CHAPITRE 57
Ce n'est pas la première fois que Pam entre dans l'hôtel de ville, mais à chaque fois, elle est toujours impressionnée par la modernité du bâtiment. Il y a des vitres partout et un mur végétalisé de plus de mille mètres carrés et qui est, par ailleurs, inscrit dans le Guinness des records comme étant le plus grand jardin vertical au monde. Qui aurait cru qu'un bâtiment administratif serait aussi beau ?
— Je vous laisse faire. Je ne suis pas très doué pour parler aux gens, lui indique Young-sun en lançant des regards espions autour d'eux.
Un sourire se dessine au coin des lèvres de la jeune étudiante.
— Donc, je dis ce que je veux ?
— Oui ce que vous voulez... Mais n'oubliez pas l'essentiel.
— C'est déjà noté dans un coin de ma tête, n'ayez crainte.
Elle se retourne, sans lâcher son sourire et se dirige vers l'accueil aux couleurs neutres. Un homme, en costume-cravate, attend sagement derrière son comptoir. Elle se rapproche sans hésiter. Young-sun est loin derrière elle.
— Bonjour monsieur, se présente-t-elle.
Ce dernier lui sourit poliment.
— Bonjour madame, que puis-je faire pour vous ?
— En fait, je viens vous voir parce que je suis assez embêtée. Je voudrais faire une surprise à mon fiancé - qui se trouve juste derrière moi - en invitant un ami d'enfance à notre mariage.
— Félicitations à vous, madame !
— Oh, merci, vous êtes adorable.
— Et que serait mon rôle dans cette surprise ?
— Et bien, le problème... C'est qu'il ne se souvient pas de son nom exact. Mais il se souvient parfaitement de celui de son grand-père car il lui en parlait tout le temps... Assez drôle, n'est-ce pas ? C'est là où vous intervenez. Si je vous donne assez d'information sur ce grand-père, serait-il possible de retrouver leurs coordonnées respectives ?
— Je ne sais pas si...
— Oh, il m'en parle si souvent ! Il sera fou de joie ! Vous savez... Nous avons un petit budget pour notre mariage, et je pense que ce serait le plus beau cadeau que je puisse lui faire... Je ne sais pas à qui d'autre m'adresser et c'est assez urgent...
Elle soupire longuement pour ajouter une touche dramatique.
— Oui... Son ami... Ils jouaient à cache-cache ensemble, construisaient des cabanes avec des morceaux de bois, courraient dans des champs de vaches... Oh oui... Il sera fou de joie. Fou de joie, appuie-t-elle avec un air nostalgique et une certaine fausse émotion dans la gorge.
L'homme lui sourit doucement. Il s'arme du téléphone fixe professionnel.
— Madame, je vous écoute attentivement... Parlez-moi de ce grand-père, dit-il en composant un numéro et en portant le combiné à son oreille.
Pam perd toute son émotion nostalgique. Elle se redresse d'un air enjoué.
— Il s'appelait Hwa Jung-sook. Il avait la trentaine en 1963, donc il est fort probable qu'il soit né dans les années trente... Oh et il travaillait dans une banque ! annonce-t-elle très enthousiaste.
L'homme la regarde d'un drôle d'air. Il fronce des sourcils. Elle reprend la comédie et joue la femme touchée.
— Merci, vous êtes un ange tombé du ciel du Pays de l'Administration, signale-t-elle d'une petite voix.
— Oui, c'est l'accueil du Seoul City Hall. Passez-moi les archives civiles, s'il vous plait.
Tandis qu'il répète ce que Pam vient de lui dire, la jeune femme se tourne vers Young-sun pour lui faire un clin d'œil discret.
— Serait-il possible d'envoyer exceptionnellement ces informations par mail ? C'est une situation exceptionnellement humaine après tout... Oui ? Merci à vous.
Elle se retourne pour écouter l'homme. Il sort un post-it et marque quelque chose dessus.
— Je connais quelqu'un là-bas qui a gentiment accepté d'envoyer les informations à l'une de mes collègues à l'étage. Je la connais très bien et je vais l'appeler immédiatement pour dire que vous arrivez. Voici le numéro de son bureau et son nom.
Il tend le post-it. Pam s'en veut tout de suite de lui avoir salement menti. Elle saisit le bout de papier jaune.
— Merci à vous. C'est très important pour lui...
Elle s'incline pour le remercier et se dirige droit vers Young-sun. Il se rapproche et se met à marcher à côté d'elle, les mains dans les poches de son manteau.
— Alors ? questionne-t-il inquiet en la suivant.
— Les documents vont être envoyés à l'étage.
Elle fait une moue tout en appuyant sur le bouton de l'ascenseur.
— Vous vous sentez mal ? remarque Young-sun.
Elle secoue la tête en souriant tristement.
— Non, c'est que... Je n'aime pas leur mentir quand ils ont l'air gentil. Ça me fait culpabiliser.
Ils entrent dans l'ascenseur. Pam appuie sur le bouton du troisième étage, comme indiqué sur le papier. Les portes se referment.
— En fait, pourquoi on fait ça en off ? Vous ne faites pas confiance au docteur Kang ou au lieutenant Jung ?
Young-sun secoue la tête.
— Ce n'est pas ça... Ils me prendraient pour un fou.
Les portes s'ouvrent. Young-sun sort le premier. Pam lui emboîte le pas.
— Et pas moi ? demande-t-elle, un peu excitée.
— Non, pas vous, répond-il, un sourire timide dessiné sur ses lèvres.
Elle aborde un sourire fier. Elle suit les indications sur le post-it et s'arrête devant une porte. Elle toque trois fois avec la phalange de son index droit. Une femme vient leur ouvrir.
— C'est vous les futurs mariés ? interroge-t-elle.
— Pas du to... commence Young-sun.
— C'est ça ! coupe Pam en montrant le post-it à la femme pour cacher Young-sun, même s'il la dépasse largement.
La femme prend le post-it et leur fait signe d'entrer.
— Prenez place, les documents sont en train d'être imprimés.
— Merci.
Pam s'installe sur l'une des chaises en face du bureau. Young-sun s'assoit à côté sans rien dire. La jeune étudiante remarque plusieurs cadres photos sur le bureau et sur le mur. Elle observe rapidement les visages. La femme est de dos devant son imprimante. Pam se racle la gorge.
— Encore merci, c'était très important pour...
Elle ferme les yeux, regrettant ce qu'elle va dire... Parce qu'elle n'est pas Coréenne.
— ...Young-sun Oppa de retrouver son ami.
Le jeune docteur lui lance un regard surpris et moqueur. Elle lui donne un coup de coude discret. Pam a envie de vomir. Appeler un Coréen « Oppa », elle n'a jamais fait ça et elle se sent salie. Un frisson de dégout parcourt son corps. La femme revient avec les documents dans les mains.
— J'ai son acte de naissance, son acte de mariage, son livret de famille, son acte de décès, les actes de naissance de ses enfants et petits-enfants... À titre exceptionnel.
— Son acte de mariage ? s'étonne Young-sun.
Elle pose les documents sur son bureau et il se penche pour regarder l'acte de mariage. Il le saisit et ne peut s'empêcher de lâcher un rire enfantin. Pam l'observe faire. Elle le trouve mignon à ce moment-là.
— Il s'est marié avec Mary ? souffle-t-il.
Pam fronce des sourcils.
— Mary ?
— Mary Hawkins... Oh ! Ils ont eu deux enfants et cinq petits-enfants... Ils vivent tous à Seoul.
— Génial, on peut aller les voir alors !
Young-sun perd son sourire. Pam, pour ne pas éveiller les soupçons de la femme, se lève pour la remercier.
— Encore merci pour votre aide... On les prend et on va regarder tout ça tranquillement à la maison... N'est-ce pas, chéri ?
Elle touche son épaule pour lui dire de se bouger. Elle prend les autres documents dans ses mains et guide Young-sun vers la sortie. Ce dernier est captivé par le livret familial. Elle s'incline pour remercier la femme. Une fois à l'extérieur, elle le lâche.
— Qu'est-ce qui ne va pas ? Vous avez retrouvé la trace de sa famille ! C'est pas génial ?
— C'est que... Je me vois mal aller les voir.
— Pourquoi ?
Il s'arrête pour la fixer. Encore quelque chose qui ne veut pas lui dire... Elle penche légèrement la tête sur le côté.
— Pourquoi vous vouliez trouver Hwa Jungsook ? Quel est son lien avec l'affaire ?
Il hésite à lui dire quelque chose, ça se voit. Mais, on dirait qu'il a peur de parler... Est-il menacé par quelqu'un ? Pam soupire doucement. Elle baisse le regard vers la copie de l'acte de mariage. Une ampoule se dessine au-dessus de sa tête.
— Attendez... Vous avez dit « Hawkins », c'est son nom de jeune fille ?
— Oui, pourquoi ?
Elle fouille dans son sac à main et en sort le dossier qu'elle a emprunté – volé -, il y a quelques heures de ça, au commissariat. Elle l'ouvre et le fouille tout en se dirigeant vers l'ascenseur. Elle pointe son doigt sur l'information qu'elle cherchait.
— Ah ! Regardez ça ! crie-t-elle, ce qui fait sursauter Young-sun.
— Qu'est-ce que ça dit ? demande ce dernier.
Elle ne remarque pas qu'il ne lui demande pas pourquoi elle a ce dossier avec elle. Pam appuie sur le bouton de l'ascenseur et en profite pour relever la tête.
— J'ai été dans toutes les ambassades de Séoul pour demander, à chaque employé, toutes les informations possibles sur de potentiels disparus jamais revenus. Ce que je tiens dans mes mains, ce sont les documents concernant le Royaume-Unis.
Les portes s'ouvrent. Ils entrent et descendent au rez-de-chaussée. Pam commence à lire le papier qu'elle a sous les yeux.
— Parmi les différentes informations, un certain Peter Hawkins n'a pas arrêté de harceler l'ambassade entre Octobre 1963 et Janvier 2009. Il était persuadé que sa fiancée de l'époque, Poppy Clarke, avait été kidnappée lors de son séjour à Séoul alors qu'elle était sortie en ville avec sa petite sœur... Un certaine Mary Hawkins.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top