CHAPITRE 46
— Je vous jure, sur la parole du Seigneur, que je n'ai jamais touché monsieur Won ! Il était encore vivant quand je suis sorti de son bureau !
Derrière le miroir sans tain, Pam et Young-sun observent la scène. Ils sont accompagnés de deux autres agents. Le lieutenant Baek tourne autour du Père Ahn comme un lion près à attaquer une proie dans sa cage. Young-sun jette un coup d'œil en direction de Pam. Elle est concentrée sur ce qui se passe. Mais elle aborde un air inquiet sur son visage et mordille son pouce droit.
— Est-ce que vous allez bien ? questionne Young-sun.
La jeune femme se tourne vers lui, un sourcil blond haussé.
— Oui... Pourquoi ?
— Par rapport à la découverte de monsieur Won...
— Ah, ça...
Elle hausse les épaules en guise de réponse. Si Young-sun aurait pu l'empêcher de voir le corps, il l'aurait fait... Mais comment aurait-il pu savoir ? C'était si soudain. Tout ça, juste avant leur stupide dispute qui est entièrement sa faute... Il agit toujours comme un con avec elle. Et s'il lui dit pourquoi, elle ne comprendrait pas... Et surtout, elle ne le croirait pas.
Le lieutenant Baek frappe brutalement sur la table, ce qui sort Young-sun de ses pensées. Le Père Ahn se recroqueville sur lui-même. Pam pousse un soupir.
— Il abuse un peu, je trouve.
Elle sort de son sac à main son bloc-notes et son stylo, et commence à écrire frénétiquement dessus.
— Qu'est-ce que vous faites ? demande l'un des agents présents dans la pièce avec eux.
— Je note ce que je vois pour mon article sur lequel je travaille en parallèle.
— Lequel ?
— Les violences policières.
Young-sun retient un sourire. L'agent tente d'attraper son bloc-notes mais Pam tend son bras de l'autre côté pour qu'il ne le touche pas.
— Donnez-moi ça, mademoiselle, ordonne l'agent.
— Hors de question, je connais mes droits : article dix-neuf de la DUDH. J'ai une liberté d'expression et d'opinion comme tout le monde.
L'agent soupire et se ravise. Pam finit par ranger son bloc-notes. C'était donc juste pour les embêter...
— On a vos empreintes sur l'arme du crime, vous êtes coincé ! ment le lieutenant de 'lautre côté.
Le Père Ahn tremble de tout son être.
— C'est faux ! Je ne sais pas comment elles se sont retrouvées là, mais ce n'est pas moi... Je le jure devant Dieu !
Il joint ses deux mains devant lui et baisse la tête pour prier. Il se balance doucement en sanglotant. Le lieutenant jette les photos sur la table et sort de la salle en claquant la porte. Il rejoint la salle de contrôle.
— Ce type en robe ne lâchera rien, se plaint-il.
— Normal, ce n'est pas lui le coupable, annonce Pam.
Tous les yeux se plantent sur elle. La plupart des visages affichent une expression consternée.
— Et comment vous le savez, mademoiselle Je-Sais-Tout ? critique le lieutenant.
— Il est loin d'être idiot. Avec ce que vous lui avez balancé, il se serait déjà confessé.
— J'ai vu des meurtriers qui agissait exactement comme lui. Ce genre de personne sait très bien jouer la comédie.
Pam roule des yeux.
— De toute manière, vous n'utilisez pas la bonne méthode. Vous êtes trop agressif. Vous ne faites que l'effrayer. Il ne dira rien avec vous.
Le lieutenant sourit doucement et indique la porte d'un geste théâtrale.
— Et bien allez-y, mademoiselle Cosson, je vous en prie... Prenez ma place.
— Lieutenant Baek ! interviennent les deux agents en faisant un pas vers lui pour le contredire.
Mais il lève sa main en l'air pour les stopper, ne quittant pas des yeux Pam.
— Montrez-moi de quoi vous êtes capable, mademoiselle Cosson.
Young-sun fronce des sourcils.
— Mais c'est illégal, fait-il remarquer.
Le lieutenant Baek pivote vers lui, les mains sur les hanches.
— Docteur Kwan, elle n'est pas seule. Nous sommes là et elle a mon autorisation. Et puis, si elle arrive à lui tirer les vers du nez, c'est le jackpot.
— Je ne crois pas que...
— OK. Je relève le défi, déclare Pam.
Elle pose son sac à main au sol, détache ses cheveux et cache son décolleté avec ces derniers. Les agents se lancent des regards pervers entre eux. Young-sun serre la mâchoire.
— Ne faites pas ça, mademoiselle Cosson, ce n'est pas votre rôle, tente de calmer le jeune docteur.
Elle se tourne vers lui, le fouettant avec ses cheveux au passage.
— Au contraire, ça me va, moi. Au moins, j'aurais une expérience de flic à ajouter à mon documentaire. Et puis... Cette affaire m'intrigue autant qu'eux. On passe d'un incendie à un meurtre. Je veux connaître le fin mot de l'histoire.
Elle sort de la pièce avant même que Young-sun ajoute autre chose.
— Ca va être drôle, lance le lieutenant Baek.
Young-sun pousse un soupir. Il croise les bras contre son torse et observe Pam entrer dans la salle d'interrogatoire.
— Oh, mademoiselle Cosson ! s'exclame le Père Ahn en se levant subitement.
Mais il est retenu par les menottes accrochées à la table. Il se rassoit aussitôt.
— Faites attention à vous, répond Pam en signe de salutation.
Elle s'installe ensuite sur la chaise d'en face. Le Père Ahn semble nerveux.
— C'est vrai ce qu'ils racontent... Cet homme est mort ?
— Oui, je l'ai vu de mes propres yeux.
— Oh, ma pauvre Enfant...
Il fait le signe de croix.
— On sait déjà que vous le connaissiez.
Le Père Ahn sursaute, comme pris sur le fait. Il se penche légèrement pour lui parler plus bas.
— Je vous jure que ce n'est pas moi... Je ne pourrais jamais tuer un homme. J'ai fait un serment devant Dieu !
Young-sun remarque que Pam hésite dans sa façon de faire et d'être. Il la sent mal à l'aise. Va-t-elle jouer un rôle ou être elle-même devant le Père Ahn ? Peut-être qu'elle est justement en plein dilemme... Elle jette un rapide coup d'œil vers le miroir sans tain avant de poser une main amicale sur celle du Père Ahn.
— Ecoutez, je ne vais pas vous mentir mon Père. Depuis notre entrevue, j'ai fait des recherches... Tout comme la police et... On a découvert votre... Vos manigances.
— Mes manigances ? souffle-t-il, sous le choc.
Elle retire doucement sa main et se redresse sur sa chaise. Elle joint ses mains sur la table.
— Oui... On sait tout. On sait pour l'argent, les vols commandités... Et tout le reste avec monsieur Won.
— Que fait-elle ? Elle est folle ! s'indigne le lieutenant Baek.
Il se rapproche de la porte pour l'ouvrir.
— Attendez, lieutenant... Regardez ! stoppe l'un des agents.
Le Père Ahn semble hésiter à parler. Il finit par relever son regard sur Pam.
— Comment avez-vous su ?
— Les montres.
— Oh ! Que le Seigneur me pardonne...
Il fait un énième signe de croix. Pam penche sa tête sur le côté.
— Pourquoi avoir caché la montre ? Vous vous doutiez qu'on avait des soupçons ?
— Non, pas du tout... Des fidèles l'ont remarqué et ils ont commencé à poser beaucoup de questions... J'ai paniqué. Je l'ai jeté.
— Et vous avez aussi jetée celle de monsieur Won ?
— Il l'avait encore quand je suis parti, je le jure.
Le Père Ahn secoue la tête.
— Quel malheur... Je savais que ça finirait mal un jour ou l'autre cette histoire... Si j'avais su...
— Vous n'auriez pas accepté ?
Il hoche vivement la tête.
— Il avait enquêté sur moi et il m'a invité pour corrompre ma foi...
— Monsieur Won ?
— Oui. Dans mon ancienne vie, j'étais un accroc aux jeux d'argent. J'ai honte de vous l'avouer, ma chère Enfant... Je me suis tourné vers l'Eglise pour devenir un autre homme. Cette période de ma vie m'a totalement détruit et je ne voulais plus en entendre parler. Mais, en étant prêtre, je gagnais moins d'argent. Je vivais presque dans la misère.
— Et... Monsieur Won le savait.
— C'était une occasion en or pour lui. Et j'ai senti que ce n'était pas la première fois qu'il faisait ça. Mes doutes se sont confirmés quand ils nous a tous réuni, les autres prêtres et moi, pour faire une sorte de réunion.
Il soupire. Pam regarde vers le miroir en haussant un sourcil. Le lieutenant Baek lâche un rire amer.
— C'est comme ça que c'est arrivé alors, éclaircit-elle.
— Il m'a invité au restaurant, dans un endroit isolé. J'étais coincé, à l'écart de tous, je ne pouvais pas dire non. J'ai été faible. J'ai douté de son plan mais... Il m'a assuré qu'il connaissait de « bons » délinquants qui pourraient piller les églises et dégrader les lieux pour faire jouer l'assurance.
— Mais ça ne vous a pas choqué ?
— Si, bien sûr que si ! Mais monsieur Won était quelqu'un de très persuasif, vous savez. Il m'a assuré que personne n'aurait de problème car on était protégé par un lieutenant de police.
Dans la salle de contrôle, tout le monde retient son souffle.
— Le lieutenant Moon ? confirme Pam, un sourcil haussé.
— Oui.
Elle jette un énième regard en direction du miroir. Young-sun se sent mal... Pam avait encore raison.
— Quel connard, souffle le lieutenant Baek.
— C'est pour ça qu'il était toujours sur les enquêtes. Il essayait d'étouffer les affaires... Et les indices, conclut Pam à haute voix.
Le Père Ahn pousse un autre soupir.
— Son plan paraissait simple... Les voleurs faisaient leur travail. Ils revendaient les objets volés. L'assurance prenait en charge le vol et les réparations...
— Mais, comment monsieur Won vous payait ? J'imagine qu'il devait aussi payer le lieutenant Moon. Comment faisait-il ? Avec quel argent ?
— Vous allez me maudire...
Pam fronce des sourcils.
— L'argent des quêtes... Le don des associations... Monsieur Won prenait cet argent et le mettait en bourse. C'est comme ça qu'il payait tout le monde.
La mâchoire de Pam tombe, sous le choc.
— Cette histoire est riche en rebondissement, murmure l'un des agents.
Il y a un petit silence.
— Il vous rackettait en fait.
Young-sun est impressionné par Pam. Il ne sait pas comment elle fait ça mais... Elle le surprend de jour en jour. Elle n'est pas comme Poppy. Elle a sa douceur, mais... Elle est plus forte qu'elle, plus audacieuse.
— Vous pensez que c'est l'un de vos complices qui l'a tué ?
— Je ne sais pas. Mais ça ne m'étonnerait pas...
— Je vois... Merci, de vous être confié.
Elle se lève et se dirige vers la porte. Elle s'incline pour le saluer respectueusement et sort de la pièce. Le lieutenant sort de la salle de contrôle d'un air remonté. Young-sun le suit d'un pas rapide. Ils se rejoignent dans le couloir principal avec Pam. Baek se met à l'applaudir.
— Félicitation, vraiment, lâche-t-il d'un ton sarcastique.
Pam roule des yeux.
— Au lieu de faire le jaloux, vous avez plutôt intérêt à partir tout de suite pour arrêter le lieutenant Moon. Le Père Ahn vient de lâcher une grosse bombe...
Elle regarde les agents présents, un à un, d'un air scandalisé.
— Bah alors ? Qu'est-ce que vous attendez ? Une invitation avec sa tronche de cake dessus ?
-------------------------------------------------------------------------
La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) a été adoptée en 1948
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top