CHAPITRE 15

25 Septembre 2023

Son téléphone sonne tout à coup. Pam se réveille en bondissant. Elle est très vite rattrapée par la fatigue et le brouillard du réveil. Quelle heure est-il ? Quel jour on est ? Le soleil n'est même pas levé derrière ses fenêtres, alors, il doit être encore très tôt. Elle attrape son portable difficilement, et décroche en faisant glisser son doigt sur l'écran vers le haut.

Yeoboseyo ? lâche-t-elle d'une voix basse et pâteuse.

— Je suis en route vers votre campus, dites-moi où je peux trouver votre logement étudiant.

— C'est qui ?

Elle a l'impression de ne pas être totalement réveillée. Sa voix et celle de son interlocuteur viennent de très loin. En fait, on dirait que ce n'est pas réel.

— C'est le docteur Kwan Young-sun, j'ai été appelé pour une victime, habillez-vous tout de suite, je viens vous chercher.

— Mais...

Elle décolle son téléphone de son oreille pour regarder l'heure. Elle pousse un gros soupir en la voyant.

— Mais il est à peine trois heures du matin !

— Dans le monde, cent neuf personnes meurent toutes les minutes. La Mort n'attend pas, mademoiselle Cosson, et je suis comme elle, un peu impatient, alors, envoyez-moi votre adresse et descendez devant votre logement, tout de suite !

Il raccroche sans la laisser répondre.

— Sale con, souffle-t-elle.

Avec un courage hors norme, elle se lève de son lit pour se préparer et lui envoie son adresse : Goyang, près du Wondang Market. Quand elle descend trente minutes plus tard, elle aperçoit un fourgon noir, sous des lampadaires allumés, et Young-sun sur le siège du conducteur. On dirait un gros pervers dans cette ambiance sibylline. Il fait froid et il y a une légère brume dehors. Pam se dépêche de monter à l'avant du véhicule. Elle a à peine le temps de fermer sa portière et de s'attacher que Young-sun l'agresse.

— Trente minutes ! Vous vous foutez de moi ? Quand je vous dis de vous dépêcher, ce n'est pas pour rien !

Il y a deux secondes, elle avait encore la tête dans le coaltar. Maintenant, elle est bien réveillée. Pourquoi est-il si chiant dès le matin ?

— Vous me réveillez en plein milieu de la nuit pour me demander de voir un cadavre... Je ne suis pas aussi vive que Spider-man. Je suis humaine !

— J'ai des protocoles à respecter, mademoiselle Cosson, si vous ne voulez pas m'assister dans mes missions, je vous laisserai le privilège d'accompagner les familles en deuil avec Hyun-su pour les neufs mois à venir. 

Elle roule des yeux et se colle à son siège. Elle se frotte les bras pour se réchauffer.

— Non, c'est bon, répond-elle.

— Pardon ? Je n'ai pas bien entendu.

Il ne la lâche pas du regard. Elle pousse un soupir et pivote légèrement vers lui.

— Je suis désolée pour mon retard, cela ne se reproduira plus, lâche-t-elle les dents serrées.

— Je préfère ça.

Les salutations le matin, ça lui passe au travers de la gorge également ? Il allume le moteur et démarre en trombe. Pam se laisse entraîner vers le fond de son siège à cause de la vitesse dans un hoquet surpris. Sa main vient s'agripper à sa ceinture par instinct de survie. Elle regarde du coin de l'œil Young-sun avant de regarder la route. Elle se racle la gorge.

— Comment vous avez eu mon numéro d'ailleurs ?

— Vous l'avez passé à tout le monde hier quand on entrait les rapports dans le logiciel, sauf à moi. J'ai dû déranger le docteur Kang en pleine nuit pour avoir votre numéro... Alors, vous trierez les dossiers avec lui ce soir.

Pam soupire. La journée d'hier était la plus ennuyante de toute sa vie. Du matin jusqu'au soir, ils ont entré des rapports dans les dossiers dématérialisés sur des ordinateurs datant de sa naissance. Sang-kyu, lui, s'est bien amusé pour le coup... Avec son pince-nez. De cette manière, elle en a beaucoup appris sur la personnalité du docteur Kang et de Hyun-su... Mais pas celle du docteur Kwan. Il est resté à l'écart de tous, dans son coin. Ce trajet en voiture lui permettrait peut-être d'en savoir plus sur lui. Elle se redresse et sourit poliment pour paraître aimable.

— Alors... Pourquoi vous avez arrêté d'être flic ? Vous m'avez empêché d'en parler au lieutenant avant-hier.

— Parce que, répond-il sèchement.

— Parce que quoi ?

— Je n'aime pas les gens.

— Sans blague, j'aurais jamais deviné toute seule, murmure-t-elle dans son coin.

Mais ce n'est pas la vraie raison. Elle en est persuadée. Elle trouvera bien un jour où l'autre de toute manière. Elle est douée pour fouiller dans le passé et faire remonter de vieilles histoires.

— Sang-kyu ne vient pas ? On ne va pas le chercher ? intervient Young-sun.

Il veut changer de sujet.

— Non. Il risque de s'évanouir sur votre cadavre si on l'emmène.

Elle marque une pause. Elle sait qu'il n'aime pas quand elle prononce le mot cadavre à la place de victime. Mais tant pis. Il l'a saoulé dès son arrivée, elle a le droit de se venger un petit peu.

— Vous avez eu le temps de m'appeler, d'aller chercher le fourgon et votre matériel, de venir jusqu'ici... Vous dormez jamais ou quoi ? Le lieu où vous travaillez vous rend dingo ? lâche-t-elle sans penser une seconde que ça peut être vexant.

Pam sent soudainement que l'atmosphère s'alourdit. Alors, elle se tourne légèrement pour le regarder. Il est concentré sur la route, mais ses doigts serrent fortement le volant. Elle voit ses phalanges devenir aussi blanche que la neige. C'est quoi son problème ? Elle hausse un sourcil et se met confortablement dans son siège. Il y a un nouveau silence pesant. Pam ne tiendra pas neuf mois si c'est toujours comme ça avec lui. Peut-être qu'elle devrait essayer de poser des questions sur son métier ? Ainsi, il sentira qu'elle s'intéresse à ce qu'il fait.

— Avez-vous souvent ce genre d'horaire décalé ? interpelle-t-elle.

— Oui.

— C'est bon à savoir, alors. Les prochaines fois, je serai prête plus vite...

Pam prend ses aises et ouvre la boite à gant. Elle y trouve un vieux magazine, datant d'au moins deux ans, et se met à le feuilleter pour faire passer le temps. Mais Young-sun lui arrache des mains et le jette sur la banquette arrière. Pam reste immobile quelques secondes, la forme de ses bras et de ses mains marqués par un magazine invisible, avant de réaliser ce qu'il vient se faire. Elle lâche un rire amer et s'humidifie les lèvres avant de se braquer vers lui.

— Le magazine aurait-il une valeur sentimentale à vos yeux ? Ce serait une exclusivité... Je vois déjà mon titre « Le docteur Kwan Young-sun est capable de ressentir des émotions humaines, mais c'est le cas pour des objets » ironise-t-elle.

Young-sun soupire lentement. Pam entend son nez souffler de là où elle est.

— Ne faites pas ce genre de chose, ça me rend malade, explique-t-il froidement.

— De quoi ? J'ai fait quoi encore ?

Elle ne sait pas s'il parle de son comportement ou du...

— Le magazine. Ne le lisez pas. Ça me rend malade sur la route.

— C'est moi qui le lis, pas vous à ce que je sache.

— Ne le faites pas, c'est tout ! s'emporte-t-il.

— Ça va ! Pas besoin de s'énerver pour si peu !

Elle croise les bras contre sa poitrine et se colle à son siège, frustrée. Voilà. Maintenant, elle est énervée pour le reste de la journée. Elle jette un regard noir en direction du docteur Kwan. Elle approche ensuite son doigt pour allumer la radio, mais Young-sun l'éteint aussitôt. Elle lâche un nouveau rire amer.

— J'ai le droit de rien faire, c'est ça ?

— Ce n'est pas un taxi.

Elle roule des yeux et contemple faussement la route.

— Vous faites toujours ça à tout le monde ? Pas étonnant que vous soyez ce que vous êtes.

Elle sent son regard sur elle.

— Je suis quoi au juste ?

Pam plisse légèrement des yeux. Elle tourne le buste pour pouvoir le juger de haut en bas. Elle va exploser comme une cocotte-minute. Elle bouillonne de colère.

— Seul et déprimant, siffle-t-elle.

Il freine brusquement. Pour éviter de se cogner la tête, Pam doit se retenir contre le tableau de bord. Son cœur bat la chamade. Elle a entendu quelque chose de lourd buter contre la paroi qui les sépare de l'énorme coffre. La route devant eux est obscure et vide. Elle a eu la peur de sa vie ! Sa bouche s'ouvre en grand et elle jette un regard noir au conducteur.

— Mais ça va pas, hurle-t-elle, vous voulez nous tuer ?

Il se tourne vivement vers elle. Il a des yeux de fous.

Ya ! hurle-t-il à son tour.

Ils se toisent tous les deux pendant un bref instant. Pam aperçoit la mâchoire du docteur Kwan se serrer. Il met le frein à main sans la quitter du regard.

— Descendez.

— Quoi ?

— Descendez !

Elle se met à rire nerveusement avant de pousser un long soupir. Elle tourne sa langue dans sa bouche et le regarde à nouveau d'un air mauvais.

— Hors de question, résiste-t-elle.

Il appuie sur un bouton et les portes se déverrouillent. Il se penche pour ouvrir la portière de Pam. Un vent glacial traverse tout son corps.

— Dégagez, ordonne-t-il.

Elle ravale alors sa fierté, se détache et prend son sac à main. Elle descend et tient la portière dans sa main droite.

— Vous savez quoi ? J'espère que vous aurez ma mort sur la conscience s'il m'arrive quelque chose, abruti !

Elle claque violemment la portière. Il démarre en trombe et la lumière des phares disparait dans la nuit, derrière un début de forêt. Pam est sous le choc.

— Oh le... Quel connard. Il l'a vraiment fait.

Elle tremble. Mais elle ne sait pas si c'est à cause de la peur, du choc ou du froid. Elle cherche son portable dans son sac à main et allume sa lampe torche. Elle ne voit rien à plus d'un mètre d'elle... Super. Elle ferme les yeux et prend une grande inspiration.

— On... On se calme. On va bien marcher sur le côté et... Suivre la route goudronnée... Quelqu'un nous verra surement et nous aidera...

Elleouvre les yeux et renifle du nez. Merde. Elle ne sait même pas où elle doitaller. 

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