Jour 26
Elle n'allait pas mal. Bien sûr qu'elle n'allait pas mal. C'était les autres qui allaient mal. Elle elle... avait un léger coup de mou, voilà. Enfin, elle allait un peu mal, mais les autres eux, allaient vraiment mal. Pas tous les autres, certains autres. Beaucoup d'autres. Sa mère le lui avait dit, souvent. Elle l'avait vu, encore plus. Mais surtout elle se l'était répété, tout le temps. Elle n'allait pas mal. Elle n'avait pas le droit d'aller mal. Alors pourquoi souffrait-elle autant ? Pourquoi se sentait-elle vide ? Pourquoi avait-elle envie de se coucher et de ne rien faire de la journée ? Pourquoi était-elle pour la première fois de sa vie soulagée d'habiter encore chez ses parents, elle qui habituellement rêvait de liberté, car autrement elle n'aurait même pas la motivation de se faire à manger ? Pourquoi ne trouvait-elle plus la volonté de prendre soin d'elle, de s'habiller ?
Elle n'allait pas mal. Elle se sentait juste vide. Ce n'était pas grand chose, le vide. Il y avait pire, bien pire encore. Elle était simplement fatiguée, il fallait qu'elle dorme, voilà tout. Mais elle fuyait désormais ce qu'autrefois elle chérissait, le noir, car elle ne supportait plus les pensées de ses insomnies. Combien de fois en si peu de temps s'était-elle retrouvée seule dans le noir avec ses pensées assassines, se noyant de ses larmes désespérées ? Combien de fois n'avait-elle pas osé envoyer un message par culpabilité, ou parce qu'elle n'allait pas mal putain, ce sont les autres qui vont mal. Elle elle fait son intéressante, elle fait... de la merde. Elle craint ce qu'elle croyait acquis, elle replonge dans les peurs qu'elle avait enfouies, elle suffoque dans les certitudes irrationnelles. Ou le sont-elles vraiment ? Pourquoi se tromperait-elle forcément ? Pourquoi cette fois-ci serait-elle différente ? Pourquoi des mots auraient-ils plus raison que d'autres ? Et puis elle continuait à se taire. Pas tout le temps, mais plus souvent qu'elle ne l'aurait voulu. Qu'elle ne l'était autorisée. Parce qu'à quoi bon ? Qu'est-ce que parler changerait ? Au mieux, ils le savaient déjà. Ou alors ils ne pouvaient simplement rien y faire. Il y avait des mots autrefois prononcés, pas à son égard mais à celui d'un autre. Des mots promesses. Et ces mots ont changé. Alors pour ses mots à elle resteraient-ils ? Le temps ne fixe pas tout dans l'éternité, parfois il efface, il détruit, il oublie. Le temps change les choses, et elles déteste ça. C'était bien, avant, pourquoi changer l'équilibre qu'elle avait si difficilement trouvé ?
Elle n'allait pas mal. Elle était juste fatiguée. Vide de fatigue, lasse de fatigue. Il fallait simplement qu'elle dorme. Une heure, une semaine, un mois. Six. Une vie. Elle n'en avait pas la réponse. Mais dormir, dormir pour ne plus penser. Elle n'allait pas mal, mais elle avait besoin d'aide. Quelqu'un a qui parler, quelqu'un pour l'aiguiller, quelqu'un pour la rassurer. Ou peut-être croyait-elle encore trop en la magie ? Mais elle ne le pouvait pas. Pas tout de suite, pas encore, pas avant longtemps. Elle avait l'habitude de pleurer. Mais il y avait toujours une raison. Elle n'avait jamais autant pleuré par vide, par fatigue, par lassitude, pour rien. Pour quelques mots. Pour une situation. Pour quelque chose de plus profond qu'elle ne pouvait discerner. Et cela ne faisait que la vider davantage.
Et puis il y avait ceux qui ne voyaient rien, ceux à qui elle n'osait pas ou plus dire, ce qui se savaient quoi faire, ceux qui ne pouvaient y faire, ceux qui faisaient de leur mieux. Mais rien ne parvenait à battre le vide et la solitude.
Au fond, peut-être allait-elle mal.
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