bestioles qui pouvaient s'y trouver. J'avais une sainte horreur des araignées, mais pas autant que cet endroit sombre et renfermé. Je jetai un coup d'œil en bas. Le tunnel est sombre et je ne voyais rien hormis l'échelle qui permettait à la maintenance d'y faire l'entretien. C'était par là que je devais descendre.
— Tout va bien se passer, me dit Ash alors que ma respiration s'accélérait. Dans trente minutes, tu vas être en bas. Et dans dix de plus, tu vas nous libérer d'ici, d'accord ?
— Oui...
— Pense à un souvenir heureux, rajouta X en me faisant un clin d'œil.
— Mouais...
Ils refermèrent la trappe et je me retrouvai totalement seule dans le noir. Ne pas paniquer, ne pas paniquer. Facile à dire. Je fermai les yeux et descendis un barreau à la fois. Ça me prendrait une éternité, mais les autres attendraient. Ils n'avaient pas vraiment le choix, après tout.
Je comptai les barreaux afin de ne pas songer à ma phobie. Quatre-vingt quatre, quatre-vingt-cinq.
J'avais l'impression que ça ne finirait jamais. Je me mis à chanter afin de me détendre. Cela ne fonctionna pas, évidemment, mais au moins, j'avais l'impression d'être moins seule.
— Amy ! ça avant ? cria la voix de X d'en-haut.
Elle était lointaine et étouffée, mais je pouvais tout de même discerner sa voix grave.
— Oui, j'ai fait six étages.
La moitié.
— Courage, ma belle, tu y es presque.
Cela me rassurait de savoir qu'ils n'étaient pas trop loin.
— Silence ! Tu ne veux pas que les infectés nous entende.
Puis, leur voix s'arrêta et je me trouvai à nouveau seule avec moi-même. Une grande inspiration plus tard, je poursuivis ma descente. Cinq étages, quatre étages.
Je fis l'erreur de regarder en bas. Horreur ! C'était si haut ! Et si noir ! Comme un immense gouffre.
— Oh non, oh non ! paniqué-je et commençant à remonter.
— Amy ! hurla la voix d'Ash. Tu y es presque. Ce n'est pas le moment de battre en retraite.
— Chutttttttt.
Il avait raison. Je devais me calmer. Mes mains tremblaient et la sueur, due à l'énergie que je mettais afin de contrer ma peur et à l'exercice physique, perlait sur mon front. Néanmoins, je poursuivis.
Plus que deux étages.
Je m'immobilisai en entendant un grattement. Qu'est-ce que c'était ? Une souris ?
— Du calme, me dis-je à moi-même. Dans quelques minutes, ton cauchemar sera fini.
En réalité, je n'en savais strictement rien. Et si l'ascenseur ne fonctionnait plus ? Ou pire. Et par pire, j'imaginais les quatre hommes se débarrasser de moi et me jetai dans la mer. Après cette mission, ils n'auraient plus besoin de moi.
— Ils ont promis de m'aider. Une promesse est une promesse.
Mais je ne pouvais m'empêcher de me méfier de ces individus hors de l'ordinaire. Ils n'auraient pas ma confiance aussi facilement. En tout cas, j'espèrais qu'ils seraient reconnaissants de mon aide et qu'ils ne me boufferaient pas.
Enfin arrivée au sous sol ! Alléluia !
Je poussai un cri de joie lorsque mes pieds rencontrèrent un surface dure : le plancher. Je sortie du trou et me retrouvai dans une grande cuisine commerciale. Pourtant, il n'y avait personne, ce qui était très étrange.
Mais où tout le monde était-il passé ?
Je doutais de la réponse.
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