CHAPITRE 40
Pam aborde un sourire professionnel en se levant. Lorsque Young-sun se retourne, il aperçoit le prêtre entrer et se diriger droit vers eux.
— Mademoiselle Cosson ? s'assure-t-il.
— Elle-même, sourit Pam.
Elle tend sa main et quand le prêtre la saisit, elle s'incline légèrement. Le prêtre salut ensuite Young-sun. Sa poigne est forte et pleine d'assurance.
— Je vous en prie Ahn sinbunim, installez-vous confortablement, indique Pam.
La commande arrive au même moment. Un soda pour Pam, un café pour Young-sun et du thé pour le père Ahn.
— J'espère que j'ai bien choisi ? questionne Pam en s'asseyant.
— Oui, mon Enfant, aucun souci.
Ils boivent tous quelques gorgées de leur breuvage avant que Pam ne se lance. Elle est du genre direct, ce qui ne surprend plus Young-sun.
— Alors, comment vous vous sentez depuis l'incendie ?
— C'est un sentiment étrange. Il y a quelques semaines encore, je faisais des messes dans la cathédrale. Et du jour au lendemain...
Le prêtre pousse un soupir triste. Pam hoche la tête, compatissante. Young-sun observe cet échange en restant en retrait. Il souhaitait bel et bien enquêter avec l'étudiante tout en restant dans la légalité. Or, ils sont en train d'interroger indirectement la partie civile d'une affaire, sans en avoir informé qui que ce soit. Pam est une jeune femme brillante, mais elle doit apprendre à respecter les règles...
— Avez-vous remarqué certains comportements étranges parmi les fidèles avant et après l'incendie ? Ou même des nouvelles personnes qui seraient apparues du jour au lendemain pendant les messes ? continue Pam.
Le prêtre secoue la tête.
— Non, je ne me souviens pas. Tout se passait comme d'habitude en fait.
Il boit quelques gorgées en baissant les yeux. Young-sun remarque que ceux de Pam se plissent, comme si elle jugeait amèrement le prêtre. Elle joue aussi nerveusement avec son stylo, le faisant tourner plusieurs fois dans sa main. Mais, lorsque le prêtre revient sur elle, Pam affiche une expression bienveillante et ne parait plus nerveuse. Young-sun fronce des sourcils. À quoi joue-t-elle ?
— Et la veille de l'incident, vous n'avez rien remarqué non plus ?
— Non, c'est arrivé si...
— Si brutalement ? coupe Pam.
Young-sun lui fait les gros yeux pour lui demander d'arrêter son petit manège, mais elle l'ignore.
— Oui, c'est exactement ça, répond le prêtre sous la surprise.
— Le contraire m'aurait étonné, lâche la jeune femme dans sa langue natale.
Le prêtre lance un regard interrogateur à Young-sun avant de prendre quelques gorgées de thé. Pam en profite pour siroter son soda sans le lâcher du regard.
— Et vos fidèles ? Avez-vous eu des nouvelles d'eux ? Vous en avez revu certains dans d'autres messes ?
— Oh oui, bien sûr. Ils sont tous sous le choc, tout comme moi... Je ne pens...
— Vous ne pensiez pas que ça allait arriver un jour. C'est une honte et une tragédie, devine Pam d'un air presque blasé.
— Mais oui ! C'est exactement ce que je ressens. Comment faites-vous ? interroge le prêtre d'un air choqué.
Pam se met à rire comme prise la main dans le sac.
— Je me mets dans votre situation, voyons ! Et apparemment, ça fonctionne...
— Vous êtes très forte, complimente le prêtre en souriant.
Pam lui rend son sourire.
— Je sais.
Elle griffonne sur son bloc-notes. Young-sun continue de lui lancer des appels silencieux, pour comprendre son jeu, mais la jeune femme continuer de l'ignorer.
— D'ailleurs, mon Père, je me demandais... Qui va payer la reconstruction de la cathédrale ? C'est l'État ou la ville ? Je suis vraiment nul en droit public.
— Et bien, en principe, c'est la ville de Séoul, mais l'assurance prend tout en charge.
Pam semble surprise.
— Oh, les lieux de culte ont une assurance ? Je ne savais pas !
— Ça va de soi, mon Enfant.
Elle se met à rire et couvre ce dernier avec sa main... Chose qu'elle ne fait jamais. Change-t-elle de rôle selon la personne qu'elle a en face d'elle quand elle fait des interviews ? S'adapte-t-elle à la personne pour la mettre en confiance ?
— C'est le genre de détails qui passe inaperçu dans la société, mon Père ! Je n'en n'avais jamais entendu parler jusqu'à aujourd'hui.
— Si Séoul n'avait pas souscrit à une assurance multirisque, la ville aurait dû payer elle-même les réparations. Mais ce n'est pas le cas, explique le ministre religieux.
— Je vois. C'est intéressant. J'ai appris quelque chose aujourd'hui !
Elle baisse le regard vers son poignet en haussant les sourcils.
— Woah ! Sacré bijou ! Vous l'avez acheté où ? C'est bientôt l'anniversaire d'un ami et il voudrait exactement la même. Il m'en parle sans arrêt.
Young-sun observe le poignet du prêtre Ahn à son tour. Il porte une magnifique montre de la marque Chopard.
— Merci... Je... Oh, mon dieu, j'allais oublier ! Je suis obligé de prendre congé, j'ai rendez-vous avec l'archevêque Chung. On doit parler de la restauration de la cathédrale avec les ouvriers, explique le Père Ahn en se levant de sa chaise, les yeux rivés sur l'heure qu'indique sa montre.
Pam et Young-sun l'imitent.
— Oh bien sûr, on ne vous retient pas, Père Ahn, soutient Pam.
Il les salue rapidement avant de quitter le café. Young-sun s'incline, mais Pam l'observe partir, le visage fermé. Il se rapproche d'elle d'un air un peu énervé.
— Vous êtes folle ? Pourquoi vous avez été si impolie ? Et s'il avait remarqué votre petit jeu ?
Elle lui lance un regard austère.
— J'ai surtout remarqué qu'il mentait. Ils mentent tous de toute manière.
— Comment ça ? Expliquez-vous. Vous ne me dites jamais rien !
Elle commence à ranger ses affaires dans son sac à main.
— J'ai interrogé les prêtres dans lesquels des églises ont été vandalisées ces derniers mois, et à chaque fois, ils répondaient la même chose. Comme s'ils récitaient un texte.
— Peut-être parce que c'est la seule réaction normale face à ce qu'il s'est passé ?
Pam secoue la tête en se pinçant les lèvres.
— Absolument pas. Vous ne voyez rien ? Une personne leur a signalé quoi dire ! Il y a quelqu'un derrière tout ça... On va l'appeler le metteur en scène, pour le moment. À sa place, j'aurais honte de mon travail... Ses acteurs ont tous la même réplique. Aucune originalité !
Young-sun réfléchit un instant.
— Comment ça ? Vous pensez qu'une personne tierce les menace ?
Elle passe son sac à main autour de son épaule. Elle se tourne vers Young-sun et croise les bras contre sa poitrine.
— Pas exactement.
— Alors quoi ?
— Ne me dites pas que vous ne savez pas !
Young-sun pousse un soupir.
— Mademoiselle Cosson, je n'ai plus l'âge de jouer aux devinettes.
Elle roule des yeux et s'avance d'un pas.
— Un homme d'Église et une montre de luxe... On dirait le début d'une mauvaise blague Carambar, vous ne trouvez pas ?
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