CHAPITRE 86
— Je suis maître Bok. Vous connaissez la procédure quand il s'agit de mineur, se présente le premier homme en tendant sa main vers Young-sun.
Pam déglutit en observant cette scène. Il y a un autre homme et une petite fille avec lui. Son visage est tuméfié des bleus. Et elle tient une poupée dans ses mains. Young-sun sert la main de l'avocat. Il sert ensuite la main de l'autre homme.
— Je suis le papa, Gyeon Jun.
Ce dernier pousse gentiment sa fille vers la chaise pour la faire asseoir. Elle serre la poupée contre elle. Young-sun sourit doucement pour rassurer la petite.
— Bonjour. Je suis Young-sun. Et toi, comment tu t'appelles ?
— Ae-ri, lâche l'enfant d'une petite voix.
— Gyon Ae-ri, c'est un joli prénom... Et dis-moi, quel âge as-tu ?
— J'ai cinq ans, dit-elle en le montrant avec sa petite main.
— Que tu es grande ! Tu vas donc à l'école ? (Elle hoche la tête). Quelle est ta matière préférée ?
— J'aime bien entendre la maîtresse raconter des histoires.
Pam trouve cette petite adorable comme tout. Alors, la voir dans cet état la met en colère. Quelle ordure lui a fait ça ? Quel genre de personne ferait du mal à un enfant ?
— Et toi Oppa, quelle est ta matière préférée ?
Son père se penche aussitôt vers elle.
— Voyons ma puce, tu ne peux pas l'appeler comme ça... C'est un docteur, pas ton Oppa.
— Ce n'est rien, répond Young-sun, tu peux faire ce que tu veux.
Il lève les yeux vers les deux étudiants et les désigne avec son menton.
— Je te présente Pam et Sang-kyu. Ils sont gentils comme tout et ils travaillent avec moi. Est-ce que ça te dérange qu'ils soient ici ?
La petite se tourne vers eux. Pam lui fait un petit signe de main avec un sourire qui se veut amical. Sang-kyu, quant à lui, lâche un petit « annyeong ». Ae-ri revient ensuite vers Young-sun et secoue la tête.
— Ils peuvent rester.
Young-sun commence alors à taper sur le clavier de l'ordinateur.
— Alors, dis-moi Aeri-ya... Je vois que tu t'es fait un gros bobo au visage. Tu peux me dire comment c'est arrivé ?
La petite regarde longuement son père avant de se tourner vers Young-sun.
— C'est le monsieur de l'école...
— Le monsieur de l'école ?
— Oui, avec son camion... Il a essayé de me prendre.
Pam déglutit une nouvelle fois. Une tentative de kidnapping, donc.
— Et ce monsieur t'a frappé au visage pour te prendre ?
— Oui...
— Est-ce qu'il t'a touché ou frappé autre part ?
Young-sun pianote sur son clavier. Pam remarque que ce bruit semble déranger la petite.
— Oui...
— Tu peux me dire où ?
Elle se mure soudainement dans le silence, en serrant encore une fois la poupée contre elle.
— Aeri-ya ? s'inquiète Young-sun.
— Parles ma puce, c'est important que le docteur sache où tu as mal pour te soigner, précise son père en frottant son dos.
La petite sursaute. Pam a soudainement un doute. Qui plus est, elle ne pense pas que Young-sun applique les bonnes méthodes pour s'adresser à une petite fille. Tout doit être impressionnant pour elle à l'heure actuelle ! Il y a cinq adultes autour d'elle dont quatre inconnus. Elle est assise devant un énorme bureau qui la dépasse quasiment. Il faut que Pam fasse quelque chose pour la mettre à l'aise... Elle réfléchit.
— Woah ! Yeppeuda ! s'exclame d'un ton émerveillé Pam en brisant le silence pesant.
Sang-kyu lui lance un regard interrogateur. La jeune femme l'ignore et s'accroupit à côté de la petite Aeri.
— Tu as une jolie poupée ! Je n'en ai jamais eu une comme ça. Comment elle s'appelle ?
— Aliel...
— Oh, comme la sirène ?
— Oui ! Tu connais ?
— Évidemment ! Mais... Oh ? Que vois-je ? Tu l'as maquillé ? Que c'est bien fait !
La petite se rapproche de son oreille pour lui murmurer :
— Je vais te dire un secret... C'est fait avec des feutres...
Pam peint une expression surprise sur son visage.
— Mais non ? J'te crois pas !
Elle se recule pour la regarder. La petite a retrouvé le sourire, c'est déjà ça.
— Est-ce que tu veux bien me montrer comment tu dessines ?
La petite hoche la tête. Pam tend sa main pour l'inviter à la suivre. Aeri saisit sa main sans hésiter. Elles se rendent ensuite sur une petite table basse et s'assoient au sol. Pam fouille dans son sac à main et en sort une demi-feuille vierge. Elle continue sa recherche pour tenter de trouver des feutres mais ne trouve qu'un pauvre crayon à maquillage ridicule.
— Je suis désolé. Est-ce que ça va suffire ? demande-t-elle en lui tendant.
— Oui ! indique Aeri en prenant le crayon et en commençant à dessiner.
Pam tourne légèrement la tête vers les autres. Elle fait un signe discret à Young-sun, en lui indiquant la porte de son bureau. Il saisit rapidement le message.
— Messieurs, un café, ça vous tente ? s'empresse-t-il de proposer en se levant de sa chaise.
Pam se tourne vers Aeri.
— Est-ce que tu veux quelque chose à boire, ma puce ?
— Un jus d'orange, s'il te plait.
— Je n'ai pas bonne mémoire. Vous me suivez pour m'aider, messieurs ? La machine est de l'autre côté du couloir, indique Young-sun en ouvrant la porte.
L'avocat lui lance un regard suspicieux en sortant. Quand la porte est fermée, Pam réfléchit à comment elle va procéder. Si elle est trop directe, la petite risque de se braquer... Et si elle n'est pas assez précise, les réponses ne vont servir à rien. Et surtout, elle ne doit pas lui indiquer comment répondre... Ce serait un faux témoignage. Elle a vu un documentaire un jour sur ça.
— Tous ces gens ici... C'était impressionnant hein ? commence-t-elle.
— Oui. Je suis timide, répond la petite, concentrée sur son dessin.
Les manches de son pull remontent légèrement et Pam peut apercevoir des bleus au niveau de son poignet.
— Oh... Tu as un bobo ici aussi ? As-tu mal comme à ton visage ?
La petite hoche doucement la tête.
— Oui.
— Est-ce que tu as les mêmes bobos autre part ?
— Oui. J'ai mal partout.
Pam pousse un petit soupir.
— Le monsieur qui a essayé de te prendre était vraiment méchant...
La petite hoche la tête, silencieusement.
— Mais dis-moi, tu es très rusée ! Tu as réussi t'enfuir avant qu'il ne te prenne ? Tu dois être rapide !
C'est là où ça coince. Un homme a tenté de la kidnapper et l'a frappé pour... La rendre faible ? Ça n'a aucun sens. Un adulte est plus fort qu'un enfant, cet homme n'aurait donc eu aucun mal à la kidnapper et à filer en vitesse avec son camion. Et, pas besoin de la frapper pour ça ! Cependant, elle n'aurait pas pu s'enfuir toute seule... Quelqu'un était là. Enfin... Bref.
— Un super-héros est venu te sauver, c'est ça ? Tu sais, j'ai toujours voulu rencontrer Spiderman... Alors si tu l'as vu, dis-le-moi, ce sera notre petit secret.
Elle arrête de dessiner petit à petit et lève ses grands yeux noirs vers Pam.
— Oh ? C'était Superman ? continue Pam.
— Unnie... Tu sais que les super-héros n'existent pas ?
— Oh... Vraiment ?
Elle baisse les yeux et hoche lentement la tête.
— Alors... Qui t'a aidé ?
— Papa...
— Oh, c'est Papa qu...
— Papa m'a dit de mentir.
Elle s'en doutait déjà. Pam ne quitte pas la petite du regard. Elle a envie de tout balancer et de hurler. Mais elle doit se contenir.
— Papa t'a dit de mentir ? répète-t-elle, la gorge serrée.
— Il n'y a jamais eu de monsieur méchant...
Pam déglutit. La petite relève lentement la tête vers elle. On dirait qu'elle est à deux doigts de pleurer.
— Est-ce que c'est Papa qui t'a fait les bobos ? demande prudemment Pam.
La petite hoche la tête. Son menton tremble.
— Est-ce que tu veux un câlin ?
Elle hoche une nouvelle fois la tête. Pam se rapproche alors et la colle contre elle. La jeune femme caresse doucement sans dos, ne voulant pas appuyer sur un bleu qui pourrait lui faire mal. La petite sanglote dans ses bras.
— Oh, ma puce... Tu aimes fort ton Papa, n'est-ce pas ? demande-t-elle.
Elle sent que la petite hoche la tête. Elle caresse doucement ses cheveux pour la réconforter.
— Papa m'a dit que si je disais tout, je ne le reverrai plus... Et je ne veux pas qu'il parte, sanglote Aeri.
— Est-ce que ta maman sait ?
— Maman n'est plus là...
Pam se racle la gorge. Elle ne veut pas fondre en larmes à son tour. Elle doit rester forte pour la petite alors... Elle la serre un peu plus contre elle. L'étudiante fait tout pour faire partir les larmes de ses yeux. Une fois calmée, elle cherche un mouchoir dans son sac à main et se détache de la petite pour lui tendre.
— Tiens, ma puce.
Elle l'observe se moucher.
— Est-ce que tu vas le dire à Oppa et à l'autre monsieur ? demande la petite.
Elle fait surement référence à l'avocat. Pam déglutit. Comment peut-elle expliquer une chose pareille à une enfant ? Pauvre petite... Mais elle doit l'aider. Elle ne peut pas laisser son père continuer à la battre.
— Aeri. Tu es une grande fille maintenant... Je suis certaine que tu vas comprendre ce que je vais te dire...
La petite l'observe avec de grands yeux concentrés.
— Ton Papa t'aime fort, lui aussi... Mais il a un problème. Les docteurs doivent le soigner comme ils soigneront tes bobos. Mais pour que Papa aille mieux, il faut le dire à Oppa. Tu as bien vu, il n'est pas méchant. Il veut juste t'aider, comme moi. Est-ce que tu comprends ?
— Est-ce que ça veut dire que je ne verrai plus Papa ?
Ses yeux se remplissent à nouveau de larmes.
— Peut-être...
Pam lui frotte affectueusement le dos.
— Quand vous irez mieux tous les deux, vous pourrez vous revoir. Mais en attendant, ce qui est important, c'est toi ma puce. Il faut soigner tes bobos... Est-ce que tu es d'accord pour le dire à Oppa ?
— Papa va me détester ?
— Non, ma puce.
Elle renifle bruyamment et se mouche encore.
— Alors... Est-ce que tu peux rester avec moi, et le dire ?
— Mh... Tu sais quoi ? Si tu l'expliquais avec tes propres mots, Oppa comprendrait mieux. Tu expliques mieux que moi, tu sais. Si tu fais ça, je serai extrêmement fière de toi.
— Est-ce que tu m'emmèneras aux manèges ? Comme Maman le faisait avant.
— On le fera.
— Promis ? demande-t-elle en avançant son petits doigt vers elle.
Pam sourit doucement. Elle enroule son petit doigt autour du sien et « tamponne » leur pouce pour sceller sa promesse.
— Tu es courageuse, Aeri-ya. Unnie est très impressionnée.
Elle se lève et lui donne la poupée pour qu'Aeri la serre contre elle. Elle prend la feuille de dessin, le crayon, puis la main libre de la petite fille. Elles reviennent vers le bureau. Pam installe correctement Aeri sur la chaise.
— Unnie ?
— Mh ?
Pam s'accroupit pour la regarder.
— Pourquoi t'as pas les mêmes yeux ? Tu es une poupée, toi aussi ?
— Mh... Est-ce que ça te fait peur ?
— Non, mais... C'est rigolo. Est-ce que ça te donne de vrais supers-pouvoirs ?
Pam lui fait un clin d'œil. Aeri pousse un petit halètement d'excitation. La porte s'ouvre et Pam se redresse. Elle serre la mâchoire en voyant le père rentrer comme s'il n'avait rien fait.
— Oppa ! appelle Aeri en voyant Young-sun.
Elle descend difficilement de la chaise et se précipite dans ses bras pour lui faire un câlin. Young-sun s'accroupit, surpris.
— Qu'est-ce que qu'il y a, Aeri-ya ?
— Regarde ma chérie, j'ai ton jus d'orange, indique son père en secouant doucement la petite bouteille devant elle.
Aeri se recule et se retourne pour regarder Pam. L'avocat lui lance un nouveau regard suspicieux. Aeri court et se cache derrière elle. Pam ne sait pas si c'est de la timidité ou si elle a réellement commencé à comprendre que son père était dangereux. Elle vient caresser les cheveux de la petite. Elle lui donne un petit sourire de réconfort. Aeri revient vers Young-sun en courant et lui chuchote quelque chose à l'oreille. Les traits de Young-sun se durcissent de secondes en secondes. Il jette un regard à Pam avant de se lever doucement et de se tourner vers le père. Pam est prête à intervenir, au cas où.
— Je vais examiner votre fille à présent, voulez-vous bien sortir ?
— Toute seule ? Mais je...
— Si vous êtes mal à l'aise à cette idée, ma collègue peut rester.
Monsieur Gyon la fixe longuement.
— Non, c'est bon. Faites votre travail.
Il sort, suivit de Sang-kyu. Pam se rapproche de la porte mais l'avocat l'arrête dans son élan.
— Pam... Comme Pam Cosson ? J'ai entendu parler de vous, siffle-t-il.
L'étudiante regarde un instant Young-sun avant de saluer respectueusement l'avocat et de sortir à son tour, sans rien dire. L'avocat reste pour la procédure. Une fois la porte fermée, Pam s'éloigne un peu de celle-ci. Sang-kyu sort son paquet de cigarettes et se tourne vers Pam.
— Je reviens dans deux minutes.
Elle fronce des sourcils.
— Tu t'es remis à fumer ?
Il lui tire la langue en trottinant vers la porte de la cage d'escalier. Pam secoue la tête et traverse le couloir pour se rendre au distributeur. Toutes ces émotions lui ont donné soif. Elle choisit un soda, appuie sur le bouton et paie avec sa carte. La boisson tombe dans le bac. Elle se baisse pour la prendre. Quand elle se redresse, elle aperçoit le reflet du père Gyon via la vitre du distributeur. Elle se retourne, le cœur affolé.
— Bon sang, ne faites pas ça Monsieur Gyeon ! J'ai un passif que je n'aime pas trop avec ce genre de chose.
Elle fait une pichenette sur la cannette pour calmer la pression et passe à côté de l'homme pour revenir devant le bureau de Young-sun. Mais il saisit fortement son poignet.
— Qu'est-ce que vous lui avez dit ?
Il la fait reculer et la lâche. Pam garde son calme. Ce n'est pas comme si elle avait déjà été agressée à cause d'une affaire...
— Je n'ai rien dit. J'ai juste écouté.
— Et elle a dit quoi ?
Ses yeux sont rouges. Ses veines ressortent. Sa mâchoire est crispée. Il va exploser d'une minute à l'autre... Elle se retrouve seule au bout d'un couloir vide. Elle a vraiment de la veine à chaque fois.
— Qu'aurait-elle pu me dire ? questionne-t-elle à son tour, un sourcil haussé.
Il ne répond pas. Il est comme déstabilisé. Elle prend le risque de passer à côté de lui. Il ne fait aucun mouvement. Elle continue alors son chemin et ouvre sa cannette.
Pssshht.
La porte de la cage d'escalier s'ouvre à son tour.
— J'ai oublié mon... Noona ! crie Sang-kyu.
Quand elle se retourne, Pam aperçoit un extincteur au-dessus de sa tête.
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"Unnie" est un terme utilisé par des femmes pour désigner leur grandesœur ou une amie proche plus âgée.
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