CHAPITRE 82
26 Décembre 2023
Emmitouflé dans des vêtements chauds, le couple joue à La Bonne Paye – boite trouvée dans le sous-sol de la maison – tout en prêtant une oreille attentive aux informations diffusées sur la télévision. D'après les nouvelles, la tempête risque de durer jusqu'au 28 Décembre. Aucun mort, ni blessé n'est à déplorer, mais plusieurs habitations sont privées d'électricité en centre-ville.
— C'est une fin d'année très bizarre, signale Pam en avançant son pion.
— C'est dommage qu'on ne puisse pas se déplacer, fait remarquer Young-sun.
— Pourquoi ça ? Tu voulais te promener par ce temps ? s'horrifie Pam.
Young-sun secoue la tête.
— Non, mais je serais bien revenu à Séoul pour détruire des preuves.
— Quelles preuves ?
Young-sun prend un air sérieux et se redresse, mettant ainsi « en pause » le jeu de société. Cela fait plusieurs jours qu'il réfléchit à la situation...
— S'ils réussissent la reconstitution faciale, ils verront nos visages.
Pam lâche un halètement choqué.
— Oh mince, j'avais complètement oublié l'histoire de la reconstitution faciale ! Alors... Tu suggères un sabotage ?
— Malheureusement, je pense que c'est la meilleure solution. Je n'ai jamais fait ce genre de chose. C'est illégal, mais là, on n'a pas le choix.
— C'est vrai... Si on ne fait rien, ils vont nous prendre pour des fous.
— Je pourrais m'introduire et tout effacer.
Pam secoue la tête.
— C'est trop risqué ! Tu pourrais perdre ton job, ou même aller en prison. J'ai une meilleure solution.
— Si tu veux le faire toi-même, je te répondrai exactement la même chose.
— Ce n'est pas ça, mais.... Je connais quelqu'un. Une personne qui pourrait le faire à distance.
Young-sun hausse un sourcil. Il ne savait pas que Pam connaissait ce genre de personne. Il ne peut pas lui en vouloir. C'est une situation d'extrême urgence, toutes les idées sont bonnes à prendre.
— Vraiment ?
— Aucun de nous ne sera inquiété. Tu me fais confiance ?
— Bien sûr.
— Sais-tu où en est cette reconstitution, d'ailleurs ?
— D'après l'expert, que j'ai contacté avant les fêtes, le scanner travaillait encore.
— Alors, la chance a peut-être déjà tourné pour nous.
— Comment ça ?
Elle relance les dés du jeu.
— Tu l'as entendu comme moi aux infos. Plusieurs habitations n'ont plus d'électricité. Avec un peu de chance, la panne a touché des bâtiments professionnels. Le scanner a peut-être déjà planté durant le traitement en cours... Mais on ne sait jamais. Tu sais si ce genre de machine a une sauvegarde ?
— Je ne sais plus... Mais si tu as raison, on a déjà gagné du temps.
— Dans ce cas, je vais contacter la personne en question... Et ça réglera définitivement le problème.
— Tu es sûre que ça ne risque rien ?
— Certaine.
Elle avance son pion.
— En fait, j'ai découvert quelque chose l'autre jour. Peter Hawkins a cherché Poppy toute sa vie... Et il ne s'est jamais marié. À mon avis, il en pinçait pour elle... Enfin bref, comme on sait, Mary et Jungsook se sont mariés. Mais aucun d'entre eux n'a jamais déclaré la disparition de leur meilleur ami respectif. Et tu sais pourquoi ? Mary a suggéré qu'ils s'étaient enfuis tous les deux.
Young-sun fronce des sourcils.
— Comment a-t-elle pu croire ça ? Poppy lui a écrit un mot à l'hôtel. Elle lui disait qu'elle était partie avec Yae et que Mary devait prévenir Peter. Elle faisait sans doute allusion au fait qu'elle risquait de rentrer tard, car elle ne connaissait pas l'adresse exacte de l'hôtel dans lequel elles étaient censées retrouver Peter...
Pam pose son regard sur lui. C'est un regard sérieux. Young-sun comprend malheureusement où elle veut en venir.
— Tu crois que Mary et Jungsook sont derrière cette histoire et c'est pour ça que tu veux aller voir leurs descendants, je me trompe ? dévoile-t-il.
Elle hoche doucement la tête. Mais Young-sun n'est pas convaincu. Même s'il ne connait Jungsook que grâce à un souvenir qui se répète sans cesse, il le voit mal commanditer un assassinat avec l'aide de sa petite amie à distance. Aucun d'entre eux n'aurait pu prévoir les différentes réactions durant cette rencontre à quatre. Et puis, les deux avaient clairement un autre objectif en tête à ce moment-là... Mary semblait tenir à Poppy. Certes, elle était un peu folle dans son attitude, mais ça ne prouve rien. Et à cette époque, dans ce contexte social... Ce genre de chose était impossible. Les gens sont devenus cinglés la décennie suivante... Et surtout en Occident.
— Je ne pense pas que ce soient eux. Ce n'est pas la bonne piste, conclut Young-sun.
— Mais, nous n'avons que cette piste et on n'avance pas. On a peu d'éléments concrets dans cette affaire... Bon, si tu les crois innocents, tu ne peux pas te tromper. C'est toi, l'expert, après tout. Est-ce que tu te souviens de quelque chose en particulier dans tes souvenirs ?
— Comme quoi ? Je ne peux voir que le point de vue de Yae. Depuis que je suis capable de me souvenir, j'ai toujours vu la même chose.
— Tu ne peux pas le contrôler ?
— Comment ça ?
— Durant toutes ces années, tu as cru que tu pouvais voir seulement ce qu'on voulait te faire voir... Mais, peut-être que tu peux choisir ce que tu veux faire. Peut-être que tu peux voir d'autres choses si tu le veux vraiment... Comme des détails secondaires ?
— Tu parles de changer les choses ? Mais c'est un souvenir. C'est impossible à modifier.
— Mais tu rêves de ce souvenir, non ? Parfois, dans les rêves, on peut contrôler ce qu'on fait.
Young-sun médite sur ce point. Pam finit par hausser les épaules.
— Ce n'est qu'une hypothèse. Je regarde beaucoup trop de films.
— Je pourrais essayer.
— Tu penses ?
— Si tu as raison, je peux essayer de me déplacer dans ce souvenir et voir des éléments que je n'ai pas remarqués... Et ça pourrait aider notre enquête.
— Tu penses que c'est dangereux ?
— Il n'y a qu'un moyen de le savoir...
Le soir-même, Pam installe une chaise près du lit de Young-sun et s'assoit dessus. Elle lui prend la main et la serre doucement. Young-sun est déjà allongé et procède à des exercices de respiration pour tenter de se détendre. La veilleuse trône sur la table de chevet et brille de mille feux. Il aperçoit le regard inquiet de Pam.
— Ça me rend déjà malade, je regrette d'avoir suggéré cette idée, lâche-t-elle.
Il déglutit et serre à son tour sa main.
— Ne t'inquiète pas et, n'oublie pas... Quoi qu'il arrive, ne me réveille pas, déclare-t-il.
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