5 # Les boules de Noël

Joyeux Noël à tous !

Quand on est handicapé, le moindre souci prend de suite des proportions énormes. Par exemple, lorsque l'on se tape une infection cutanée au niveau des aines et du périnée (la zone autour des burnes en gros), ce qui pour le commun des mortels est juste un aléa de la vie est pour moi une terrible mésaventure dont je me serais bien passé...

Tout commence cet été. Un soir de juillet, alors que je suis dans mon lit en train de me mater une série tout en me grattant les bouloches, je remarque une plaque rouge sur mon aine. Je me dis que ce doit être une piqûre d'insecte, probablement une araignée.

Seulement, cette marque ne disparaît pas. Elle n'évolue pas non plus, mais me gratte simplement de temps en temps. Sans plus. Je me décide quand même à prendre rendez-vous chez le dermato, au cas où.

Fin octobre, le diagnostic tombe : ce n'est pas une piqûre d'insecte mais une mycose classique, simplement due à la transpiration et à la macération. La faute à pas de chance. Même en ayant une hygiène irréprochable, ça peut vous tomber dessus... résultat, j'ai un traitement à prendre à base de pommade à m'appliquer sur les zones concernées et d'autres médocs à prendre.

Le souci, c'est que j'ai du mal à me passer de la pommade à cet endroit-là. Figurez-vous que je ne suis pas très agile... cependant, hors de question pour moi de demander de l'aide à quelqu'un, que ce soit un ami ou mon auxiliaire de vie : je peux quand même le faire seul, et ma dignité m'y encourage. Et quitte à se faire palper les couilles par quelqu'un, je préfère que ce soit dans un cadre sexuel !

Je prends mon traitement tranquillement, et les jours passent sans que je me pose trop de questions. J'arrive au terme de mon traitement, et la plaque n'a pas vraiment disparu. Je ne sais pas si c'est à cause de moi qui ai mal appliqué la pommade ou si c'est simplement inopérant. Ceci dit, elle n'a pas grandi non plus. Nous sommes mi-décembre, j'ai d'autres choses en tête que ce souci qui n'en est pas un puisqu'à part la plaque sur ma peau, je n'ai rien, ni même des irritations, alors je me dis simplement qu'il faut juste laisser du temps au temps. Grave erreur.

Quelques jours avant Noël, je suis pris de grosses irritations à l'intérieur des cuisses et juste sous les testicules. Je succombe à l'envie de prendre mes ongles pour les médiators d'un guitariste de heavy metal, et je gratte les accords de mon soulagement jusqu'à en saigner, aveuglé par le bienfait à court terme, en PLS sous la couette. Merde, ça craint. Je me contorsionne à la lumière d'une lampe pour observer les dégâts, et là c'est le drame.

J'ai toujours ma petite plaque sur l'aine droite, mais elle n'est plus seule. Sur la gauche, il y a sa soeur, sauf qu'elle est beaucoup plus étendue : elle part de plus haut et rejoint le petit abri chaud et poilu sous mes bourses. Autant sur les cuisses je distingue parfaitement la différence de couleur entre le rouge et ma peau, autant sur les boules je n'ai pas l'impression qu'il y ait une plaque. Et en dessous, je n'arrive pas avoir. Toujours est-il que je ressens, et ça gratte affreusement. Le sang sous mes ongles en est témoin.

Un ami me conseille un traitement homéopathique. Il s'y connaît, je lui fais confiance. Quelques granules, des huiles essentielles, et tout devrait rentrer dans l'ordre. Mon ami me met en garde sur une chose : pas plus de trois ou quatre gouttes sur un coton. Sinon ça pique. J'ai compris le premier soir.

Avec mes mains de polio, j'ai du mal à verser seulement quelques gouttes. Et comme un idiot, j'ai même oublié le coton. J'applique directement l'huile sur les zones concernées et masse légèrement. Au début, je ne ressens rien. Mais une minute après, ça chauffe.

Ça chauffe beaucoup trop même. Ça brûle !

Ça brûle mais c'est efficace : je n'ai plus envie de me gratter du tout. Par contre, il faut vraiment que je prenne sur moi pour ne pas me coller des glaçons dans le caleçon. La prochaine fois, je ferai beaucoup plus attention aux doses...

Jusqu'au soir de Noël, le problème se gère à peu près grâce à l'homéopathie. Je me mets de l'huile quand ça me gratte, et l'irritation disparaît pour quelques heures. Cela fait juste deux jours, mais ça semble marcher. J'emmène le petit flacon d'huile chez mes parents le soir du 24, au cas où.

Au réveillon, le dîner se passe bien. Mais vers une heure du matin, alors que le couple d'amis que ma mère a invités n'est pas encore parti, je suis pris d'une fulgurante irritation. Ce n'est pas simplement une envie de me gratter très forte, c'est littéralement une sensation de brûlure qui irradie depuis mon périnée jusqu'à mes cuisses. Heureusement, cela semble épargner les parties génitales. Ceci dit, je pense au flacon qui est dans ma poche. L'huile salvatrice n'attend que moi. 

Je demande à ma mère de m'accompagner pour la salle de bain, et le trajet de quelques mètres prend environ cinq minutes, sous le regard inquiet de la table. Déjà que sans ce problème, « marcher » n'est pas évident, alors là... chaque mouvement de mes jambes me fait mal, le simple contact de mes cuisses sur mes bijoux provoquant un spasme de douleur, manquant de me faire tomber à chaque instant.

Me voilà dans la salle de bain. Je demande à ma mère de rester au cas où je tombe, la priant simplement de se tourner pendant que j'applique l'huile. Pendant que je verse le liquide, je me crispe de douleur : j'ai l'impression qu'Odin vient de me foudroyer l'entrejambe, si fort que je renverse un peu trop d'huile sur le coton. Mais ça, je m'en rends compte trop tard...

Une minute après avoir remonté mon caleçon, l'incendie se déclare. Je comprends tout de suite ce qu'il se passe, mais je décide de prendre sur moi. On n'a pas encore attaqué le dessert, et je ne veux pas foutre une vieille ambiance le soir de Noël à cause d'un problème de boules incandescentes.

Le voyage de retour se fait péniblement. Cependant, je parviens à contenir ma souffrance et les convives n'y voient que du feu (et ils ont bien raison...). Je suis prostré sur ma chaise, j'essaye de rester immobile, mais le fait de contrôler ma douleur, que je sois sous tension, provoque des sursauts à chaque fois qu'un jet de flammes me lèche les testicules. J'ai l'impression d'avoir des TOC.

Arrive un moment où mon regard se pose sur le sapin de Noël. Les guirlandes, les étoiles... les boules de Noël, les bonnes vieilles grosses boules rougeoyantes de Noël qui font écho à l'état actuel de mes testicules. Comme deux phares dans la nuit, elles sont immanquables et me narguent de loin.

Les amis de mes parents s'en vont, et à peine la porte claquée, je relâche tout : je gémis longuement comme une bête et m'écroule sur la table. Devant les regards interloqués des membres de ma famille, j'expose le problème, et ma sœur a un avis qui m'interpelle. Elle pense que les frottements sur les zones irritées ont peut-être provoqué une infection qui serait la cause de mes douleurs brûlantes. Ça ajouté à l'excès d'huiles essentielles...

Le truc des frottements expliquerait beaucoup de choses. Quand je ne bouge pas, il est vrai que je ne ressens rien de particulier. Et forcément, étant handicapé, je ne bouge pas énormément. Par contre, dès que je me déplace, c'est une autre histoire : quand je fais mes transferts comme un lourd par exemple. Il y a aussi le fait que je ne porte pas toujours de sous-vêtements et que la peau sur le jean, ça s'irrite très rapidement. Je repense à tous ces moments dans mon canapé où je glisse lentement, les pieds sur la table basse, et que ma position en devient désagréable mais que j'ai la flemme (ou l'incapacité) de la changer.

Nous finissons par partir, et je rentre chez moi, la chair à vif mais néanmoins content d'avoir un début d'explication. Je m'endors rapidement, mais le lendemain matin, je me réveille avec de nouvelles douleurs. Ni une ni deux, je file à la douche. Le jet d'eau sur mes parties enflammées est une véritable bénédiction ! Je fais très attention en me lavant à ne pas appuyer trop fort. J'ai vraiment l'impression de ne plus avoir de peau...

Je fais tout pour limiter au maximum mes déplacements et mes transferts. Assis à mon bureau, je suis dans un cocon protecteur. Dès que l'irritation refait surface, j'applique de l'huile (je ne m'arrose pas non plus, Dieu m'en garde !). Nous sommes le 25 et je ne peux même pas appeler mon dermato ni mon généraliste. Je dois attendre.

Aujourd'hui, le 26 décembre 2015, nous sommes un samedi et je ne peux pas téléphoner pour prendre rendez-vous non plus. Il faut que j'attende lundi, et cela me paraît infiniment lointain. La seule chose positive est que le niveau de douleur du 24 semble loin derrière moi.

Je ne sais pas si le pronostic de mon dermato était bon pas, si j'ai eu une réaction à certains médicaments ou pas, si c'est l'addition de plusieurs choses... tout ce que je sais, c'est que j'ai les rognons en ébullition, que je galère à mort ne serait-ce que pour m'appliquer un simple coton sur les parties, et que je redoute terriblement les moments où je suis obligé de me déplacer, comme par exemple quand j'ai envie de pisser.

La morale de cette histoire, c'est que la prochaine fois que j'aurai un traitement difficile à appliquer moi-même, je n'hésiterai pas : je rangerai ma dignité et confierai mes roupettes à quelqu'un du corps soignant.


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