PROLOGUE
6 Octobre 1963, 16h13 - Seoul, Corée du Sud
— Que c'est exotique ! souffle Mary Hawkins en descendant sur le tarmac et en ayant l'impression d'être Christophe Colomb.
Elle maintient sa capeline avec sa main gauche tandis que son autre main vient chercher celle de son grand frère, Peter, qui la réceptionne en bas de la plateforme d'accès. Le vent souffle fortement à leur arrivée et le soleil montre ses derniers rayons de la journée. Les cheveux blonds de Mary tournoient dans tous les sens. Une fois sur la terre ferme, cette dernière se tourne vers le petit avion.
— Tu dois voir ça, c'est complètement différent de Londres ! crie-t-elle pour que son amie l'entende.
— J'arrive dans un instant, répond une voix étouffée dans le fond de la cabine.
— Si tu te caches, tu n'apprendras jamais le véritable sens de la vie, ma pauvre Poppy ! se moque Mary.
Peter secoue lentement la tête, un sourire amusé dessiné sur ses lèvres. Cette situation résume bien la relation entre Mary et Poppy. Elles se chamaillent comme des sœurs et s'amusent comme des meilleures amies.
— Je ne me cache pas !
Mary sursaute. Poppy est apparue au niveau de la porte comme par magie. Elle a un air mécontent sur le visage. Ses cheveux blonds sont emmêlés et elle n'a pas arrangé son maquillage. Mary l'observe longuement. Son regard s'attarde sur les yeux vairons de Poppy. Son œil gauche est noisette et son œil droit est bleu.
Lors de leur première rencontre, quand elles étaient enfants, Mary se souvient que sa mère avait blasphémé Poppy de « sorcière » à cause de cette différence. Heureusement, elle a changé d'avis depuis !
Poppy finit par leur montrer un petit sac hideux dans sa main gauche.
— Je cherchais ceci.
— On est à peine arrivé, et tu égares déjà tes affaires... Que tu rêvasses ! rouspète Mary.
Poppy secoue la tête. Elle se met alors à descendre très lentement les marches. Mary serre les dents en la voyant tenter de garder son équilibre avec ses talons... Avant de partir, elle a refait la garde-robe de Poppy. Il était hors de question qu'elle vienne à l'étranger avec ses vieilles guenilles ! Elle lui a donc offert des tenues complètes et a initié la jeune femme aux talons. Mais... Poppy ne sait pas marcher avec, et Mary sent la catastrophe arriver d'une minute à l'autre dans ces escaliers. Heureusement, son frère, ce grand gentleman, est là pour aider sa meilleure amie. Mary le voit lui prendre la main. C'est une occasion en or pour lui de montrer ce dont il est capable !
— Merci monsieur, lâche Poppy.
— Avec plaisir, Miss Clarke.
Une fois sur la terre ferme, Poppy observe la piste d'atterrissage. Il est difficile de dire si ce pays est différent de Londres ou non. Mary s'est surement agitée à cause des symboles étrangers inscrits sur les avions... Elle a une imagination rocambolesque !
Poppy, originaire de Castle Combe, se tourne vers l'homme de la situation.
— Encore merci, monsieur Hawkins pour votre délicate intention... C'est très aimable à vous de m'avoir convié à votre voyage.
Peter se met à sourire et incline légèrement la tête pour la remercier de sa gentillesse.
— Je sais que vous n'avez jamais eu l'occasion de voyager à l'étranger, Miss Clarke... Cela me rend heureux de savoir que vous découvrez un nouveau pays grâce à moi. Et puis, il aurait été un impardonnable de vous éloigner de ma sœur pendant près d'un mois... Vous êtes tellement inséparables !
— Mon frère a un si grand cœur, ironise Mary.
Une fois les bagages sortis du jet et posés sur des chariots par du personnel, le trio se met à marcher en direction de l'aéroport pour entrer officiellement dans le pays.
En réalité, Mary est consciente que son frère porte un intérêt sérieux à Poppy depuis de nombreuses années... Pourtant, il n'a jamais eu le courage de lui dévoiler ses sentiments par simple pudeur. Poppy a grandi dans une famille démunie. Peter et Mary sont issus d'une famille aisée. De plus, Poppy et lui n'ont pas exactement la même âge... Si Lord Peter Hawkins choisissait de se marier avec une roturière, cela jaserait dans leur société. C'est pour cette raison que Mary est persuadée que son frère a invité Poppy à les accompagner afin de faire sa demande en mariage en toute intimité, sans être influencé par la pression sociale qui règne à Londres.
Malheureusement pour lui, Mary a d'autres projets pour sa sœur de cœur. La voir épouser son frère ne la vexerait pas, mais elle sait que Poppy ne ressent qu'une profonde amitié pour son aîné. Alors, venir en Corée du Sud est le parfait moyen pour lui faire découvrir le sens de l'expression « profiter de l'instant présent. »
— N'oubliez pas, mesdemoiselles, que je suis ici pour affaires et ce pays ne connaît pas une période très joyeuse en ce moment. Alors, ne faites rien d'aberrant... Je m'adresse plus particulièrement à toi, Mary. D'accord ? ordonne Peter sans lâcher sa sœur des yeux.
Mary lâche un petit cri indigné, ce qui fait sursauter Poppy.
Peter est à la tête d'une grande entreprise d'aéronautique en Angleterre. Il veut ouvrir son marché à l'international, et plus particulièrement en Asie. Pourquoi avoir choisi la Corée du Sud ? Bonne question. Il aurait très bien pu choisir la Chine, mais il pense que la Corée du Sud deviendra un marché fleurissant dans les décennies à venir... Il a le droit d'espérer.
— Je suis offusquée Peter ! Tu veux nous enfermer entre de la paperasse, des hommes, en cravates trop serrées, et de vieux bureaux ? Quel dommage... soupire Mary avec un air de chien battu.
Elle vient prendre le bras de son amie pour l'entourer avec le sien.
— Moi qui me faisais une joie de visiter cette ville étrangère avec Poppy, de lui montrer une autre culture, de lui faire découvrir une autre vie...
— Vraiment ? répond Peter, intrigué par le comportement de sa sœur.
Poppy fronce des sourcils à son tour. Mais elle essaie de ne rien laisser transparaître devant Peter. Serait-ce possible que Mary ait prévu d'autres projets pour elles ce soir ? Poppy sait que Mary est plutôt... Très frivole. Alors, penser à enfreindre les règles de Lord Hawkins ou de la morale... Poppy rougit à cette pensée. Elle tourne la tête de l'autre côté pour qu'on ne le remarque pas, et feint d'être subjuguée par l'architecture intérieure du bâtiment, ce qui est loin d'être plaisant à regarder.
— Comment allez-vous faire ? Les gens d'ici ne sont pas bilingues. Et aucune de vous ne connaît le coréen.
— Figure-toi que j'ai fait des recherches, mon frère... Et j'ai trouvé un excellent guide.
— Vraiment ? Un guide ? Tu me surprends de plus en plus... Est-il fiable ?
— Certainement. Il a des diplômes pour ça. C'est une exclusivité, ment Mary.
Peter l'observe longuement avant de céder. Mary s'est intéressée à l'endroit où ils allaient, pour une fois... Serait-elle sur le chemin de la rédemption ? Ses années de rebellions sont-elles enfin derrière eux ?
— Bien. Tu te souviens de la description de l'hôtel que je t'ai donnée ?
— Celui avec une mouette dans une bouée, oui.
— Tu as bien la carte de la ville sur toi ?
— Oui !
— Tu as l'argent que j'...
— Oui, oui, et oui ! Ne t'en fais pas, Peter. Fais tes affaires, nous, on s'occupera en attendant !
Peter s'arrête pour réajuster sa cravate. Puis, il regarde sa montre.
— Je vais faire venir les affaires à l'hôtel. Vous aurez les clés des chambres à l'accueil. J'appellerai l'hôtel à neuve heure pétante pour m'assurer que vous êtes bien là... Mary, tu as intérêt à être à l'hôtel à cette heure avec Poppy. Je me suis bien fait comprendre ?
— Oui, père ! se moque Mary.
Ils s'enregistrent dans le pays et finissent par sortir à l'extérieur de l'aéroport. Mary et Poppy font des signes de main à Peter, qui entre dans un taxi. Poppy observe sa meilleure amie. Elle n'aime pas ses sous-entendus de tout à l'heure... Et son sourire est faux. Elle voulait que Peter déguerpisse au plus vite. Mais pourquoi ? Poppy ressent une montée de nervosité. Elle s'assure que le taxi disparaisse de son champ de vision avant de se tourner vers Mary.
— C'est quoi cette histoire de guide, Mary ?
Cette dernière se tourne à son tour vers Poppy d'un air excité et malicieux. Poppy n'aime pas ça... Elle regrette déjà d'avoir posé la question.
— Je ne te l'ai pas dit, mais depuis plusieurs années, je corresponds avec un Coréen. Il s'appelle Jungsook (elle articule bien). J'avais lu une petite annonce dans le journal pour avoir des correspondants étrangers de tout pays, et c'est tombé sur lui ! C'est devenu particulier aux fils des années... J'ai sauté sur cette occasion pour enfin aller le voir.
— Pour faire quoi au juste... ?
— Pour baiser, Poppy, c'est évident !
La jeune femme écarquille les yeux et se met à rougir. Elle jette un coup d'œil autour d'elles pour s'assurer que personne n'a pu les entendre... Ou les comprendre. Mary peut être si vulgaire parfois ! Elle qui vient pourtant de l'aristocratie...
Poppy ne sait pas quoi dire. Elle veut sortir des mots, mais elle bégaie. Elle change alors de sujet.
— M... Mais... Comment avez-vous fait pour vous comprendre ?
— Justement, c'est pour ça que notre correspondance prenait deux fois plus de temps à arriver. Il traduisait tous ses mots avec un dictionnaire anglais, n'est-ce pas adorable ? Bon, j'avoue que je ne comprenais pas une phrase entière... Mais j'interprétais l'essentiel ! Et puis, il y avait les conflits politiques, et tout le reste... Mais on a tenu le coup !
— Il est plutôt motivé, en effet... Mais quel est le rapport avec moi ? Je ne vais pas vous tenir la chandelle !
Mary lui prend la main et se met à marcher vers un taxi de libre, d'un pas pressé.
— Justement, on a rendez-vous ce soir, et il est amène son meilleur ami avec lui ! Il est temps que tu baises aussi, Poppy...
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