CHAPITRE 78

18h53

La maison est à nouveau plongée dans le silence. Il y a seulement les bruits ambiants des différentes machines électriques... Le frigo ronronne. Le four a été arrêté il y a trente minutes. Young-sun se sent dépité. Oui, il sait. Il a merdé. Encore une fois. Mais, c'est pour leur bien à tous les deux...

Lorsqu'il regarde autour de lui, il se sent comme un étranger dans sa propre maison. Pam a réussi à laisser une part d'elle ici. Et maintenant, son absence rend la situation encore pire. Cette solitude qu'il ressent en ce moment même, c'est probablement ce que Pam a ressenti tout à l'heure. Il lui a brisé le cœur, une énième fois.

Toutes ces décorations qui brillent ou qui clignotent le rendent nerveux et en colère.... Et il n'a qu'une seule envie : tout balancer à la poubelle. Il ne mérite pas ces couleurs chaudes et chatoyantes. Il ne mérite pas la « féerie » de Noël. Elle n'y a jamais eu droit et la Vie lui rappelle encore aujourd'hui.

Décidé, il se lève, et se rapproche du sapin pour s'en occuper en premier. Mais une image apparue sur la télévision le coupe dans son élan. Il a mis le son en silencieux tout à l'heure, il ne supportait plus le bruit... Où a-t-il bien pu mettre la télécommande ? Il soulève quelques coussins et la trouve. Il remet le son et s'assoit pour regarder attentivement. Les images montrent la ville de Séoul sous un typhon blanc. Un journaliste se tient maladroitement devant la caméra et tente de se protéger du froid et du vent. Son visage et ses vêtements sont déjà recouverts de flocons.

— ... Je ne sais pas quand la tempête se calmera, journaliste Oh, mais je peux vous assurer que l'ambiance a vraiment changé ici. On dirait une ville fantôme. On ne peut rien voir au-delà de cent mètres.

Young-sun lâche sa télécommande et se rapproche de ses fenêtres. Il pousse ses rideaux et constate qu'il fait nuit noire. Avec la lumière de la lune, il voit la neige tomber en continu. Il tressaille subitement. Il vient de réaliser qu'il n'a pas donné l'argent du taxi à Pam. Il cherche alors son portable et hésite à l'appeler. Mais il lui envoie finalement un message : « Êtes-vous bien rentré ? » Après coup, il se sent stupide. Séoul est à plus de quatre heures de Hyeneung. Elle est surement coincée, quelque part, dans les embouteillages et avec un inconnu. Mince. Il s'en veut... Il va réussir à la dégouter de Noël pour le restant de sa vie. Elle ne lui pardonnera jamais ce coup-là.

Finalement, il choisit de l'appeler et porte le téléphone à son oreille. Un bruit sourd vibre dans sa maison. Le bruit semble venir du couloir. Young-sun fronce des sourcils et cherche l'origine du bruit, tout en se concentrant si jamais Pam lui répond. Il se rapproche de plus en plus et ouvre la porte menant à la salle de bain. Il aperçoit alors les valises de Pam étalées au sol et ouvertes. Le portable de Pam se trouve sur le rebord de l'évier, à côté d'une palette de maquillage. Le nom de Young-sun s'affiche sur l'écran. Young-sun laisse tomber son bras dans le vide, le téléphone à la main.

Petit à petit, il prend conscience de la situation... Il tourne les talons et s'empresse de revenir dans le salon. Il relève la présence de son sac à main, de son manteau au sol, et de ses chaussures à l'entrée. Bordel de merde ! Elle doit être en train de mourir de froid à l'heure qu'il est ! Il l'a jeté dehors sans se rendre compte de tout ce qui lui manquait... Le temps est compté. Il se saisit d'une couverture traînant sur le canapé, met ses chaussures, laisse la porte grande ouverte et sort en courant.

— Mademoiselle Cosson ! s'égosille-t-il.

Plus d'une heure à l'extérieur sans rien porter de chaud... Il espère qu'elle n'est pas blessée... Ou pire. Elle ne doit pas être allée bien loin ! Il se protège la vue pour éviter d'être dérangé par les flocons. Il sort par son portail et arpente les ruelles du village.

— Mademoiselle Cosson !

Il prie pour qu'un habitant l'ait vu et mis à l'abri... Mais on dirait bien qu'il est seul. Aucune lumière n'émane des maisons. Pam l'a peut-être compris, elle aussi. Il neige tellement fort que ses traces de pas disparaissent aussitôt après son passage. Impossible qu'il retrouve Pam tout seul... Il doit appeler les pompiers !

— Mademoiselle Cosson ! continue-t-il.

Maintenant qu'il réalise qu'il peut la perdre à nouveau, Young-sun sait qu'il ne peut pas survivre sans elle. Il s'en rend compte à présent. Il a été tellement con... Pourquoi il ne lui a pas dit qu'il l'aimait aussi ? Pourquoi il ne l'a pas pris dans ses bras au lieu de lui crier dessus ? Pourquoi il ne lui a pas dit à quel point il était soulagé qu'elle soit au courant de cette histoire ? Pourquoi avoir perdu un temps précieux à la rejeter violemment à chaque fois qu'elle faisait un pas vers lui ? Il a eu tort... Peut-être qu'ensemble, ils seront plus forts et non l'inverse... Elle avait raison. Il l'aime elle, et non Poppy !

— Oh, je vous en prie... murmure-t-il.

Il est gelé. Il ne voit rien. Il se fatigue. Mais elle est surement en danger de mort. S'il s'arrête... C'est l'abandonner à son triste sort.

— Paméla !

Il faut qu'il se mette à sa place... Si elle devait aller quelque part au chaud... Où irait-elle ? Elle est intelligente. Elle... Oh, bon sang ! Elle est surement restée à côté de la maison !

— Paméla ! hurle-t-il en revenant sur ses pas.

Quand il dépasse le portail, il manque de trébucher et se rattrape à sa voiture. Mais à cause de la neige sur cette dernière, il glisse et tombe finalement au sol.

— Oh merde !

Il roule sur le côté pour se relever. C'est dans cette position qu'il aperçoit des pieds dépasser d'un banc situé sous son auvent. Il se redresse et se précipite vers ce dernier. Il soulève une bâche verte, et humide, et trouve Pam en dessous. Elle semble endormie, mais il sait très bien que ce n'est pas le cas. Elle est en hypothermie.

— Paméla !

Il se rue sur elle pour voir si elle respire... C'est le cas. Il la recouvre de la couverture. Puis il passe son bras gauche en dessous du poplité, et il place son bras droit au niveau des trapèzes. Il la soulève et se dépêche de rentrer au chaud. Il claque la porte d'entrée avec son pied et la pose délicatement près de la cheminée. Il s'agenouille et le maintien d'un bras. Il lui frotte les bras et les jambes du mieux qu'il peut. Quand il touche ses orteils, ils sont gelés.

— Paméla, est-ce que tu m'entends ? S'il te plait, ouvre les yeux !

Les pompiers ne pourront jamais braver la tempête... Ou ils arriveront trop tard. Il doit se débrouiller seul. Il la pose doucement au sol et court dans sa chambre pour prendre plusieurs paires de chaussettes. En revenant, il lui enfile quatre paires bien chaudes et continue de la frotter.

Elle ne doit pas être à l'aise sur le sol dur... Alors, il décide de la soulever à nouveau et de la poser sur le canapé. Il s'assoit à côté d'elle et continue ses frictions pour tenter de la réchauffer. Il la recouvre de deux autres couvertures et secoue doucement son épaule. Elle doit se réveiller... Il le faut.

— Paméla, réveille-toi ! C'est Young-sun. Tu m'entends ?

Il l'abandonne un instant pour se rendre dans la cuisine. Il lui prépare une tasse d'eau chaude. Il ne peut pas la mettre sous la douche, ça pourrait faire l'effet inverse et la tuer. Il doit la réchauffer petit à petit. C'est le seul moyen. Le jeune docteur revient dans le salon. Il pose la tasse sur la table basse et caresse la joue de Pam.

— Pam, souffle-t-il.

Il la frotte encore. Elle bouge enfin. Ses yeux s'ouvrent lentement. Young-sun pousse un soupir de soulagement. Elle a l'air d'un zombie et complètement dans les vapes. Se rend-elle compte de ce qui lui arrive ?

— Tu es en sécurité. Tu dois boire ça pour te réchauffer. Je vais t'aider, rassure-t-il.

Il l'aide à se redresser et lui tend la tasse chaude. Il l'aide à la maintenir avec ses mains. Elle réussit à boire. C'est un signe qu'elle entend et comprend ce qu'il lui dit... Ou alors, c'est une réaction automatique.

— On va faire ça jusqu'à ce que ta température corporelle soit stable, explique-t-il.

Il l'a trouvé à temps. Quelques minutes de plus, et elle serait sans doute morte. Young-sun caresse sa joue et vient remettre une mèche blonde derrière son oreille.

— Je suis tellement désolé. J'espère que tu mepardonneras... lâche-t-il. 

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