CHAPITRE 89
13 Janvier 2024
— Tu n'as que des valises ? lui demande Young-sun après avoir posé les deux dernières dans son salon.
— Les meubles de la chambre étaient loués avec cette dernière... Donc oui. Je n'ai jamais eu de meubles vraiment à moi.
Son petit ami s'assoit lourdement sur le canapé et tend une main vers elle.
— Approche.
Pam sourit lentement en se rapprochant de lui. Elle décide de s'allonger sur le meuble confortable et de poser sa tête sur ses genoux. Young-sun vient l'enlacer, déposer un baiser sur son front et se redresser en caressant le haut de son crâne. Ils rechargent leur batterie quelques minutes dans cette position. Pam remarque que Young-sun a l'air détendu et apaisé, ce qui lui fait plaisir. Elle ne peut s'empêcher de l'observer longuement. Il est tellement beau sous cette lumière ! Elle a de la chance de l'avoir rencontré.
— C'est agréable.
Young-sun acquiesce silencieusement, les yeux fermés.
— Dis, il m'est venu une idée, lâche-t-elle.
— Laquelle ?
— Demain, c'est le Diary Day, et je me disais qu'on aurait pu...
Il ouvre les yeux et baisse son regard sur elle.
— C'est stupide, souffle-t-il.
Pam se redresse et pivote vers lui. Ses sourcils se froncent.
— Qu'est-ce qu'il y a de mal à ça ?
— Ce n'est qu'une date du calendrier parmi tant d'autres. Je trouve ça idiot que les couples fêtent quelque chose tous les quatorze du mois.
Pam plisse des yeux. Ça veut dire qu'il ne voudra pas de la Saint-Valentin, et qu'elle n'aura pas son White Day ? Ses pensées semblent se traduire sur son visage, puisque Young-sun prend un air désolé en attrapant sa main.
— Euh, je veux dire... Ce n'est pas une date si importante que ça.
— Mais c'est dans ta culture. Et ça me fait plaisir d'y participer...
Après tout, peut-être qu'elle y va un peu fort. Ça ne fait même pas un mois qu'ils sortent ensemble et Pam lui met déjà la pression pour les fêtes de couple. Est-ce qu'elle va finir comme Harin, à demander à Young-sun de s'habiller de la même couleur qu'elle ? Non ! Ce serait affreux... Un vrai cauchemar ! Elle refuse d'être ce genre de petite amie. Et puis, Young-sun n'est sans doute pas habitué à ce genre de chose. C'est un bel homme, il a surement déjà eu des petites amies avant elle, mais... Disons qu'on ne rencontre pas tous les jours son amour de son ancienne vie. La jeune femme sourit lentement.
— Oh, et puis... Tu as raison ! On a aucun journal intime à s'échanger de toute manière... Et puis, on connait déjà tout l'un de l'autre. Il n'y a rien de nouveau !
— Tu es certaine ? Tu semblais vraiment avoir envie de le faire... Si ça te fait plaisir, je peux...
— Non, ne t'inquiètes pas. Et puis, tu n'as pas de journal intime, j'imagine ?
Il secoue la tête.
— Moi non plus ! Alors... Problème résolu !
Elle sourit et l'embrasse sur la joue. Elle se lève du canapé et attrape une grosse valise dans ses mains.
— Je vais commencer à m'installer, y'a du boulot ! dit-elle en la faisant rouler vers la chambre à coucher.
****
Les images de son rêve sortent de son esprit. Ses yeux s'ouvrent difficilement. Son cerveau met un certain temps à analyser la situation. Elle se trouve dans une pièce noire mais ce n'est pas sa chambre habituelle... Ah mais oui ! Elle a emménagé chez Young-sun maintenant, donc désormais, c'est aussi sa chambre. Ce dernier l'enlace d'ailleurs dans ses bras. Pam peut sentir le souffle de Young-sun lui chatouiller la nuque. Mais ce n'est pas ce qui l'a réveillé. Son portable vibre fortement sur la table de chevet, à côté du la petite veilleuse en forme de tigre. Elle saisit son portable, encore dans le brouillard, et colle l'appareil à son oreille en refermant les yeux. Elle imagine Harin ou Sang-kyu au bout du fil, même si elle n'a plus de nouvelles de ce dernier depuis trois jours. Il n'est pas venu à la Vieille Bâtisse quasiment toute la semaine. Il est sans doute malade et avec ses proches, mais Pam ne peut s'empêcher d'être inquiète.
— Ouais ? lâche-t-elle d'une voix pâteuse.
— Mademoiselle Cosson, je vous réveille ? C'est le lieutenant Baek.
Ses yeux s'ouvrent et elle se redresse brutalement, réveillant au passage Young-sun. Il se redresse à son tour et allume la petite lumière en se frottant les yeux. Pam recule son portable de son visage. En effet, le contact du lieutenant s'affiche sur son téléphone, et il est... Quatre heures du matin !
— Il s'est passé quelque chose ? s'affole-t-elle en remettant l'appareil près de son oreille.
Son cœur commence à tambouriner maladivement dans sa poitrine. Et si cet idiot de Sang-kyu s'était noyé dans le fleuve Han et que le lieutenant Baek venait de le repêcher ?
— J'ai besoin de vous voir. Avec le docteur Kwan. Vous pouvez vous faire discrets ?
Pam se tourne vers Young-sun. Il semble aussi perdu qu'elle, mais il acquiesce tout de même.
— Bien sûr. Où est-ce qu'on doit vous rejoindre ?
Deux heures plus tard, la voiture de Young-sun se gare devant un petit garagiste de campagne. Il n'y a aucune autre habitation à l'horizon à moins de dix kilomètres. Le lieutenant Baek est en train de fumer devant le bâtiment. En les voyant, il jette sa cigarette au sol et se rapproche de la voiture. Young-sun baisse sa vitre pour pouvoir lui parler.
— J'espère que vous avez l'estomac bien accroché. Ça se passe là-dedans.
Sans rien ajouter, il fait demi-tour, entre par une porte de service et la ferme derrière lui. Pam et Young-sun se jettent des regards inquiets. À contre cœur, Pam se détache et sort de la voiture. Le vent glacial ne l'aide pas à voir du positif dans cette atmosphère plutôt sordide. Young-sun prend sa main et la serre, ce qui lui donne un peu de chaleur. Ils entrent par la porte et la referment derrière eux. Aussitôt, deux agents de police commencent à les fouiller.
— Pas la peine, ils sont de la maison, apprend le lieutenant Baek quelque part dans la pièce.
Les agents se reculent et les laissent passer. La pièce entière est plongée dans le noir, sauf une partie qui semble éclairée et cachée derrière des étagères remplies d'outils en tout genre. Pam fait le tour et son pouls se remet à paniquer. Elle s'attend à voir son meilleur ami allongé sur une table métallique et sans vie à tout moment. Travailler dans une morgue la rend-elle parano ?
Mais en voyant le malheureux spectacle devant elle, Pam recule d'un pas et couvre sa bouche avec ses mains. La peur est vite remplacée par le dégout et elle se tourne pour refouler un haut de cœur en respirant profondément dans ses mains.
— On les a repêchés, il y a deux heures, dans le fleuve Geum. On a déjà trouvé leur identité. Ils étaient portés disparus.
— Sans prise d'ADN ? demande Young-sun.
Pam ressent de la perturbation dans la voix de son petit ami. À l'aveugle, elle tend sa main pour chercher la sienne. Elle la trouve aussitôt et la serre.
— Le connard qui a fait ça a oublié la carte d'identité de monsieur dans sa poche...
Pam prend une grande inspiration et se retourne lentement. Elle en a vu des corps, mais ceux-là sont vraiment affreux. L'état de décomposition est bien avancé... On dirait qu'ils ont fondu. Elle n'arrivera jamais à enlever cette image de sa tête. Elle sent que Young-sun lui serre la main.
— À quand remonte la disparition ? La voiture a l'air plutôt moderne, questionne finalement Pam.
— À trois ans.
Le jeune couple d'enquêteurs se lancent un regard déconcerté. Ça ne veut dire qu'une seule chose... Les meurtriers de Poppy et de Yae ont bien engendré un héritier en herbe, qui a engendré à son tour des tueurs. Parce que Pam imagine mal un bébé des années 1960 continuer à tuer des gens en 2021. C'est une tradition familiale comme dans La Casa de Papel ou quoi ?
— Et la plaque de la voiture ?
— On y travaille. Mais elle est surement fausse. Si la voiture a été louée ou volée, on va devoir fouiller dans les papiers administratifs, explique le lieutenant Baek.
— Pourquoi vous nous avez fait venir ? questionne Young-sun.
— Vous connaissez les deux autres dossiers et malheureusement, l'un deux a été suspendu pour manque de données, comme vous le savez déjà. Mais vous (dit-il en pointant Young-sun avec une autre cigarette non allumée entre les doigts), vous êtes, certes, renfermé sur vous-même mais vous n'avez pas l'air idiot. Et vous (il désigne ensuite Pam), vous êtes brillante. Agaçante et fouteuse de merde, mais brillante.
— Nous sommes comblés par ses compliments, ironise Young-sun.
— Je n'ai pas terminé. Je ne veux pas que ça sorte d'ici. Ça reste entre nous, d'accord ?
— Vous parlez d'une enquête en off ? Sans le lieutenant Jung ? suppose Pam, un sourcil haussé.
Cette fois, elle évite de regarder Young-sun, ça ferait trop suspect.
— C'est exact. Je veux savoir pourquoi on retrouve ces foutus bagnoles sorties tout droit d'époques différentes dans la flotte.
— Et si d'autres voitures sont sorties de l'eau et que le lieutenant Jung s'en occupe, vous allez faire comment s'il découvre que vous en avez caché une ici ? demande-t-elle.
— J'improviserai.
— Mais vous risquez de perdre votre place, non ?
Le lieutenant Baek ne répond pas et pivote pour fouiller la table à côté de la voiture. Il met la cigarette dans sa bouche pour la tenir.
— Le médecin légiste va bientôt revenir pour prendre les corps, et je vais devoir annoncer la mauvaise nouvelle aux familles, ce dont j'ai horreur... Je parle des pleurs et de la morve qui coule du nez, ça m'horripile.
— Mais je suis déjà là, déclare Young-sun.
— Vous avez assez de macchabées comme ça, docteur Kwan. Je vous veux sur le terrain, pas dans votre laboratoire de savant-fou.
— Des victimes, ce sont des victimes, rectifie Pam avant que son petit ami ne s'en charge d'un ton un peu trop houleux.
— Appelez-les comme vous voulez, souffle le lieutenant.
Il revient avec des documents et les tend à Young-sun.
— Ce sont toutes les infos que le médecin légiste a récupéré sur le moteur. Le numéro de série, et tout le tralala. Faites-en bon usage.
Young-sun pousse un soupir.
— En fait, vous nous chargez de « fouiller les papiers administratif » à votre place, n'est-ce pas lieutenant Baek ? Ce n'est pas du tout une enquête en off, on fait vos sales besognes.
— Vous êtes décidemment trop malin pour moi, docteur Kwan, mais vous n'avez pas le choix.
Pam saisit les documents des mains de Young-sun. Il lui jette un regard mécontent.
— Je peux très bien m'en charger. Ce n'est pas dangereux de fouiller l'administratif. Et je suis plutôt douée pour ça.
Il acquiesce silencieusement puis se tourne vers le lieutenant Baek.
— Et si le procureur chargé de l'enquête découvre ce qu'on fait ? Et s'il en parle au lieutenant Jung ? interroge Young-sun.
— Ne vous faites pas de soucis pour ça, je sais ce que je fais. Faites votre travail, et je ferai le mien.
Si Pam avait su, elle n'aurait jamais décroché cet appel... Young-sun pourrait perdre sa place à cause de cette histoire... Mais ça leur a au moins permis de comprendre qu'il existe bel et bien des descendants... Quelle autre surprise les attend encore ?
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Le "Diary Day" est un évènement pour les couples en Corée du Sud
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