CHAPITRE 85
8 Janvier 2024
Lorsque Young-sun arrive au travail ce matin, il aperçoit Hyun-su et Pam discuter activement dans le hall d'accueil. Elle rit de bon cœur et ils semblent proches tous les deux. S'il est jaloux ? Oui, un peu. Il aimerait agir aussi naturellement avec elle ici, mais il ne peut pas. Ils doivent faire semblant de ne pas s'aimer alors qu'ils étaient encore ensemble ce weekend. C'est assez frustrant. Il ne peut pas se rapprocher de sa petite amie comme il le souhaite. Ça ne le dérangerait pas pourtant de...
Ses pensées sont coupées par la sonnerie de son téléphone. Young-sun se tenait encore à côté de sa voiture. Il le sort de sa poche et aperçoit le numéro du docteur Maeng, celle qui l'a remplacé peu avant Noël. Il sent déjà que ça ne va pas lui plaire.
— Kwan Yong-sun Uisanim ? entend-il après avoir décroché.
Il la connait bien. Elle a sa voix mielleuse et toute douce. Elle va lui demander un service... Et ce serait impoli de refuser alors qu'elle est venue le remplacer ici après sa crise de nerf.
— Docteur Maeng. Que puis-je faire pour vous ?
— Est-ce que vous allez mieux ? Vous vous êtes bien reposé ?
Il repose son regard sur Pam et Hyun-su à travers la porte vitrée. Hyun-su ne se serait pas rapproché de quelques centimètres de Pam par hasard ?
— Oui, merci. Et vous ? Le documentaire ne vous a pas trop embêté ?
— Oh, pas du tout ! Ces étudiants sont des boules d'énergies. Ils m'ont été d'une grande aide également. Sauf le jeune homme, il refusait catégoriquement de descendre.
— Vous parlez de Sangkyu-shi ?
— Tout à fait.
Ils tournent tous les deux autour du pot. Young-sun aperçoit Hyun-su montrer ses biceps à Pam. Elle rit et s'approche lentement pour lui toucher le bras. Young-sun serre la mâchoire.
— Vous vouliez me dire quelque chose ? demande-t-il un peu trop sèchement.
Il a surtout hâte de rentrer pour comprendre ce qui se passe à l'accueil.
— Oh euh, oui... Le capitaine Lim m'a appelé pour faire les premières constatations d'une agression. Je suis assez occupée en ce moment alors, j'ai mentionné votre nom. Cela ne vous dérange pas ? J'ai entendu dire que vous aviez encore votre bureau à l'hôpital. C'est l'endroit idéal pour ce genre de chose... C'est mieux que la morgue... Il faut penser aux victimes !
Young-sun soupire intérieurement. Il n'aime pas trop ce genre de mission, mais il n'a pas le choix. Se sociabiliser avec d'autres êtres humains, ce n'est pas son fort. Il réussit avec Pam, car elle l'a un peu poussé, mais avec les autres, c'est encore difficile.
— Je m'en occupe. Vous avez déjà donné l'adresse de l'hôpital, j'imagine ?
— Oui. Vous avez rendez-vous à dix heures.
— Je m'en vais tout de suite alors.
Il raccroche. Il s'avance enfin vers la porte, l'ouvre et pénètre dans le bâtiment. Sang-kyu a rejoint Hyun-su et Pam et ils rient tous les trois à gorge déployée. Ça irrite un peu Young-sun. Il a l'impression d'être l'aigri qui gâche toujours l'ambiance dès qu'il entre quelque part.
— Oh, hyung, comment vas-tu ? lui lance Hyun-su.
Pam et Sang-kyu tournent la tête vers lui. Pam lui fait un sourire discret. Ça le rassure aussitôt et il ne lui en veut plus.
— J'ai eu un appel du docteur Maeng. On a rendez-vous avec une victime. Prenez votre caméra, mais on demandera avant si on peut filmer ou pas... C'est un peu délicat.
— Mais, on ne peut pas filmer les morts, répond Pam les sourcils froncés.
Young-sun hoche lentement la tête.
— Il ne s'agit pas de victimes mortes, mais de victimes vivantes. C'est également le rôle des médecins légistes. Ils sont contactés par les services de police pour établir les premières constatations d'agression ou d'accident.
— Mais tu ne le fais pas souvent, remarque Hyun-su.
— J'ai accepté pour le documentaire. Ça permet de voir un autre côté du métier... N'est-ce pas Sangkyu-shi ?
— Oui, ça me va, répond sèchement ce dernier.
Sans un mot, Sang-kyu quitte le bâtiment pour rejoindre son van. Il doit encore en vouloir à Young-sun pour la dernière fois... Pam se racle la gorge et se tourne vers Hyun-su pour le saluer.
— Bon alors, à tout à l'heure... J'ai hâte de découvrir tout ça !
— Bonne chance, encourage le jeune homme.
Il croise le regard de Young-sun et reprend un air plus professionnel. Pam prend son sac à main et sort à son tour. Young-sun ferme la marche.
— Où va-t-on ? demande-t-elle.
— Au SNU.
Elle se tourne vers lui, surprise.
— Quoi ? Pourquoi va-t-on là-bas ?
— J'ai un bureau. C'est mieux qu'ici pour les victimes.
— Un bureau ? Comment ça se fait ? Tu es professeur ?
— Et bien... commence-t-il.
— Noona, pourquoi tu le tutoies ? accuse Sang-kyu en le regardant de travers.
Pam sursaute, surprise. Elle se tourne vers Sang-kyu avec un sourire nerveux.
— Moi ? Tutoyer ? Oh ! Ça doit être la fatigue...
Elle revient vers Young-sun et s'incline légèrement.
— Je suis désolé, docteur Kwan, pardonnez mon langage...
— Ce n'est rien... J'aime bien, répond-il avec un faux air innocent.
Pam se redresse et lui fait les gros yeux. Il ignore cette réaction et entre dans sa voiture. Fière de lui, un sourire en coin se dessine sur ses lèvres.
— Docteur Kwan, ce n'est pas très professionnel ! lâche Sang-kyu en se mettant à côté de lui.
Le jeune homme pose sa caméra sur ses genoux. Young-sun aurait aimé que Pam soit à sa place. Mais elle se retrouve à l'arrière, comme une vulgaire cliente de taxi. Il démarre et file vers le SNU.
— Du coup, pourquoi avez-vous un bureau là-bas ? questionne Pam en lui lançant des regards mécontents via le rétroviseur, comme un rappel à l'ordre.
Young-sun a envie de rire face à cette réaction, mais se retient.
— On m'a proposé plusieurs fois d'enseigner à l'université. Et je suppose que ce bureau peut être vu comme une sorte... D'appât.
— Et vous ne voulez pas enseigner ? questionne Sang-kyu.
Il hausse ses épaules. Il aimerait bien répondre qu'il n'aime pas le contact humain, mais ça le rendrait encore plus ermite qu'il l'est déjà.
— Ce n'est pas ma plus grande vocation.
— Je trouve que vous êtes assez pédagogue. Vous nous expliquez toujours bien les choses avec Sang-kyu. Et c'est intéressant. Je suis certaine que ce serait mieux pour vous, indique Pam d'une voix un peu autoritaire.
Autrement dit, il comprend qu'elle fera tout pour le faire sortir de sa grotte dans l'optique de commencer la mission qu'elle lui a confiée à Noël.
— Vous êtes un peu palot, rencontrer du vivant vous ferait du bien, enrichit-elle.
— Je vais y réfléchir.
****
— Vous appelez ça un bureau ? Mais c'est un palace ! souffle Sang-kyu en pénétrant dans la pièce.
Pam a exactement la même réaction. Sa mâchoire en tombe presque au sol.
— Docteur Kwan, vous êtes riche à quel point ? questionne Sang-kyu, ce qui lui vaut une tape de Pam derrière sa tête.
Young-sun sourit lentement. Il pose ses affaires sur le bureau sans répondre aux questions curieuses.
— Je suis sûr que vous êtes du genre à avoir une résidence secondaire à la campagne, continue Sang-kyu en observant plusieurs bibelots posés sur une commode.
Le couple s'échange un rapide coup d'œil discret.
— Arrête ! lui souffle Pam.
Elle se racle la gorge et tourne lentement sur elle-même pour observer la grande pièce.
— C'est spacieux et lumineux. C'est cent fois plus beau que votre bureau à la Vieille Bâtisse... Et c'est moderne ! appuie-t-elle.
— Le docteur Kang pourrait faire de même en réalité... Mais je crois qu'il n'a pas la motivation pour. Ça doit être l'âge, explique Young-sun.
Pam se tourne vers lui pour le regarder.
— Alors... C'est pour ça que vous ne voulez pas partir ? Pour le docteur Kang ? demande-t-elle avec une expression empathique sur le visage.
Il ne la quitte pas du regard. Elle lit vraiment en lui, c'est fou... Il aimerait la remercier d'être aussi compréhensive en la prenant dans ses bras et en l'embrassant, mais il ne peut pas.
— Noona, est-ce que je mets ça là ?
Pam se tourne vers Sang-kyu qui est en train d'installer la caméra à côté du bureau de Young-sun. La jeune femme se rapproche de son ami et pointe un autre endroit.
— Non, pas devant. On va filmer du côté de la « victime », comme ça, on ne verra que son dos et on pourra modifier sa voix si elle ne veut pas être reconnue, explique Pam.
Elle sort de son sac à main son bloc-notes et un stylo puis elle se tourne vers Young-sun. Quand elle prend cet air professionnel, ça plait beaucoup à ce dernier. Sang-kyu met en route sa caméra au même moment.
— Docteur Kwan, prenez vos aises. Nous ne sommes pas là, d'accord ? Faites comme si vous vous prépariez à ce rendez-vous.
— De toute manière, on ne verra pas non plus son visage dans le documentaire, à quoi ça sert ? souffle Sang-kyu.
Pam lui donne une seconde tape derrière la tête.
— Tiens ta langue ! Peu importe la mise en scène, c'est important pour faire les plans, tu le sais, peste-t-elle d'un air contrarié.
Young-sun déglutit. Il sait à quel point elle peut être effrayante quand elle s'énerve. Pam se tourne vers lui. Pour éviter de la contrarier encore plus, il s'assoit sans attendre sur sa chaise et allume l'ordinateur. En attendant qu'il se réveille, il enfile sa blouse de médecin.
— Savez-vous de quoi il s'agit ? questionne Pam.
— Je sais juste que c'est une agression.
Elle hoche la tête et gribouille rapidement sur son bloc-notes. Quelqu'un frappe à la porte. Young-sun invite cette personne à entrer à voix haute. Il se lève de sa chaise quand il aperçoit trois personnes, dont une enfant, entrer dans la pièce. Du coin de l'œil, il aperçoit Pam se tourner vivement vers Sang-kyu et lui murmurer quelque chose à l'oreille. Ce dernier éteint directement la caméra et la tourne vers le mur.
Au moins, les choses semblent claires pour tout le monde...
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"Uisanim"est l'appellation de « docteur »
Le "SNU" est l'Hôpital universitaire de Séoul
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