Chapitre 2
Noah Stilinski fit tout ce qui était en son pouvoir pour rester impassible. La révélation que venait de lui faire Mélissa le clouait sur place. Cet homme avait tout vécu : après un mois de disparition, son fils refaisait surface. Que lui apprenait-on par la suite ? Que Stiles était aveugle.
- Mélissa, il doit y avoir une erreur... Tenta-t-il. Peut-être vous êtes-vous trompée de patient, de dossier...
- Je suis désolée, shérif, mais il n'y a aucune erreur possible. Les médecins lui ont fait passer toute une batterie d'examen et sont formels ; votre fils a perdu la vue.
L'infirmière regardait le shérif, penaude. Elle aurait voulu que ce soit quelqu'un d'autre qui lui annonce, mais elle n'avait pas eu le choix. Elle savait être la seule qu'il écouterait. Qu'il ait du mal à accepter la vérité, c'était on ne peut plus normal mais elle savait d'ores et déjà qu'il la croyait. Noah Stilinski ferma les yeux et passa ses mains sur son visage l'espace de quelques secondes durant lesquelles il essaya de ne pas lutter contre l'évidence. Si Mélissa lui disait cela, ce n'était pas pour lui nuire, mais bel et bien pour l'informer. Il la connaissait depuis des années et jamais il ne l'avait vue agir dans le but de se moquer ou bien de nuire. C'était une femme droite et altruiste qui avait élevée son propre fils seule. Comme Noah, lorsque son épouse avait passé l'arme à gauche.
- Comment ? Finit-il par demander au bout d'un moment.
Mélissa soupira. Elle avait espéré qu'il ne pose pas cette question.
- Ça, je pense que vous n'êtes pas encore prêt à l'entendre.
Non, Noah n'était pas prêt à l'entendre. Aucun parent ne pouvait accepter l'idée que l'on ait mutilé son enfant.
~
Stiles restait silencieux. Les senteurs du milieu hospitalier saturaient ses narines, pourtant beaucoup trop habituées à les respirer. Il avait beau être sain et sauf, se retrouver dans un hôpital ne lui plaisait pas du tout. Auparavant, il n'aimait juste pas ça. Désormais, c'était une grosse source d'angoisse. Il avait passé un mois dans un laboratoire ou bien une clinique, il ne savait plus vraiment. Son seul ancrage, c'était ce mélange d'odeurs désagréables, détestables. Ainsi, il savait approximativement situer sa personne.
Stiles avait passé toute une batterie d'examens durant toute la journée qui avait suivi son hospitalisation. Le jeune homme s'était, pour la première fois depuis un mois, réveillé dans un lit, un vrai lit. Le confort d'un vrai matelas l'avait chamboulé. Les couvertures l'avaient aidé à se réchauffer, lui qui avait froid en quasi permanence.
Bien sûr, Stiles se souvenait avoir été retrouvé par Derek, il ne savait comment. Néanmoins, passés le soulagement et la surprise, le jeune Stilinski se sentait désormais mal. Il espérait que l'alpha ne chercherait pas à le voir, à lui rendre visite ou encore lui parler. Sa condition, qu'il avait comprise des semaines plus tôt, l'empêchait de vouloir reprendre contact avec la meute. Oui, Derek l'avait trouvé et il ne pouvait que l'en remercier. Néanmoins, c'était tout. Stiles ne voulait plus parler à personne, mis à part son père.
Ce dernier était venu passer un bon moment avec lui et l'avait interrogé. Il était au courant pour son nouveau handicap et avait tout fait pour savoir ce qui lui était arrivé. Il n'avait même pas pu lui arracher la moindre information concrète.
- J'ai été enlevé et ça s'arrête là, je ne sais rien.
C'était tout ce que Stiles avait bien voulu lui dire. En soi, il ne mentait pas ; il omettait simplement quelques informations. Ces dernières auraient fait plus de mal à son père qu'autre chose. On l'avait mutilé, privé volontairement d'un sens majeur.
On lui avait sectionné le nerf optique de chacun de ses yeux. Ceux-ci fonctionnaient parfaitement, mais l'image n'allait plus jusqu'au cerveau.
Stiles était aveugle.
~
Scott bouillonnait, tandis que Derek soupira.
- Rentre chez toi Scott, ça ne sert à rien d'insister.
- Mais je veux le voir, Derek, c'est mon meilleur pote ! S'exclama le bêta.
- Je sais, mais si lui ne le veux pas, tu ne peux pas le forcer.
À vrai dire, Derek aurait aimé voir Stiles, peut-être autant que Scott. Il était très inquiet et n'avait pas eu trop de nouvelles depuis qu'il l'avait emmené à l'hôpital. Les marques bleues des poignets et du cou de Stiles l'avaient marqué, tout autant que son regard absent. Derek avait toujours en mémoire cette scène étrange. Le lycéen n'avait reconnu personne, sauf son alpha, qu'il n'avait pourtant pas semblé voir. Le loup se souvenait pourtant clairement avoir vu les yeux noisette injectés de sang regarder partout, y compris dans sa direction et celle de Scott. Il y avait autre chose, il en était persuadé.
Scott serra les poings et Derek posa une main sur son épaule, tout en jetant un regard peiné à Noah Stilinski, qui n'avait pas perdu une miette de l'échange entre les deux hommes. C'était lui qui avait dû leur annoncer que Stiles ne voulait voir personne, même pas eux.
- Je suis désolé, les garçons, s'excusa le shérif, penaud. Je ne vais pas le contrarier alors que je viens à peine de le retrouver. Il vous réclamera sans doute bientôt, ne vous en faites pas. Stiles déteste la solitude, il ne restera pas longtemps sans chercher à reprendre contact avec vous. Il vous aime beaucoup, tous. Scott, ne fais pas cette tête. Tu es son meilleur ami, il ne t'oublie pas.
Scott se mordit la lèvre inférieure, bien embêté. Pourquoi son meilleur ami refusait-il de le voir ? Encore, pour Derek, il pouvait comprendre. Il avait beau être un alpha, ce n'était pas un proche pour autant. Mais pourquoi dire non à Scott ? Ils se connaissaient depuis la primaire, étaient comme des frères. Ils avaient tout fait ensemble : les quatre cents coups, la découverte du surnaturel et tout le reste. Ils n'avaient rien fait sans l'autre. Stiles avait toujours été là pour lui lorsqu'il en avait eu besoin et Scott voulait lui rendre la pareille. Cependant, Noah, ayant vu le regard du bêta, secoua la tête, l'air désolé.
- Non, Scott, ce n'est même pas la peine d'essayer. Rentre chez toi.
Bien que Derek soit aussi embêté de ne pas pouvoir voir le seul véritable humain de la meute, il comprenait. Il avait le recul nécessaire pour ne pas insister et accepter la décision de Stiles. Ainsi, il posa sa main sur l'épaule de Scott et l'encouragea à laisser tomber pour le moment. Avant de s'en aller avec l'adolescent, Derek salua brièvement le shérif, qui fit de même.
~
Deux semaines s'étaient écoulées depuis le retour de Stiles à Beacon Hills. Il avait quitté l'hôpital deux jours après son entrée et ne sortait que rarement de sa chambre, au grand dam de son père. Parce qu'en plus de cela, Stiles ne parlait presque plus et Noah Stilinski n'en pouvait plus. C'était assez ironique. Lui qui avait toujours eu beaucoup de mal à intéragir avec son fils à cause de l'hyperactivité de celui-ci venait à regretter cette époque, celle où il parlait sans arrêt. Malgré tous leurs désaccords, l'agacement que provoquait sans arrêt son fils, sa désobéissance récurrente, Noah l'aimait de tout son cœur.
Alors savoir que Stiles était aveugle et semblait avoir perdu le goût de vivre lui tordait les entrailles.
En réalité, il se trompait. Stiles avait envie de vivre, peut-être plus que jamais. Disons simplement qu'il prenait le temps d'accepter qu'il allait retrouver une vie normale, ou presque. Sa vie à Beacon Hills, mais sans sa vue. Savoir était une chose, se retrouver devant le fait accompli en était une autre.
Noah comprit bien vite son erreur car très vite, Stiles le quémanda dès lors qu'il rentrait du travail, ou bien avant qu'il y aille. La raison ? Stiles ne voulait pas vivre comme un infirme. Il était hors de question qu'il dépende de son père. Il savait que la perte de son sens visuel avait meurtri son père, qui n'arrivait pas encore à l'accepter. L'hyperactif, dans son cas, n'avait pas vraiment le choix. Alors, il souriait un peu plus, ne se laissait pas aller devant le shérif et lui montrait par-dessus tout une étonnante détermination pour reprendre sa vie en main.
Chaque matin, Noah se levait un peu plus tôt pour le premier exercice de Stiles de la journée. Il l'accompagnait pour descendre les escaliers à l'aveugle, chose un peu difficile pour lui. Lorsqu'il y voyait encore, Stiles descendait toujours ces fichus escaliers avec empressement, sans réellement faire attention au nombre de marches qu'il sautait, son équilibre l'empêchant de tomber. Là, tout était différent. Il fallait y aller marche par marche, se tenir à la rambarde, le tout à un rythme soutenu, au risque de tomber et de se faire très mal. Stiles avait perdu tous ces repères qui lui procuraient autrefois ce fameux équilibre salvateur.
La dernière marche sonnait comme une délivrance et comptait comme un succès, petit aux yeux de Stiles, grand aux yeux de son père. Ce dernier rappelait régulièrement à son fils à quel point il était fier de lui, chaque fois qu'il entreprenait quelque chose. Car c'était vrai ; Noah ne pouvait qu'être admiratif devant l'abnégation de Stiles et son adaptation plutôt rapide. Il ne se laissait pas abattre, contrairement à son attitude de départ et ne cessait de le surprendre. Le shérif sentait son cœur se gonfler de joie à chaque réussite de son fils, qui ne mettrait sans doute pas longtemps avant de pouvoir se débrouiller pour les choses simples.
Si le tableau semblait joyeux, il était néanmoins terni par un élément plutôt étrange. Stiles voulait toujours faire plus et parlait sans cesse de ce qu'il allait faire. L'hyperactif ne mentionna pas une fois le prénom d'un seul de ses amis, pas même Scott. Chaque fois que Noah tentait d'ouvrir la discussion sur ce sujet, Stiles trouvait un moyen de l'éluder et dieu seul savait à quel point il était futé. Son manque de vie sociale inquiétait son père, qui savait que Stiles détestait la solitude. Pour cette raison, il ne comprenait pas pourquoi son fils s'éloignait de ses amis, de la meute. Il avait bien quelques théories, mais aucune ne tenait réellement la route, sauf une. Stiles avait peut-être peur qu'on le regarde autrement, peur de paraître plus faible qu'il ne l'était déjà, en tant que seul réel humain d'une meute d'êtres surnaturels. Noah savait bien que les loups, la banshee, le chien des enfers et la kitsune ne verraient Stiles autrement que comme celui qu'il était ; un ami diablement futé et doté d'une étrange capacité, celle de réussir sans arrêt à rassembler tout le monde. Persuader Stiles de ce fait était une autre paire de manche. Il était têtu comme une mule.
Cependant, les progrès de Stiles ne se faisaient pas sur une base saine. Si son père pensait innocemment qu'il ne se laissait tout simplement pas abattre, la réalité n'était pas totalement conforme à son idée. Stiles cachait sa terreur derrière cette volonté de se débrouiller. La perte de ce sens majeur qu'était la vue le perturbait au plus au point, bien plus qu'il ne le montrait. Stiles avait peur, peur de ne pas arriver à se relever mentalement de cette épreuve. Pour cette raison, il s'évertuait à apprendre de nouvelles choses, à réessayer tant qu'il n'y arrivait pas, à persévérer jusqu'à la réussite de sa tâche. Bien sûr, il ne parlait pas de cela à son père qui, selon lui, n'avait pas besoin de savoir. Cette épreuve touchait presque autant le père que le fils, à différents degrés. Stiles ne voulait et ne pouvait pas imposer ses réels ressentis à son père, qui en avait pris un sacré coup en apprenant la nouvelle. Lui qui avait perdu sa femme ne devait pas savoir qu'il était peut-être en train de perdre son fils, d'une autre manière. Car si Stiles n'arrivait pas à s'habituer à sa nouvelle condition, bien qu'il avait été forcé de l'accepter, nul doute que la suite s'avèrerait compliquée.
Stiles devait absolument réussir, ou bien il sombrerait, brisé par l'acte chirurgical qui l'avait laissé mutilé.
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