5. La Dernière Heure

Évidement qu'il comptait partir, mais la petite phrase de Béa l'avait remplie de honte. En un instant, il se rappela de sa mère, lui demandant de traiter les femmes comme des princesses. Il n'avait respecté ce conseil qu'en les embrassant dans leurs sommeils, niquant ainsi la notion de consentement qui n'existe de toute façon dans aucune fiction Wattpad. C'est donc d'une voix toute tremblante et mal assurée qu'il murmura :

« Je vais chercher les croissants pour le petit déjeuner. »

Elle haussa les épaules en terminant de faire griller le bacon, comme pour lui signifier qu'elle ne le croyait pas vraiment. Il dévala les escalier quatre à quatre, avant de sortir sur la Promenade d'Australie. « Merde, des gens vivent vraiment dans le quinzième ? se demanda-t-il. » Ce qui l'étonnait surtout, c'était le cadre idyllique, une espèce de sentiment d'accomplissement qu'il n'avait encore jamais connu : la rue était calme, sans aucun connard de parisien. Même les touristes chinois ne s'agglutinaient plus sur le Pont de Bir-Hakein pour faire leurs clichés merdiques de la Tour Eiffel. C'était une sensation magique et en même temps un peu effrayante.

Il remonta les escaliers quatre à quatre, et sonna à la porte de chez Béa. Celle-ci lui entrouvrit, lui jetant un œil circonspect.

« T'as oublié des affaires dans la chambre ?

- Écoute, murmura-t-il, il se passe un truc vraiment étrange dehors... Il n'y a plus personne.

- Oui, répondit-elle en haussant les épaules, le confinement commence dans une heure. Tu ne devrais d'ailleurs pas tarder à y aller si tu ne veux pas te faire chopper. »

Il fronça les sourcils, ne comprenant pas ce qu'elle venait de dire.

« T'as bien Google News non ? Alors check vite et barre toi. »

Il montra son téléphone déchargé avec un geste d'impuissance. « Euh... Je peux t'emprunter internet ? Faut vraiment que je commande un billet de train. »

Elle hésita un instant devant tant de stupidité masculine. Il lui semblait devant elle aussi perdu qu'un enfant seul dans Châtelet les Halles, tellement vulnérable que cela en devenait touchant. Elle remarqua alors qu'elle avait la bouche entrouverte qu'elle referma aussitôt : Ce n'est pas un chaton, juste un gros con.

« Écoute, tu crois vraiment que tu vas trouver un train ? Tout le monde quitte la capitale. »

Il mit sa tête dans ses mains, exprimant son désespoir en geignant comme un veau. « Et t'aurais pas par hasard des amis qui partirait immédiatement vers l'Île de Ré ? »

Pendant ce temps très court, le cerveau de Béa se mit en branle après une longue période de mise en veille. Elle s'était résolu à rester chez elle, mais un maigre espoir lui permettrait peut-être de s'échapper de cet enfer. Il fallait maintenant être sûr d'appâter le poisson. « Écoute, murmura-t-elle. Il y a peut-être une solution. Tu as une maison, j'ai une voiture. Associons-nous. »


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