CHAPITRE 90

15 Janvier 2024

Au moment où la voiture de Young-sun se gare devant la Vieille Bâtisse, Pam remarque la présence du van de Sang-kyu. Elle se sent à la fois soulagée mais aussi en colère. Presque une semaine sans nouvelle ! Et il revient comme ça, du jour au lendemain, sans un mot ? Elle l'aperçoit d'ailleurs en pleine discussion avec Hyun-su à l'accueil, tenant sa caméra dans ses mains, prêt à filmer quelque chose de croustillant.

Je vais le tuer, souffle Pam en français.

— Quoi ? lui lance son petit ami.

Elle se détache, ouvre la portière, la claque et entre brusquement dans le bâtiment, l'air contrarié. Sang-kyu se tourne vers elle avec un sourire idiot accroché aux lèvres.

Noona ! Tu m'as manqué !

Pam serre son sac à main et n'hésite pas à frapper Sang-kyu avec.

— Espèce d'idiot !

Ya ! Qu'est-ce que j'ai fait ? crie son meilleur ami en tentant de se protéger avec ses bras.

— À ton avis ! continue-t-elle sans s'arrêter.

Mais, la jeune femme se retrouve vite essoufflée. Elle s'arrête, souffle bruyamment et remet correctement ses cheveux. Une fois calmée, elle lance un regard noir à Sang-kyu.

— Tu es introuvable depuis cinq jours ! J'étais morte de trouille... Je pensais que tu étais mort. Abruti !

— Mais non... J'étais malade ! J'ai attrapé froid l'autre soir après ma sortie, et je suis allé chez mes parents pour me reposer.

Pam lâche un soupir exténué. Ses sourcils restent froncés à cause de son irritation. Elle jette ses cheveux en arrière.

— Et comment j'aurais pu deviner ? Tu ne répondais pas au téléphone et tu ne m'as jamais présenté tes parents. Comment j'pouvais connaître leur adresse pour te rendre visite ou même leur téléphoner pour avoir de tes nouvelles ?

— Je suis désolé...

Elle lui donne un nouveau coup de sac.

— Idiot !

— Mais arrête ! gémit Sang-kyu en se frottant l'épaule.

Pam pousse un énième soupir et commence à se rendre devant la double-porte des escaliers. Mais au dernier moment, elle tourne les talons et menace son meilleur ami avec son sac.

— Pour la peine, tu vas descendre avec moi.

— Oh non, s'il te plait, tout mais pas ça !

— J'ai pas terminé !

Elle croit entendre quelqu'un déglutir à côté d'eux.

— On va faire une cession historique avec le docteur Kang. Si tu te plains une fois de l'odeur, ou quelque chose du genre, je t'assure que...

Mais elle se contient. Elle a cru le perdre il y a quelques heures de ça. Pam ne veut pas dire ce qu'elle pourrait regretter plus tard.

— Bref. Allons-y ! ordonne-t-elle en indiquant les escaliers.

Elle se retourne et ouvre la marche. Elle descend les escaliers en se tenant à la rambarde. En plus de ses pas, et de ceux de Sang-kyu, elle croit en entendre une tierce personne...

— En fait, pourquoi tu pensais que j'étais mort ?

— La psychose, répond-elle rapidement sans vouloir entrer dans les détails.

Hors de question de lui dire qu'elle l'a cru mort après l'appel du lieutenant Baek. Et si elle racontait ça, elle devrait aussi expliquer la raison de cet appel... Et ça trahirait le secret. Enfin, l'un des secrets. Pam sursaute en apercevant Young-sun à ses côtés. Bordel ! Il n'a rien dit depuis qu'elle est entrée dans la Vieille Bâtisse... Un vrai fantôme !

Le trio arrive rapidement en bas des escaliers. Pam jette un coup d'œil vers Sang-kyu avant de pousser la double-porte. La première fois que son ami est descendu ici, il est remonté aussitôt, et depuis, il descend très rarement... Juste pour venir la chercher. Sang-kyu lui fait signe que tout va bien. Ils s'avancent tous les trois dans les couloirs. Pam parcourt ce labyrinthe jaunâtre et s'arrête au niveau du bureau du docteur Kang. Young-sun les dépasse et Pam lui fait un petit signe de la main avec un sourire.

— À tout à l'heure !

Il lui répond par un sourire et un signe de main à son tour. Pam jette un regard en direction de Sang-kyu, pour vérifier qu'il ne parte pas en courant, avant de toquer doucement à la porte du docteur Kang.

— J'arrive, j'arrive, j'étais dans le laboratoire ! informe une voix dans le couloir.

Sang-kyu sursaute et se colle à Pam.

— Un fantôme ! murmure-t-il.

— Mais non ! maugre-t-elle.

Néanmoins, la jeune Française comprend le ricochet de l'effet acoustique des couloirs. Le son résonne beaucoup et on a l'impression que les gens sont juste à côté par moment... La Vieille Bâtisse un lieu très étrange qui semble posséder ses propres règles physiques.

Le docteur Kang apparait soudainement. Pam ne peut s'empêcher de sourire en le voyant. C'est un vieil homme si sage et plein de vie ! Avec lui, elle ne s'ennuie pas et apprend de nouvelles choses tous les jours.

— Votre weekend s'est bien passé, docteur Kang ? questionne-t-elle, tandis qu'il se rapproche avec ses clés en main.

— Très bien, et vous mademoiselle Cosson ?

— Oui, très bien aussi.

L'illusion est parfaite.

— Et vous, Sangkyu-shi ?

— Je me suis remis doucement de ma maladie, informe le jeune caméraman à l'ancien.

Pam observe le docteur Kang insérer la clef dans la serrure et la tourner pour déverrouiller la porte. C'est la première fois qu'elle va voir le bureau du docteur Kang... C'est un peu impressionnant. La lumière s'allume et elle découvre qu'il est plus grand que celui de Young-sun. Hormis que ça soit le bazar. Il y a des piles de dossiers, des bibelots ici et là et un vieil ordinateur datant des années 2000, comme celui de Young-sun. Si elle ajoute des Playmobil et des guirlandes lumineuses, ils pourraient jouer à Godzilla détruisant la ville de Tokyo...

— Entrez, je vous en prie, c'est par ici.

Le docteur Kang se dirige vers une porte que Pam n'avait pas discernée. Avec ses clés, il l'ouvre également et tire sur une ficelle pour allumer une ampoule. Pam le rejoint en essayant d'éviter de faire tomber les tours de papiers. Sa mâchoire tombe quand elle perçoit l'intérieur de ce qui semble être un cagibi. Il y a des cartons poussiéreux, des mallettes, des dossiers jaunis par le temps... Le docteur Kang ne doit pas ouvrir cette porte tous les jours ! Toutes les décennies, à la rigueur...

— Oh mon dieu, s'autorise à souffler Pam.

— Et oui, il y a de quoi faire ! Au moins, on sait que vous serez ici et non à chasser les meurtriers, n'est-ce pas ? lâche le docteur Kang dans un rire.

— En effet...

Quand elle se tourne vers Sang-kyu, elle remarque qu'il est déjà en train de filmer. Il aurait pu la prévenir pour qu'elle se recoiffe un peu au moins ! Et puis, elle n'a même pas installé les micros, le son sera horrible. A-t-il oublié parce qu'il se remet de sa maladie ? Est-il encore un peu dans les vapes ? Ou est-ce la faute des coups qu'elle lui a donnés un peu plus tôt ?

— Coupe ta caméra, on va régler quelques trucs.

Une fois les micros mis en place, et une petite retouche beauté, Pam peut reprendre normalement le documentaire. Le docteur Kang leur a fait de la place autour de la porte pour qu'elle fouille les papiers sans trop de difficulté Elle saisit un premier carton, qui s'avère extrêmement lourd, et le pose au sol. Un cadre photo sert de couvercle pour protéger son contenu. Pam dépoussière le cadre et plisse les yeux pour regarder la photo. C'est une photo en noir et blanc. Elle reconnaît la devanture de la Vieille Bâtisse. Et il y a un couple devant qui sourit. Pam remarque que la femme est vraiment très belle.

— Ce sont mes parents, le jour où ils ont ouvert en 1951. Au début, ce n'était qu'un service de pompes funèbres... Quand j'y pense, ils étaient si jeunes ! explique le docteur Kang en regardant la photo d'un air nostalgique.

— Votre mère est vraiment belle. On vous a déjà dit que c'est le portrait craché de la chanteuse Irene du groupe Red Velvet ?

— Non, jamais, c'est la première fois !

— Vous connaissez le groupe ?

— Pas du tout.

Ils se mettent à rire tous les trois. Pam se tourne ensuite vers Sang-kyu.

— Tu peux couper. Me filmer en train de fouiller et essayer de décrypter les documents, ça va être ennuyant. On filmera quand j'aurais acquis assez de connaissances. Ce sera mieux pour expliquer de manière fluide.

— Bonne idée.

— Je ne fermerai pas mon bureau. Prenez le temps nécessaire pour lire tout ça, signale le docteur Kang.

— Je pense que je vais faire carton par carton. Je vais aller dans le bureau de Young-sun, comme ça je ne vais pas vous déranger si vous revenez.

Et créer un accident de dossiers...

— Comme vous voulez, mademoiselle Cosson. Je retourne à mon laboratoire. Bonne chance !

— Et moi je vais retrouver un oxygène convenable... enrichit prudemment Sang-kyu.

Sur ce, les deux hommes disparaissent du bureau. Pam sort son portable et prend en photo les parents du docteur Kang. Puis, elle l'envoie à Harin. Elle va adorer. Sa meilleure amie est une fan de Red Velvet ! Après ça, elle déplace doucement le cadre sur le côté et observe le cagibi. Bon, elle a déjà sorti un carton à l'extérieur, alors, pourquoi ne pas s'en occuper tout de suite ? Elle remonte ses manches, cale bien son sac à main sous son aisselle et soulève le carton en prenant une grande inspiration. Les quelques mètres qui la séparent du bureau de Young-sun sont une vraie torture. Quand elle arrive au pied de la porte, elle pose un peu trop brusquement le carton au sol, créant alors un bruit assourdissant. Ce bruit fait un curieux : Young-sun lui-même qui ouvre la porte de son bureau. Le jeune médecin baisse la tête vers elle en fronçant des sourcils.

— Mais qu'est-ce que tu fais ?

— Coucou.

Sans qu'elle n'ait demandé quoi que ce soit, il saisit le carton, comme s'il était rempli d'air, et le rentre dans son bureau. Elle le suit et referme la porte.

— Quitte à passer des heures toute seule, à fouiller des documents tout poussiéreux, je préfère le faire en compagnie de mon petit ami !

Young-sun pose le carton au sol. Pam est vraiment impressionnée. Il est si musclé que ça ? En fait, ça se voit quand même un peu au niveau de ses épaules... Et, il est vrai qu'elle ne l'a jamais vu torse nu encore. A-t-il les fameux « six abdos » ? La jeune femme secoue la tête. Qu'est-ce qui lui prend ? Ce n'est pas le moment de penser à ça !

— Merci, dit-elle après s'être raclé la gorge.

Pam s'installe ensuite au sol face au carton. Elle pose son sac à main près d'elle et commence à fouiller en recouvrant le sol de papiers qu'elle juge inutiles. Young-sun se remet à son bureau et pianote sur son clavier d'ordinateur. Pam sort son bloc-notes et écrit toutes les informations qu'elle trouve pertinentes dans certains documents. À un moment, elle trouve un gros carnet gris tout corné et abimé. Les pages ont l'air jaunis et il y a des morceaux marrons qui en dépassent. Ça ne lui donne pas du tout envie de l'ouvrir. Et si c'étaient des cafards ou des petites souris crevés ? Elle n'ose même pas sentir le carnet ! Dans une moue, elle le pose alors sur le côté et continue de fouiller. Elle aurait aimé tomber sur l'acte de vente de propriété mais il doit être dans un autre carton... C'est très mal trié ! Toutes les informations sont mélangées. Le docteur Kang ne s'en est jamais occupé, ça se voit. Pam lâche un petit soupir.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu ne trouves pas ton bonheur ? demande Young-sun sans lâcher l'écran des yeux.

— Tout est mélangé. On dirait que tout a été rangé à la va-vite. Tu sais, quand le docteur Kang a ouvert la porte, on aurait dit que c'était la première fois qu'il y mettait les pieds. Il y avait de la poussière partout, des toiles d'araignées... Rien n'a été bougé depuis un sacré bout de temps... Tu en sais plus sur ses parents ?

Young-sun secoue la tête et se lève pour rejoindre Pam.

— Il en parle très peu. Je crois qu'ils sont morts assez jeunes.

Elle le voit soulever et observer quelques papiers curieusement.

— Ce seraient donc aussi leurs affaires personnelles ? Regarde, ici il y a un dessin. Ici... Euh... Quelque chose ? Et là, un vieux rapport d'une autopsie datant des années soixante-dix. Ce carton n'a aucun sens, épluche Pam.

Young-sun vient lui caresser le haut du crâne.

— Tu es plutôt douée pour trouver des infos. Tu trouveras surement d'autres choses plus intéressantes dans les autres cartons.

— Tu as raison, sourit-elle.

Il se redresse.

— Je dois te laisser, j'ai rendez-vous dans l'autre salle.

Pam fait une légère grimace. Par moment, elle oublie que Young-sun n'est pas qu'un simple et jeune docteur sexy, mais qu'il a aussi l'habitude d'ouvrir des corps.

— À toute !

Young-sun sort du bureau. Elle lâche un soupir, range tous les documents sortis dans le carton et... Se fige pendant un bref instant. Quelle idiote ! Elle aurait dû demander à Young-sun de ramener le carton dans le bureau... Au final, ne serait-ce pas mieux de travailler dans le bureau du docteur Kang ? Cela éviterait des allers-retours inutiles et de se casser le dos...

Après avoir poussé le carton pendant deux minutes, Pam arrive devant le bureau du docteur Kang. Comme convenu, la porte est restée grande ouverte, et même s'il n'est pas là, elle préfère toquer. Malgré le bordel, elle réussit à pousser le carton jusqu'à l'intérieur du cagibi. Elle remarque qu'une photo est tombée au sol. Quand elle la soulève pour la regarder, elle découvre un nourrisson. C'est surement le docteur Kang ! C'est marrant de voir un bébé en noir et blanc. Un sourire se dessine sur ses lèvres. Elle caresse la tête du bébé doucement.

Gwiyeobda.

Elle pose la photo en hauteur, à côté du cadre où se trouve ses parents, mais grimace en voyant ses mains pleines de poussière. Elle décide alors de remonter pour se laver les mains. Et évidemment, le réseau étant revenu, son portable n'arrête pas de vibrer avec les notifications des réseaux sociaux.

Une fois ses mains sèches, elle sort son portable de sa veste et le déverrouille pour regarder les notifications les plus importantes. Pam tombe sur un message du lieutenant Baek qui lui demande si elle a avancé dans sa recherche. Ah oui, mince, la voiture... Elle avait déjà oublié cette mission !


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"Gwiyeobda" est la traduction de « C'est mignon »

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