— C'est impressionnant, souffle le docteur Kang en tournant prudemment autour de l'épave.

Il a, dans ses mains, un porte-bloc et des feuilles. Il fait les secondes constations, les premières ayant été faites sur le lieu supposé du crime. Young-sun signe le premier rapport sur une table de fortune. Il pousse un soupir. Un hangar a été trouvé pour y stocker l'épave et enquêter. Elle a été placée au milieu. Young-sun a peint un carré jaune tout autour pour éviter toutes contaminations d'éléments extérieurs et interdire tout autre accès. Plusieurs tables ont été installées à côté pour y déposer les potentiels - ils espèrent - futurs indices. Plusieurs policiers sont encore avec eux. Des chuchotements curieux se font entendre ici et là. On se croirait à une exposition automobile, à deux minutes des enchères, avec une pièce unique et scandaleusement chère... 

La voiture a été fortement abimée par le temps et par les micro-organismes présents dans l'eau. Cependant, sa couleur bleue est encore présente. La couleur n'est plus aussi nette qu'auparavant, mais elle est encore là. Young-sun se sent comme un imposteur. Il sait déjà ce qui s'est passé. Il va devoir simuler la découverte d'éléments au fil du temps... Il va devoir jouer la comédie, briser les règles. Il déteste ça.

— Seonsaengnim... Pourquoi avoir accepté de prendre cette affaire ? Elle va être difficile. Et en plus, le hangar se trouve à deux heures de la Vieille Bâtisse. Ce n'est pas pratique.

Le docteur Kang le rejoint et pose son rapport sur la table. Il le signe.

— C'est la première fois que je vois une chose pareille. C'est une bonne occasion de renforcer son expérience ! Tu ne trouves pas ça intéressant, Youngsun-a ?

— Si, ment ce dernier.

Le docteur Kang lui tend une nouvelle feuille de rapport.

— Va examiner les deux corps avant qu'ils ne découpent la voiture pour les faire sortir. J'ai déjà pris les photos.

Il saisit à contrecœur le porte-bloc.

— Woah, mais quel bijou ! s'exclame une autre voix.

Young-sun se retourne. Jung Il-wan vient d'arriver. Il passe à côté de la voiture et sursaute en voyant les deux cadavres à l'intérieur.

— Oh mince, c'était donc vrai...

Il se rapproche des deux docteurs.

— Un bijou... Ce tas de ferraille ? questionne Young-sun.

— Dans le temps, c'était classe. Pas vrai, docteur Kang ?

— Et bien, je n'ai pas connu ce modèle, malheureusement...

Il-wan pose une main sur ses lèvres, l'air gêné.

— Oups, excusez-moi. Je ne vous ai pas vexé ?

— Non, bien sûr que non... La priorité, c'est la voiture. On va la décortiquer et ouvrir le moteur une fois que ces pauvres gens seront sortis de là. On aura déjà la date approximative de l'accident...

Young-sun les écoute d'une manière attentive sans rien dire. Il en sait déjà assez comme ça. Il ne veut pas soulever le moindre soupçon sur lui.

— Un accident ? Vous êtes sûr ? Ils ont l'air d'avoir été attachés quand même...

— Il ne faut jamais créer de scénario dès le début, lieutenant Jung, explique le docteur Kang, sinon ça fausse la suite de l'enquête. Vous devriez le savoir.

Il-wan se racle la gorge. Young-sun décide de s'éloigner d'eux à ce moment-là. Ses sur-chaussures émettent un bruit froissé quand il se rapproche du côté conducteur. C'est un sentiment étrange... Se regarder soi-même. Il observe son cadavre et... Il se trouve pathétique... Ce Yae... Lui... Il se déteste. Il repense à l'eau glaciale qui recouvre son corps, à cette sensation quand il a pris sa dernière respiration...

— Quelle horreur, lance une énième voix.

Il sort de ses pensées et lève légèrement les yeux pour regarder de l'autre côté. Il découvre Pam, équipée de la tête aux pieds, en train d'observer son propre squelette. Cette scène glace le sang de Young-sun. Son cœur commence à battre un peu plus vite dans son torse. Il fait le tour, donnant le porte-bloc au docteur Kang au passage, et fonce sur Pam. Il pose brutalement ses mains gantées sur ses épaules.

— Qu'est-ce que vous faites là ?

Il la recule un peu trop brusquement de la voiture. Elle en perd les documents qu'elle avait dans les mains.

— Mais, je... souffle-t-elle.

— Je vous interdis de vous approcher de cette voiture, vous m'entendez ? Restez derrière le carré de sécurité ! ordonne-t-il.

Il la lâche quand il estime qu'ils sont assez loin. Pam lève son regard vers lui. Comparé à Young-sun, elle a l'air calme et détendue.

— Tout va bien, Youngsun-shi... Je n'ai rien touché. C'est une grosse affaire qu'on a là. Si on est quatre dessus, il y aura moins de travail... Et on ira plus vite.

Elle lui fait un signe de tête et passe à côté de lui pour se rapprocher de la voiture. Young-sun attrape son poignet et le serre.

— Non ! crie-t-il.

Sa voix résonne dans tout le hangar. Pam se retourne vers lui.

— Mais lâchez-moi ! Qu'est-ce qui vous prend ?

Il la ramène fortement vers lui et remet ses mains au niveau de ses épaules. Il est malade rien qu'à l'idée de la voir aussi proche de ce cercueil d'acier.

— Vous êtes débile ou quoi ? Je vous ai demandé de ne pas vous approcher de cette foutue bagnole ! hurle-t-il.

— Mais...

Il la serre et la secoue sauvagement deux fois. Il entend Pam lâcher des soupirs effarés.

— Je dois vous le dire en quelle langue ? Dégagez de là, tout de suite ! Vous êtes inutile ici !

Pam semble effrayée. Elle reste tétanisée dans ses bras. Elle ne le quitte pas de ses grands yeux colorés. Il-wan finit par venir les séparer.

— Ya, hyung ! hurle-t-il.

Il repousse Young-sun et se met devant Pam comme pour la protéger, ce qui énerve encore plus le jeune docteur. De quoi se mêle Il-wan ?

— Ça va pas ! T'es taré ma parole ! engueule ce dernier.

Young-sun regarde autour d'eux. Tout le monde les observe d'un air outré. Il y a des messes basses et des regards mauvais à son encontre. Il se rend alors compte de ce qu'il vient de faire et pose ses yeux sur Pam, sous le choc.

— Mademoiselle Cosson, je...

Mais elle se recule et sort du carré précipitamment. Elle retire son masque dans sa course et sort par la grande porte coulissante. Lorsque cette dernière claque à sa limite, un énorme brouhaha de rumeurs et d'insultes résonne dans tout le hangar.