CHAPITRE 6
C'est extrêmement tendu que Young-sun se gare sur le parking du commissariat. Il doit éclaircir le mystère de Poppy Clarke. Soit son cerveau s'est persuadé que ce qu'il a vu été réel, comme pour les mirages... Soit sa « maladie » a empiré. Doit-il aller à l'hôpital ? Non. On va le prendre pour un fou s'il raconte qu'il a vu la femme morte de ses cauchemars dans les rues de Séoul... On l'internera de force et il finira nourri à la petite cuillère.
Il secoue la tête pour chasser cette sombre idée et descend de sa voiture. Il se dirige vers l'entrée du commissariat. Le seul officier à l'accueil est occupé avec un couple. Alors, Young-sun s'assoit dans l'espace d'attente et croise les bras contre son torse.
— Hyung ! T'as été rapide ! fait une voix.
Lorsqu'il tourne la tête, il aperçoit Jung Il-wan devant une double porte. Les battants sont encore en mouvement. Ils sont donc arrivés en même temps à l'accueil. Il-wan se rapproche et pose une main sur son épaule. Young-sun lève les yeux vers lui. Il est presque aussi grand que Hyun-su.
— Tu ne me croiras jamais, mais je t'ai reconnu grâce au son de ton moteur. C'est dingue, non ?
Young-sun se lève et le salue poliment.
— Bonjour, lieutenant Jung.
Ce dernier l'attrape par l'épaule et se met à marcher vers les bureaux. Young-sun est obligé de le suivre. Ils passent tous les deux par la double porte. Un couloir gris se dessine face à Young-sun. Ils arrivent très vite au cœur de l'action.
— Ah, ça fait plaisir de te voir, hyung ! Mais t'es tout blanc, on dirait que t'as vu un fantôme. J'vais te donner du bon café, ça veut te booster un peu !
— Je n'ai pas besoin d'être bo...
— Ya ! Lee Eun-sok, apporte un café à Young-sun, tout de suite ! interpelle Il-wan.
Un jeune homme, peut-être un stagiaire ou un lycéen en observation, se lève de sa chaise et se précipite au fond de la pièce d'un air paniqué. Il revient presque tremblant avec un gobelet rempli d'un liquide noir à ras bord. Il le tend poliment à Young-sun en se tenant le coude avec sa main gauche.
— Merci, lâche ce dernier en prenant le gobelet sans geste brusque pour éviter de le renverser.
Mais Il-wan lui donne une tape dans le dos, et plusieurs gouttes tombent au sol dans un bruit mouillé. Certaines lui ont brûlé la main. Young-sun serre la mâchoire.
— Viens par-là, on va se mettre un peu tranquille.
Il-wan le pousse gentiment vers une pièce avec un bureau vide. Il ferme la porte puis s'installe sur la chaise d'en face. Young-sun le suit. Il pose le gobelet dégoulinant sur la table vide et sort un mouchoir de sa poche pour s'essuyer. Il-wan a un air excité sur le visage.
— Alors ?
— Alors, quoi ?
— Bah le macchabée, qu'est-ce qu'il te raconte ?
Young-sun se retient de soupirer.
— On vient juste de commencer les examens. Je ne peux rien dire.
— Oh, allez ! Vous prenez vos échantillons, vous le mettez dans vos tubes et vous avez les résultats en à peine dix minutes... C'est un jeu d'enfant !
Young-sun retient une insulte.
— Tu sais bien qu'avec cette victime, c'est difficile, lâche-t-il lentement.
Il-wan continue de sourire.
— Hyung, ne me fais pas ce coup-là ! Je suis sûr que vous avez déniché des trucs.
— Rien de très concluant... Il vaut mieux attendre les résultats officiels.
Il-wan renifle bruyamment. Il se colle à sa chaise. Il essaie de faire culpabiliser Young-sun. C'est toujours sa technique.
— Qu'est-ce que je vais dire à sa famille, hein ?
Young-sun tente de rester de marbre.
— Tu n'as pas trouvé sa famille, justement. Je te rappelle qu'on lui a défiguré le visage et brûlé les doigts. À moins que tu aies reçu des appels pour signaler de récentes disparitions ? s'étonne Young-sun.
— Bien sûr que non, répond d'un air sérieux Il-wan.
Young-sun l'observe ensuite aborder un air triste et « boudeur » sur son visage. Comme les enfants à qui on a dit non pour une glace dans le parc. Il roule alors des yeux. S'il ne dit rien à Il-wan aujourd'hui, ce dernier ne le lâchera pas. Il va lui envoyer des messages toutes les dix minutes et l'appeler toutes les demi-heures... Un enfer. Sauf quand on se planque au sous-sol, là où il n'y a pas de réseau... Mais, ça peut être pire s'il passe directement le voir.
— Bon, souffle Young-sun.
Le visage d'Il-wan s'illumine soudainement. Il se rapproche pour écouter attentivement Young-sun.
— On l'a ouvert et on a découvert que son estomac avait été perforé. On a récolté le liquide et du sang pour les analyser. On a aussi vu qu'il avait des cicatrices dans l'œsophage et une sténose. C'est un rétrécissement. Et, il n'y aucun signe de lutte physique... Tout ceci nous fait penser à un potentiel empoisonnement. On n'a rien trouvé à ce propos sur la scène de crime donc... Son corps a surement été déplacé post-mortem, tout comme ses brûlures et sa défiguration.
— Woah...
Il-wan se remet dans le fond de sa chaise, en pleine réflexion.
— Oh la la ! s'exclame-t-il en frappant frénétiquement la table avec son poing, ce qui fait sursauter Young-sun.
Il-wan se lève, et commence à faire les cent pas dans la pièce.
— Si je résume, on a un empoisonnement et des mutilations sur un cadavre... Ça sent clairement la vengeance tout ça ! Un crime passionnel. Il doit connaître son tueur. Imaginons un instant qu'il est bouffé quelque chose... Et bam, poison dans son corps ! Il meurt en quelques minutes seulement... Son tueur, ne voulant pas être démasqué, déplace son corps complètement ailleurs... Cela veut dire que le quartier, où il était, est assez fréquenté !
Il pivote vers Young-sun.
— Mais tu as vu la corpulence du macchabée ? Il faut au moins être deux pour le transporter ! On aurait donc un tueur et son complice.
— Génial, je te laisse découvrir la suite avec ton équipe, commence Young-sun en se levant.
Mais Il-wan pose une main sur son épaule pour le fait rasseoir aussitôt.
— Hyung, on est une putain d'équipe !
— Je n'ai pas fait grand-chose. Tu réfléchis tout seul.
Il-wan secoue la tête. Il se baisse à la hauteur du visage de Young-sun pour le regarder droit dans les yeux.
— Toi et moi, on est complémentaire. Je suis les nouilles... Et tu es mon kimchi !
Young-sun se racle la gorge. Il dégage la main d'Il-wan et se lève de sa chaise. Le contact physique, ce n'est pas trop son truc.
— OK, alors, bonne journée.
— Tu t'en vas déjà ? se plaint Il-wan.
— J'ai un cadavre à étudier pour des raisons évidentes.
— Ça, c'est mon Youngsun-a ! Toujours prêt à bosser pour son flic préféré !
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Le kimchi est mets traditionnel coréen composé de piments et de légumes lacto-fermentés, c'est-à-dire, trempés dans de la saumure pendant plusieurs semaines jusqu'au développement d'une acidité.
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