Chapitre 1


- Du nouveau ?

- Non, rien, absolument rien, soupira Scott.

Les yeux froids de Derek scrutaient le jeune homme, dans l'attente d'entendre les battements de son cœur s'accélérer, signe d'un odieux mensonge. Car dans le fond, c'était ce qu'il espérait : que son bêta mente. Malheureusement, il disait la vérité, un peu trop calmement, d'ailleurs.

- Et ça ne t'inquiète pas ? Lui demanda l'alpha sur un ton de reproche.

Scott soupira une nouvelle fois et fit quelques pas sur le côté, avant de revenir plus ou moins face à Derek.

- Je me dis que... Que Stiles avait peut-être réellement besoin de partir, voir d'autres paysages... Peut-être que cette situation lui pèse. S'il y avait réellement eu un problème, je ne pense pas qu'il aurait pris la peine et le temps de laisser une lettre chez lui.

- Scott, ça va faire un mois, lui rappela durement Derek. Tu ne penses pas qu'il en est peut-être autrement ?

Le raisonnement de Scott n'était pas mauvais et en soi, il n'avait pas tort. Lorsqu'il voulait ou devait s'absenter, Stiles prévenait. S'il ne disait rien, cela voulait dire qu'il n'en avait pas eu l'occasion et, par extension, un problème. Or, la lettre laissée par Stiles Stilinski un mois plus tôt était claire ; le lycéen avait piqué une crise et décidé de partir sur un coup de tête. Selon ses mots, il avait besoin de changer d'air, de penser à autre chose, de relâcher la pression. Bien évidemment, Stiles n'avait pas précisé la durée de ses vacances improvisées, ni le lieu, d'ailleurs.

- Au début, j'avoue que ça m'inquiétait mais plus j'y pense, plus je me dis que cette situation, ma transformation, la meute, tout ça... Je pense que ça lui pesait trop. Combien de fois il s'est retrouvé à devoir faire des recherches, à essayer de nous sortir de situations toutes plus dangereuses que les autres... Il n'est pas comme nous, il est humain. S'il est blessé, il ne guérira pas aussi vite que nous.

- On peut voir les choses sous cet angle, concéda Derek. Cependant, je veux que vous continuiez les recherches. Qu'il soit humain ou pas, il fait partie de notre meute.

- Derek, vraiment, je pense que ce n'est pas la peine.

- Ce que tu penses m'importe peu. Vous continuez les recherches, point barre. Tu transmettras mon ordre aux autres.

Parce qu'un détail chiffonnait l'alpha. L'année scolaire n'était pas finie et il n'était pas dans l'intérêt de Stiles de rater trop de cours. De plus, même son père était inquiet. Il était le premier à être tombé sur cette lettre, posée sur le bureau de la chambre de son fils unique. Noah Stilinski n'avait peut-être pas lancé de recherches officielles, mais son visage en permanence défait était une preuve de son accablement. Si le père, interrogé par Scott, n'avait aucune idée de ce qui était passé par la tête de son fils, qui ne lui avait jamais fait un coup pareil, c'était qu'il y avait quelque chose. Derek Hale trouvait alors aberrant que le jeune loup ne soit pas plus inquiet que ça. Oui, Stiles conduisait. Oui, il était presque majeur. Mais pourquoi ? Tout se passait bien, jusqu'à présent. Pourquoi partir là ? Pourquoi pas plus tôt ?

D'un coup, Derek se tendit. Il percevait quelque chose de très lointain, grâce à ses sens d'alpha. Scott, qui commençait à connaître assez bien Hale, fronça légèrement les sourcils.

- Qu'est-ce qui se passe, Derek ? Une menace ? Demanda-t-il, penaud, ne sachant pas trop quoi dire.

- Non, répondit rapidement le brun. Tais-toi, deux secondes.

L'ordre n'était pas méchant. Derek avait réellement besoin de silence. Ce qu'il entendait était si lointain qu'il était très dur de discerner ce que c'était. Surtout qu'il fallait l'isoler des bruits naturels de la forêt et des animaux sauvages. Pour peu, il aurait pu confondre ce son étrange avec les battements de cœur ultra rapides de l'écureuil qui cachait un gland sous terre, une centaine de mètres plus loin. Il réalisa soudain. C'était bel et bien des battements de cœur, mais pas ceux d'un écureuil. La rapidité de pulsation, elle, n'était pas naturelle. C'était un cœur humain.

- C'est quoi ? Demanda Scott, qui était resté silencieux près d'une minute.

- Concentre-toi et écoute bien, lui dit simplement Derek.

Scott s'exécuta. De par sa puissance presque prodigieuse pour un bêta, le jeune homme finit par commencer à discerner quelque chose, difficilement cependant. Il comprit l'origine de la curiosité de Derek lorsqu'il remarqua le tempo très rapide des pulsations cardiaques. Il regarda son aîné qui, d'un signe de tête, lui fit comprendre qu'ils feraient mieux d'aller voir ce qui se tramait. A vu de nez, le cœur se situait à un peu plus d'un kilomètre de nos deux lycans, qui se mirent à courir sous leur forme de demi-loup. Ainsi, le kilomètre fut atteint en très peu de temps. Reprenant complètement forme humaine, Derek et Scott s'arrêtèrent et écoutèrent. Leur vue ne serait pas très utile ; le feuillage des arbres était très épais en cette période de l'année. Ils se fièrent plutôt à leur ouïe.

- Il est tout près, chuchota Scott, mais Derek l'entendit très bien.

Les battements étaient assourdissants et leur vitesse, beaucoup trop grandes. L'humain était proche de la tachycardie. Autrement dit, il avait peut-être besoin d'aide. Une chose était sûre, il n'y avait personne d'autre dans le coin. Par conséquent, l'humain n'était pas en train de se faire agresser. Derek se demandait alors l'origine de ce rythme effréné, à la limite du dangereux. Il fallait l'aider. Cependant, les battements étaient si forts, en plus d'être rapide, qu'ils perturbaient les deux loups, les désorientait quelque peu. C'était lourd, pesant, accablant.

L'humain était proche, mais les bruits de ses pas étaient camouflés par ceux de son organe vital qui résonnait dans la tête de Scott et Derek.

- Y a quelqu'un ?

La voix forte de Scott avait provoqué un raté, une irrégularité, avant d'accélérer sa cadence de pulsations. L'humain l'avait entendu.

- Imbécile, tais-toi ! Son cœur bat assez vite comme ça ! Siffla Derek en chuchotant si bas que seul son bêta pouvait l'entendre.

- C'est bon, j'essayais, juste, râla Scott.

Derek fit signe à son homologue de se taire, il avait besoin de se concentrer et localiser cet humain en détresse. Il était tout proche, mais la forêt était dense. Sacrément dense. L'alpha fit appel à ses sens surnaturels très aiguisé. Quelques mètres sur la droite. Il entendit alors, derrière les battements frénétiques, la respiration saccadée et hachée. C'était à peine perceptible, tant le cœur prenait toute la place auditive. Mais Derek était un alpha, un lycan de naissance.

Hale avança à pas de loups, sans plus faire attention à Scott qui le regardait, confus. L'attitude de son aîné le déconcertait tout autant qu'elle l'impressionnait. C'était parfois fascinant et déroutant d'observer un né lycan agir, ses sens déployés quasiment au maximum. Scott le sentait. La puissance de l'alpha l'aurait submergé s'il n'avait pas lui-même de grandes capacités en tant que bêta.

Derek se rapprochait aussi silencieusement que possible. Dix mètres. Huit mètres. Quatre mètres. Soudain, une forme surgit de l'ombre et se mit à courir. Une silhouette de taille moyenne et frêle, avec une bien étrange odeur. En voyant cela, Derek se mit à accélérer le pas.

- Arrête-toi, on ne te veut pas de mal ! Cria Scott.

Mais quelque chose n'allait pas. L'humain, un jeune homme, semblait-il, se dirigeait tout droit vers un arbre. Tout en courant, il gémit de douleur.

- Attention, devant toi ! Le prévint Scott.

Mais l'individu ne l'avait pas écouté et se prit l'arbre de plein fouet. Hébété, il resta quelques secondes devant le tronc avant de se laisser tomber en arrière. Derek bondit et eut à peine le temps de passer une main derrière la tête du jeune homme pour éviter qu'il ne se fracasse l'arrière du crâne contre le sol feuillu mais pas moins dur pour autant. C'est alors qu'il le vit et se figea de stupeur. Son propre cœur rata un battement. Scott arriva petit à petit à sa hauteur.

- Bon, au moins, là, pas besoin d'être discrets, relativisa l'adolescent. Derek ?

Scott fut décontenancé. Rares étaient les fois où son aîné daignait être autre chose qu'impassible ou en colère. Néanmoins, le joueur de crosse n'appréciait pas ce qu'il voyait pour autant.

- Oh bordel, souffla-t-il en s'accroupissant à côté de Derek.

Ce dernier avait toujours sa main derrière la tête du jeune homme qui semblait avoir perdu connaissance. Derrière les joues anormalement creuses et les quelques plaies dont une importante au front, Stiles était encore un peu reconnaissable. Si Scott en était encore au stade où il observait le visage de son ami avec effarement pour vérifier que c'était bien lui, Derek avait déjà fini son analyse de ce qui était du domaine du visible.

- Ecoute-moi bien, car je ne vais pas le répéter deux fois. Tu vas appeler son père et moi, je l'emmène à l'hôpital, lui dicta Derek.

Toujours sous le choc, Scott avait à peine écouté l'ordre de son aîné, qui commençait déjà à se positionner de manière à pouvoir porter Stilinski, avant de le soulever du sol. Cependant, Stiles s'agita tout de suite, plutôt faiblement et ouvrit les yeux. Des yeux injectés de sang.

- Je... Je vous en supplie, laissez-moi...

Une voix faible et tremblante, qu'ils ne lui connaissaient pas. Elle trahissait une terreur si grande qu'elle fendit le cœur des deux loups, même celui, dur et froid, de Derek.

Les iris couleur noisette regardaient partout, sans réellement voir. Les mains, elles, serraient des feuilles mortes sur le sol, en tremblant légèrement. Stiles semblait avoir perdu la tête. Plusieurs fois, ses yeux passèrent sur le visage de Derek, puis celui de Scott. Cependant, il ne semblait pas les reconnaître.

Derek lança un regard meurtrier à Scott qui n'avait toujours pas réagi.

- Ah oui, pardon, c'est vrai... Donc tu l'emmènes à l'hôpital et moi j'appelle son père, se rappela péniblement Scott, perturbé par cette vision de son meilleur ami.

Stiles commença à se débattre dans les bras de Derek. A l'entente d'un certain mot, ses yeux s'étaient écarquillés de terreur et sa bouche formait un « o » parfait.

- Non, non, pas l'hôpital... Souffla-t-il seulement.

Les loups entendirent clairement sa supplique grâce à leur ouïe développée. Derek et Scott se regardèrent, confus. Alors que Stiles commençait à mettre un peu trop d'énergie dans ce qui ressemblait sans doute à une tentative de fuite des bras de l'alpha, ce dernier resserra son étreinte. Heureusement, l'adolescent était fin et n'avait pas beaucoup de forces.

- Calme-toi, Stiles. Scott, appelle son père, maintenant !

Cette voix chaude si près de lui calma instantanément Stiles, dont les sourcils s'étaient légèrement froncés. Pas parce qu'elle avait un quelconque pouvoir sur lui, simplement parce qu'il la reconnut tout de suite. Une voix familière... Cela voulait dire qu'il était sauvé, tout simplement. Pour ne pas court-circuiter sur place, il évita de se poser trop de questions. Il préférait s'accrocher à cet espoir salvateur et cette idée ; il n'était plus seul. Stiles tenta faiblement :

- Derek ?

Scott plissa les yeux tout en prenant son téléphone.

- Derek, c'est toi ? Tenta à nouveau Stiles d'une voix éteinte.

Ce qui étonna l'alpha n'était pas le fait qu'il le reconnaisse finalement. Ce qui le surprenait, c'était surtout le regard de l'adolescent, planté dans le vague. Pourquoi ne levait-il pas la tête vers lui pour vérifier ses suppositions ?

- Bien sûr que c'est moi, alors tiens-toi tranquille, lui dit le concerné d'une voix qu'il voulut plus douce.

De toute manière, Stiles ne pouvait plus vraiment faire autrement. Entendre la voix de Derek lui répondre lui avait suffi. Ses dernières forces lui firent simplement esquisser un très léger sourire de soulagement entraperçu par Derek, qui marchait déjà en direction de sa voiture. Il accéléra le pas en sentant que le jeune homme perdait peu à peu connaissance, à bout de forces.

- Merde, jura-t-il.

Inutile de l'appeler pour essayer de le garder éveillé : Stiles avait déjà lâché prise et sombré dans l'inconscience, comme s'il attendait qu'on le retrouve pour s'autoriser un peu de repos. Ses cernes très noirs laissaient supposer qu'il n'avait pas eu droit à beaucoup de sommeil, ces derniers temps. L'alpha ne fit même pas attention à Scott qui l'appelait pour lui dire de l'attendre. De toute manière, il n'en avait pas l'intention. Mis à part les plaies apparentes sur son visage, Derek avait vu autre chose qui ne lui avait pas du tout plu. Déjà, le cou bien exposé de Stiles était rouge, un peu bleui par endroits, comme si on avait cherché à l'étrangler. Et ses poignets, qui dépassaient des manches un peu courtes de sa chemise étaient carrément bleus. Ces ecchymoses si sombres lui faisaient froid dans le dos.

Derek n'avait jamais cru à cette lettre. Pas un instant.

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