31 # En plein deux dents !
Avant de vous racontercette nouvelle anecdote, laissez-moi poser le contexte. Nous sommesla veille de Noël, et ma super amie (que je nommerai Claire) et moifaisons les magasins pour trouver des cadeaux à offrir. Ce qu'ilfaut savoir, c'est que quand Claire et moi sommes réunis, nous avonsune fâcheuse tendance à diviser notre Q.I. par quatre et à adopterun comportement de gamin. Ce jour-là, cela a conduit à une fâcheusemésaventure...
Hélas pour moi (maistant mieux pour l'existence de cette péripétie), les batteries demon fauteuil électrique n'étaient pas assez chargées au moment oùnous avons décidé, sur un coup de tête, d'aller faire nos achatsde Noël ensemble. Pas de temps à perdre, ni une ni deux nousembarquons mon fauteuil manuel. Tant pis, Claire me poussera, ça luifera les bras et moi je servirai de caddie !
Après avoir déambulépendant deux bonnes heures et avoir trouvé quasiment tous noscadeaux, nous sommes sur le chemin du retour dans l'une des galeriesmarchandes quand j'aperçois une boutique intéressante. « Attends,pas si vite ! On pourrait trouver quelque chose là-dedans ! »m'exclame-je. C'est à cet instant que tout a basculé. Enfin tout...surtout moi !
Claire opère un trèsvif virage, puis, emportée par son excitation d'enfant dans une courde récré, elle ne stoppe pas son mouvement mais continue à mefaire tourner. Sur le coup, ça me fait bien rire, et elle nes'arrête pas, au contraire. C'est rigolo de faire les cons, çapermet d'oublier les tracas quotidiens ! Seulement, comme elle y vaavec tout son entrain, j'ai de plus en plus l'impression d'être dansune énorme centrifugeuse ! Si, en m'accrochant au fauteuil, j'arriveà me maintenir, ce n'est pas le cas de la pile de cadeaux qui estsur mes genoux. Celle-ci penche dangereusement, et j'ai le malheureuxréflexe d'essayer de la rattraper.
Terrible erreur ! Dèsque mes mains se sont décrochées, je suis emporté par la force dutourbillon et je m'envole littéralement de mon siège à roulettes !Je m'écroule de tout mon long, face contre terre, tête la première,et mon esprit s'embrume pendant quelques secondes. Je ne perds pasconnaissance, et j'entends Claire, absolument catastrophée, medemander si ça va. J'ai la bouche engourdie, et quand je luirétorque « t'as essayé de me tuer, hein petite garce ? » enrigolant pour dédramatiser la situation, une grosse gerbe de sanggicle en même temps.
Elle flippe encore plus,et à ce moment-là je regarde le sol : ne serait-ce pas monhémoglobine qui constelle le sol ?
Un gars de la sécuritédébarque et demande ce qu'il s'est passé, me pose des questions dustyle « quel jour sommes-nous ? » et j'évacue le tout (je parlepas de mon vomi cramoisi là) en répondant très rapidement. Je meredresse légèrement et je prends conscience de l'ampleur desdégâts. Les bouquins que nous avons achetés sont mouchetés desang, je me suis ouvert la lèvre avec mes incisives, et j'en aid'ailleurs une des deux qui est pétée.
Ça, ça m'embête un peuplus. Je ne ressens pas de douleur, donc de ce côté-là c'est cool(et ça coule), mais si je dois passer par la case dentiste pour merefaire un chicot... ça va coûter bonbon tout ça ! Ceci dit, pourle moment, il faut déjà me soigner, et je suis donc transporté auposte de sécurité de la galerie marchande, escorté de près parmon amie qui ne cesse de répéter « je suis trop conne », tandisque je ne cesse de lui répondre « il y a rien de grave, tu verrason finira par en rigoler ». Sacrée Claire, c'est elle qui medéfigure et c'est moi qui la rassure !
Le mec de la sécu medonne de quoi tamponner ma plaie pour ne pas que ça dégouline trop,ainsi que de l'eau pour me nettoyer un peu. J'en ai bien besoin carj'ai pas mal de sang englué dans mes poils de barbe. Cependant, jene préfère pas trop frotter sous ma lèvre, au cas où. On nous ditalors que nous avons deux choix : soit nous nous rendons parnous-mêmes à l'hôpital qui nous plaira pour me faire recoudre,soit nous faisons venir les pompiers, mais il m'en coûtera plusieurscentaines de deniers. C'est vite vu, je suis parfaitement capable defaire le trajet en voiture avec Claire, et c'est ainsi que nousrepartons. Je peux vous dire qu'elle était extrêmementprécautionneuse quand elle poussait mon fauteuil ! Tu parles d'untraumatisme...
En parlant detraumatisme, en n'allant au parking, nous croisons une dame qui afait un malaise à cause de nous. Elle n'a pas supporté la vue detout le sang que j'ai répandu. En passant devant elle, je lui glissequelques mots pour la rassurer sur mon état, mais elle semble encoresous le choc...
Nous nous rendons donc àla clinique conseillée par le gars de la sécu pour sa proximitéet sa rapidité à traiter les patients. Sur place, nous sommesrejoints par deux autres amis avec qui, normalement, nous aurions dûdîner. Alors, ce qui suit est peut-être un point de détail del'histoire, mais il est très important : l'un de ses deux amis (queje nommerai Austin car c'est un grand fan de Goldmember) est en écoled'infirmier.
Il est vrai que danscette clinique, l'attente a été relativement courte, car moins dedeux heures après notre arrivée, j'étais installé dans une salleen attendant mes soins. Enfin, installé... j'ai beau préciser auxdeux infirmières qui se succèdent que si je suis en fauteuil, c'estpas par fainéantise, elles s'attendent à ce que je saute tout seulsur le brancard. Et d'un bras s'il vous plaît, puisqu'une de mesmains est toujours monopolisée par l'application d'un tampon sur malèvre car elle saigne toujours.
Rapidement saoulé, jedemande carrément qu'Austin me rejoigne, arguant qu'il est infirmieret qu'en plus il a l'habitude de « s'occuper de moi » (ça a uneénorme connotation sexuelle dit comme ça, non ?). Il arrive donc,et m'aide comme il se doit. Je ne sais pas quel est le plus graveentre l'incapacité des infirmières à comprendre ma situation et lefait que mon ami ait été autorisé à faire leur travail à leurplace...
Mais attention, le pireest à venir ! Voilà le médecin, un vieux bonhomme bourru etgrisonnant qui semble en mode « travail à la chaîne ». Je suistout à fait conscient que dans énormément d'hôpitaux, notammentau service des urgences, il y a une surcharge considérable pour toutle personnel hospitalier, mais ça n'excuse pas ce qui va suivre.
Le médecin prépare lenécessaire pour l'anesthésie tandis qu'une infirmière, qui acongédié Austin entre-temps sans même le remercier, me nettoie labarbe. Le docteur constate alors une nouvelle plaie : apparemment, jene me suis pas ouvert la lèvre, je me la suis perforée, puisqu'il ya une plaie d'entrée et une plaie de sortie. Ce qui signifie qu'entombant, mais deux incisives ont traversé ma lèvre inférieure.Soit je me la suis mordue extrêmement fort dans un réflexe depanique, soit j'ai percuté le sol sur les dents de devant, ma lèvretranchée entre les deux. J'ai donc une magnifique meurtrièrehorizontale cachée dans ma barbe. Pratique pour un futur percing !
Il va donc falloir merecoudre deux fois, une fois à l'intérieur et une fois l'extérieur.Le médecin m'explique pour l'intérieur, il va utiliser un filrésorbable, mais que pour l'autre côté, je devrais me faireenlever les sutures dans une semaine. Super, dans une semaine je suiscensé être à Lorient pour passer une semaine chez des amis, maisbon, nous aborderons ce passage plus tard.
Le médecin commence àme recoudre l'entaille à l'intérieur de ma bouche. La premièrepiqûre me fait terriblement mal, mais je prends sur moi. C'estl'anesthésie, il faut bien la faire. Et là, je vois les doigts demon tortionnaire tirer vivement sur un fil, mimant à la perfectionun pêcheur qui aurait ferré un énorme brochet. « Maurice, j'en aichopé un gros ! »
Tout compte fait, cen'est pas l'anesthésie. Il n'y a pas eu d'anesthésie. Et le pire,c'est que je ne peux rien dire excepté « ragaga bwabwa ». Jesouffre atrocement. Les quatre points de suture sont comme deshameçons qui me déchirent la gueule. J'en ai les larmes aux yeuxtellement je douille. Mais je me force à me contrôler, ilmanquerait plus que j'ai un spasme pendant que l'autre tocard merecoud.
Une fois son « travail »fini, je le stoppe avant qu'il n'entame le match retour. Je luidemande s'il m'a anesthésié. Il me répond oui. Je lui dis que cen'est pas possible tellement j'ai ressenti la douleur. Il me rétorqueassez dédaigneusement que j'en fais un peu trop.
Mais non mec, je suis pasun fragile comme diraient certains ! L'infirmière abonde d'ailleursdans mon sens, puisqu'elle lui souligne avec une réelle gêne que lenécessaire pour l'anesthésie est sur le plateau, mais qu'il ne l'apas utilisé...
D'une, ce médecin estsoit un idiot, soit il a enchaîné trois gardes d'affilée et il necomprend plus rien à ce qu'il fait. Dans les deux cas, je prendscher.
De deux, cette infirmièreest une gourde, puisque non seulement elle n'a pas été foutuequelques minutes avant de faire son travail quand elle était censéem'aider à m'installer sur le brancard, mais en plus elle a laisséle boucher commettre une grosse erreur.
Le médecin s'excuse àpeine, puis il m'asperge littéralement d'un spray anesthésiant pourla deuxième couture à faire. Effectivement, il y a une énormedifférence ! Je n'ai absolument rien senti.
Il est temps de quittercet endroit de malheur, et nous rentrons mes amis et moi. Clairearbore toujours sa triste mine coupable, et je lui répète encorequ'elle n'y est pour rien, que c'est juste un accident et que cegenre de choses arrive, que ça me pendait au nez depuis le temps queje fais le con avec mon fauteuil. Et c'est vrai que quand j'y repense,avec toutes les conneries que j'ai pu faire, je m'en sors très trèsbien !
Ma lèvre gonflée,j'ai dû passer les repas de Noël à manger en utilisant qu'un côtéde ma bouche. Et j'ai dû demander à ma maman de me couper chaqueplat en tout petits morceaux. Mais à part ça, rien de terrible.
Comme dit précédemment,j'avais prévu de passer les fêtes de fin d'année chez mes amislorientais. Il faut donc que je prenne rendez-vous là-bas pour mefaire enlever mes fils. J'appelle le cabinet le plus proche de chezmes potes, et, après avoir bien demandé si tout était accessiblepour une personne en fauteuil, et après qu'on m'ait répondu parl'affirmative, nous validons le rendez-vous.
Le jour J, surprise ! Lecabinet du médecin se trouve au premier étage sans ascenseur... jen'ai aucunement l'intention de partir, mais heureusement que mon amim'a porté sur son dos jusqu'au local. Une fois que l'on appelle,rebelote, il faut que mon pote me transporte. Mais avant ça,j'interpelle le médecin : « alors comme ça, votre cabinet estaccessible aux fauteuils ? ».
S'ensuit une passed'armes verbale assez hallucinante entre lui et moi. Dans le coingauche du ring, moi, assurant avec insistance que j'avais bel et biendemandé en prenant le rendez-vous s'il y avait un problèmed'accessibilité, et que l'on m'avait répondu qu'il n'y en avaitaucun, moi avec mes fils à enlever et pas vraiment de plan B. Dansle coin droit, un médecin au comportement très théâtral quis'insurge contre mes accusations et qui me demande quel aurait étéson intérêt de me mentir. Je sais pas, peut-être que tu ne saispas contrôler ton appétence de client, espèce de connard ?
J'aurais sans aucunproblème accepter des excuses s'il s'était effectivement trompémais qu'il avait reconnu cette faute tout de suite. Mais là, me traiter de menteur alors que s'il m'avait dit qu'il n'étaitpas accessible, j'aurais simplement pris rendez-vous ailleurs... çapasse pas. Cependant, maintenant que je suis là, malgré tout, j'aitoujours mes fils à retirer.
J'opte donc pour ladiplomatie, alors qu'une voix dans ma tête me hurle que ce n'est pasà moi de le faire et que je suis complètement en raison dans cettesituation. Je préfère toutefois écouter la voix qui me dit qu'unefois que ce sera fait, je n'aurais plus à y penser.
Et le médecin, même sije suis silencieux, continue d'argumenter pour défendre sa position.Je regarde mon pote qui comprend très bien que je suis à deuxdoigts de péter les plombs. Je me tourne vers le docteur et luiassène avec aplomb : « je suis absolument sûr de ce que je dis, jene reviendrai pas dessus. Retirez moi les fils, faites juste votretravail, et je me casse ».
Étrangement, ils'exécute. Et si un esprit pervers (un peu comme le mien je doisl'avouer) ce serait attendu à souffrir pendant le retrait des fils,assujetti aux mains d'une personne énervée et de mauvaise foi, jedois admettre que ce ne fut pas le cas. D'un seul coup, j'ai eu pours'occuper de moi un médecin tout ce qu'il y a de plus respectable etefficace.
Une fois le travailterminé, nous nous quittons sans mot dire (quoi que, je l'ai un peumaudit quand même !). Il ne reste plus qu'une étape : lareconstitution de ma dent cassée.
Là-dessus, j'ai eu de lachance. La partie de ma dent qui a sauté prenait toute la largeur del'incisive, mais seulement quelques millimètres de hauteur. Lesnerfs étaient épargnés, et si ça n'avait pas été le cas, jel'aurais senti depuis le début. Le dentiste que j'ai consulté àmon retour de vacances a constaté que l'autre incisive était fêléemais qu'il n'y avait rien à faire puisque c'était une fêlure nettemais que rien ne bougerait. Enfin, c'est comme ça que je l'aicompris ! Et il y a aussi une petite partie de la canine voisine, sur la face cachée, qui a pris son envol.
La « reconstitution »se passe très bien, et, cerise sur le gâteau, tous mes frais sontpris en charge par la sécu. Si ça c'est pas parfait... tout estbien qui finit bien, et en plus de ça, maintenant, j'ai unformidable moyen de pression sur mon amie Claire pour la faireculpabiliser à la demande !
En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il va falloir que je songe à mettre une ceinture la prochaine fois que je me fais conduire par ma copine avec qui je fais le plus le foufou, sinon, qui sait, nous allons provoquer un prochain carambolage qui restera gravé non seulement dans l'histoire mais aussi sur nos faces !
- - -
Merci de continuer à me lire et à me soutenir ! Voici le FB (http://tinyurl.com/hgguzwk)
Si tu aimes les confessions infirmes, n'hésite pas à acheter le livre !
http://amzn.eu/1SI0nMi
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top