Chapitre 25
C'était peut-être une illusion, mais en se couchant, Stiles avait trouvé le lit plus confortable que d'ordinaire – et pourtant, confortable, il l'avait toujours été. Mais son impression était sans doute une sorte d'effet placebo par rapport au fait que le matelas se trouvait désormais sur un sommier tout à fait convenable et à une hauteur adaptée à son handicap. Ainsi, il serait plus aisé pour lui de se lever le matin tout en ayant l'impression de retrouver un semblant de vie normale.
Stiles s'endormit donc fort facilement, la tête légère, le corps détendu. Il avait passé deux jours supers avec son père, puis une journée incroyable avec Derek. Incroyable dans sa signification et dans la valeur qu'il avait accordée au temps. Même si les aménagements du loft avaient été faits pour lui, Stiles avait eu la surprise de se sentir utile pour en ajuster certains. Cette sensation, il l'apprécierait longtemps tant elle lui paraissait impossible à ressentir peu de temps auparavant. Pour exister et vivre heureux, l'hyperactif avait besoin de savoir qu'il pouvait servir à quelque chose. Il savait que cette façon de penser pouvait paraître pathétique, mais c'était ainsi. Il se disait qu'il n'avait pas grand-chose pour lui, si ce n'est son intelligence et ses plans. Cette fois, il avait servi d'une autre manière, mais cela lui allait parfaitement dans la mesure où il n'attendait pas grand-chose de plus. Avec sa condition, il apprenait lentement mais sûrement à se contenter de peu.
Mais le sommeil de Stiles, aussi doux fut-il au début, perdit de son attrait quelques temps plus tard. Le jeune homme commença à rêver et dans ce songe, il fut conscient. Il marchait dans un endroit qui ressemblait à une forêt... Et il fut très vite assailli par un certain malaise. La sensation s'accrocha à lui, refusa de partir. Au départ, elle n'eut pas de sens et Stiles se demanda sincèrement la raison de sa présence. Puis il regarda le monde avec ces yeux qui voyaient encore... Des yeux qui voyaient avec une vision lentement vieillissante. Plus rien n'avait de forme nette, le monde entier devenait flou. Des feuillages des arbres, il ne distingua plus beaucoup de nuances. Des branches ne restèrent que les plus grosses, les plus visibles. Encore qu'elles se mirent à ressembler de moins en moins à ce qu'elles étaient au départ. En revanche, Stiles entendit fort bien chaque bruit qu'il occasionnait : il irait même jusqu'à dire qu'il avait l'impression qu'un petit quelque chose avait tourné le bouton du volume dans sa tête, augmentant l'intensité et le volume de chaque son environnant. Il apprécia ce fait qui lui donnait l'impression d'être pourvu de quelques caractéristiques lupines... Qui lui donnait en tout cas un aperçu de ce qu'il pourrait être s'il acceptait la morsure.
Mais il aimait moins cette vision de plus en plus floue, laquelle semblait casser toute la netteté des formes qu'il connaissait. Et cela continua jusqu'à ce qu'il voie disparaître le monde tel qu'il le connaissait. Il ne devint pas sombre et informe. Au contraire, il resta... Visible, mais bien moins qu'au départ. Stiles, marchant à pas de plus en plus lents, se sentit mal. Ou plutôt mal à l'aise. Et très vite, il cessa de se repérer correctement alors qu'il y voyait encore. Un petit stress insidieux le gagna au point qu'il finisse par s'arrêter. La forêt lui apparut alors comme un lieu inconnu dans lequel il n'avait jamais été – alors que celle qu'il connaissait, il l'avait arpentée de long en large et en travers des heures durant. Il pouvait la cartographier, ou du moins le pensait-il.
Puis les choses se mirent à tourner, et Stiles fit de même... Tournant et se retournant sur lui-même en se demandant ce qu'il se passait. Il lui fallait comprendre, essayer d'attraper ces bouts d'images qui disparaîtraient d'ici peu. Elles commençaient d'ores et déjà à se détruire sous ses yeux. Cela avait commencé avec la perte de la netteté de son champ visuel, la désagrégation des détails. C'est alors que le sens de tout ceci lui apparut. Tout s'évanouit d'un coup.
Et il ouvrit les yeux.
Stiles ne devrait pas être surpris du néant qui s'étala devant lui. Pourtant, il le fut. Son sommeil avait été si profond qu'il avait bien du mal à se rendre compte que de son rêve il venait de sortir. Un rêve dans lequel il y voyait. Alors, la transition fut rude. Pendant ces quelques minutes qu'il ne pouvait pas quantifier – s'agissait-il de secondes, d'heures ? –, Stiles avait parcouru un monde familier, lequel s'était peu à peu éteint... Mais il avait vu et ce constat lui fit tout drôle, tant et si bien qu'il douta de ce qu'il avait vécu. Il en vint même à se demander ce qui était réel et ce qui ne l'était pas. Puis il imagina malgré lui sa cécité disparaître au profit de la vision qu'il avait avant – parfaite. Les yeux de Stiles étaient de ceux qui voyaient tout : aucun détail ne leur échappait jamais et là...
... Le gris anthracite dominait.
Mais ce qui le sortit définitivement de cet état intermédiaire, de sa léthargie partielle, fut une sensation on ne peut plus désagréable. Stiles se sentait sale. Physiquement. Et mouillé. Ses mains tâtèrent son corps, se perdirent sous son pyjama. Il fronça les sourcils, se redressa péniblement et toucha le matelas à l'endroit où se trouvait son dos. Une grimace de dégoût déforma son visage. C'était trempé. Autant son t-shirt que les draps.
- Dégueulasse, murmura-t-il pour lui-même, soudainement bougon.
Disons qu'entre son rêve, son retour à la réalité et ça... Il était aisé de comprendre pourquoi les pensées positives ne se bousculaient pas au portillon. Encore qu'il s'efforçait de ne pas laisser le négatif le happer complètement. Il voulait limiter l'impact de ses émotions pour mieux se rendormir par la suite. Sauf que rester dans ces draps mouillés ne l'emplissait pas de joie, si bien qu'il décida de passer le reste de sa nuit sur le canapé. Mais Stiles ne pouvait pas y aller ainsi : un coup d'eau s'imposait et cette idée s'ancra en lui aussi simplement que cela. Il lui fallait se doucher et il ne ferait pas l'impasse sur ce besoin. Ne sentant pas les rayons chauds du soleil sur sa peau, Stiles devina qu'il faisait encore nuit – il lui faudrait donc faire le moins de bruit possible. C'est sûr de lui qu'il décida de se lever, mais c'est pantelant qu'il se retrouva, une fois debout. Il ignora la sensation qui le prit, celle de l'inconfort psychique. Son rêve, il y pensait encore malgré lui et ça, ce n'était pas une bonne chose – de son point de vue. Parce qu'il avait un sens et qu'il ne voulait pas l'accepter tel quel, ni même l'envisager.
La vérité, c'est que Stiles avait peur.
Son handicap, il le subissait en donnant l'impression qu'il le vivait bien. Lui-même essayait de se convaincre qu'une habitude était en train de se créer chez lui... Et c'était le cas, mais la réalité s'avérait trop lente pour lui. Stiles savait qu'il devait laisser le temps au temps : simplement, sa nature impatiente avait tendance à reprendre le dessus et à bloquer les hypothétiques progrès qu'il pouvait faire.
Alors une fois debout, il ne sut que faire, dans quelle direction aller. La panique le frôla de ses tentacules glacés et le temps s'écoula à une vitesse qu'il imagina extrêmement lente... Tant et si bien qu'il lui fallut quelques minutes pour sortir de sa torpeur et oser tenter de faire un pas, puis deux.
Il espéra simplement ne pas s'être trompé de direction... Autrement, la nuit risquait d'être fort longue.
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